La Revue de Paris, mai 1852, p. 150-161 (article signé Ernest Reyer)

MUSIQUE – OPERA

Le Juif ErrantJuif errant, LeLe Juif Errant, opéra en cinq actes, sur un livret d’Eugene Scribe et de Henri de Saint-Georges, d’après le roman de Sue, mis en musique par Fromental Halévy, créé à l’Opéra de Paris le 22 avril 1852.Lire la suite…opéra en cinq actes, paroles de MM. ScribeScribe, Augustin-EugèneAugustin-Eugène Scribe (Paris, 24 décembre 1791 – Paris, 20 février 1861), auteur dramatique, librettiste. Auteur dramatique le plus joué à la Comédie Française en son temps (Bertrand et Raton en 1833, La Camaraderie en 1837, Une Chaîne en 1841), il fut un écrivain prolixe qui écrivit 425 Lire la suite… et de Saint-GeorgesSaint-Georges, Jules-Henri Vernoy deJules-Henri Vernoy de Saint-Georges (Paris, 7 novembre 1799 – Paris, 23 décembre 1875), auteur dramatique, librettiste. Il écrivit d’abord un roman puis il se tourna vers la scène et écrivit plusieurs comédies, drames et vaudevilles et produisit pendant cinquante ans des livrets d’opéras eLire la suite…, musique de M. Halevy.


Le Juif ErrantJuif errant, LeLe Juif Errant, opéra en cinq actes, sur un livret d’Eugene Scribe et de Henri de Saint-Georges, d’après le roman de Sue, mis en musique par Fromental Halévy, créé à l’Opéra de Paris le 22 avril 1852.Lire la suite…, si longtemps annoncé, chuchotté, préconisé, a paru au jour et à l’heure indiqués. Les opéras ont l’habitude de se faire attendre, la ponctualité est une de leurs moindres vertus. L’illustre MeyerbeerMeyerbeer, GiacomoJakob Liebmann Meyer Beer dit Giacomo Meyerbeer (Vogelsdorf, 5 septembre 1791 – Paris, 2 mai 1864), compositeur. Il étudia la composition avec Zelter puis l’abbé Vogler et le piano avec Franz Lauska. Bien que considéré par Moscheles comme un des plus grands pianistes de son temps, Meyerbeer abLire la suite… a mis le premier ces retards à la mode et l’on se souvient encore combien de jours et, pour mieux dire, d’années, le ProphèteProphète, LeLe Prophète, opéra en cinq actes sur un livret d’Eugene Scribe et Emile Deschamps mis en musique par Giacomo Meyerbeer et créé à l’Opéra de Paris le 16 avril 1849.Lire la suite… est demeuré dans l’ombre des cartons. Ce n’est point, d’ailleurs, une petite machine à faire manœuvrer qu’un opéra : décors, chanteurs, musiciens, danseuses, une armée de figurants. Pour entrer en campagne lyrique, il faut la persévérance, l’énergie, l’aplomb, le coup d’œil, composer avec les vanités, prévenir les maladies, parer aux mauvais vouloirs, satisfaire les exigences, l’entreprise est périlleuse et lourde, elle demande un tact et en quelque sorte un entêtement peu communs.

Sur toutes les routes sont lancés des commis-voyageurs d’ut de poitrine pour découvrir cet oiseau rare et merveilleux — rara avis in terris — que l’on nomme un ténor. Il faut des prodiges de diplomatie pour enlever des gosiers célèbres à Londres, à Vienne, à la Scala, à la Fenice ou à San Carlo, et pour dénicher des fauvettes mélodieuses, on doit battre sans repos tous les buissons dramatiques du monde chantant.

La regrettable disparition de Mlle FalconFalcon, Marie-CornelieMarie-Cornélie Falcon (Paris, 28 janvier 1814 – Paris, 25 fevrier 1897), soprano. Élève au Conservatoire de Paris, elle obtint les 1er Prix de chant et d’opéra en 1831 et fut engagée à l’Opéra en 1832 où elle créa, entre autres, les rôles d’Amélie dans Gustave III ou le Bal masqué Lire la suite…, l’éloignement prématuré de Mme StoltzStoltz, RosineVictoire Noël, dite Rosine Stoltz (Paris, 13 février 1815 – Paris, 28 juillet 1903), mezzo-soprano. Elle débuta au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles en 1831 et fut engagée six ans plus tard à l’Opéra de Paris, en remplacement de Cornélie Falcon. Elle brilla dans les rôles écrits pourLire la suite…, laissaient un vide à combler. L’Opéra ému a couru à Vienne parlementer avec une jeune cantatrice déjà connue, Mlle Emmy La GruaLa Grua, EmmaEmma Funk épouse La Grua (Palerme, 15 mai 1831 – Paris, 22 mai 1885), soprano. Elle étudia le chant avec sa mère qui était également chanteuse et débuta à Dresde dans le rôle d’Alice de Robert le Diable (Meyerbeer). Elle chanta aussi Donna Anna dans Don Giovanni (Mozart) et Amina dans La SonLire la suite…, et mettre à ses pieds la partition du JuifJuif errant, LeLe Juif Errant, opéra en cinq actes, sur un livret d’Eugene Scribe et de Henri de Saint-Georges, d’après le roman de Sue, mis en musique par Fromental Halévy, créé à l’Opéra de Paris le 22 avril 1852.Lire la suite….

Aussi, quand, à n’en pas douter, est arrivé le soir de la fameuse représentation, une grande rumeur s’est faite dans le public artiste. Une foule immense se pressait sous le péristyle de la rue Lepelletier [Le Peletier]. Les impatiences se hâtaient en foule pour remplir la vaste enceinte trop étroite pour tous les désirs de l’Académie nationale de musique. L’Opéra est comme le ciel, il a beaucoup d’appelés, peu d’élus.

Les Italiens, plus musiciens ou plus musicaux que nous, font volontiers bon marché du poëme. Nous autres Français, par la pente de notre esprit philosophique, raisonneur, mettant les points sur les i, et chercheurs d’éternels pourquoi, nous nous attachons à la fable, la musique passe après. Tout livret qui n’a pas les proportions d’une tragédie, sa coupe, son allure, sa marche et ses procédés, nous rebute. Nous poussons jusqu’à l’excès le scrupule bizarre d’une action déduite et complète, se mouvant d’après certaines lois dont il est périlleux au librettiste de s’écarter. Nous voulons qu’on nous amuse avec méthode et que les ariettes fassent leur cours de rhétorique. Alors même qu’il s’agit d’un opéra, nous emportons notre esprit, mais nous laissons notre oreille chez nous.

C’est pourquoi, au lieu de nous laisser entraîner à la fantaisie d’un caprice heureux, à l’imagination des poëtes, l’Opéra en travail s’adresse aux vaudevillistes comme MM. ScribeScribe, Augustin-EugèneAugustin-Eugène Scribe (Paris, 24 décembre 1791 – Paris, 20 février 1861), auteur dramatique, librettiste. Auteur dramatique le plus joué à la Comédie Française en son temps (Bertrand et Raton en 1833, La Camaraderie en 1837, Une Chaîne en 1841), il fut un écrivain prolixe qui écrivit 425 Lire la suite… et de Saint-GeorgesSaint-Georges, Jules-Henri Vernoy deJules-Henri Vernoy de Saint-Georges (Paris, 7 novembre 1799 – Paris, 23 décembre 1875), auteur dramatique, librettiste. Il écrivit d’abord un roman puis il se tourna vers la scène et écrivit plusieurs comédies, drames et vaudevilles et produisit pendant cinquante ans des livrets d’opéras eLire la suite…. Si nous étions directeur de l’Opéra ou que, sur matière de livret, nous avions voix au chapitre, nous irions trouver LamartineLamartine, Alphonse-Marie-LouisAlphonse-Marie-Louis de Prat de Lamartine (Mâcon, 21 octobre 1790 – Paris, 28 février 1869), poète et homme politique. Il acquit une immense célébrité avec son premier recueil de poèmes, Méditations poétiques (1820). Il publia ensuite Les Harmonies poétiques et religieuses (1830) et les Lire la suite… ou Victor HugoHugo, VictorVictor Hugo (Besançon, 26 février 1802 – Paris, 22 mai 1885), écrivain. Tête de file du romantisme, il publia de nombreux poèmes dont Odes (1822), Les Orientales (1829), Les Feuilles d’automne (1831) et surtout le manifeste du romantisme qu’est sa préface à son drame historique CromwellLire la suite…, comme nous aurions été trouver jadis PerraultPerrault, CharlesCharles Perrault (Paris, 12 janvier 1628 – Paris, 16 mai 1703), écrivain. Il fit des études de droit et reçut sa licence en 1651. Devenu le bras droit de Colbert, il fut chargé en 1663 de la politique artistique et littéraire de Louis XIV, devint secrétaire de la Petite Académie, puis contrLire la suite… ou Charles NodierNodier, CharlesCharles Nodier (Besançon, 29 avril 1780 – Paris, 27 janvier 1844), romancier, poète et grammairien.  Nommé conservateur à la Bibliothèquede l’Arsenal en 1824, son salon accueillit les premiers romantiques. Il fut élu à l’Académie en 1833 et fit partie de la Commission du Dictionnaire.Lire la suite…, les seuls librettistes possibles. Mais la chose à faire est celle qu’on évite et à quoi l’on songe le moins. Ne croit-on pas, par exemple, que la merveilleuse légende du beau Pécopin, tirée du RhinRhinLa lettre XXI du Rhin (1842) de Victor Hugo est intitulée Légende du beau Pécopin et de la belle Bauldour. Elle raconte la légende de Pécopin, dont le goût de la chasse et des exploits le livrent au Diable qui l’entraîne dans toutes sortes d’aventures à travers le monde, à la veille de Lire la suite…, d’HugoHugo, VictorVictor Hugo (Besançon, 26 février 1802 – Paris, 22 mai 1885), écrivain. Tête de file du romantisme, il publia de nombreux poèmes dont Odes (1822), Les Orientales (1829), Les Feuilles d’automne (1831) et surtout le manifeste du romantisme qu’est sa préface à son drame historique CromwellLire la suite…, n’eût servi de texte admirable à des décors et à des musiques, avec des effets saisissants et neufs. Victor HugoHugo, VictorVictor Hugo (Besançon, 26 février 1802 – Paris, 22 mai 1885), écrivain. Tête de file du romantisme, il publia de nombreux poèmes dont Odes (1822), Les Orientales (1829), Les Feuilles d’automne (1831) et surtout le manifeste du romantisme qu’est sa préface à son drame historique CromwellLire la suite…, par la pompe de sa manière et le théâtral de ses conceptions, nous semble très-apte à cette glorieuse besogne, trop méprisée et laissée d’ailleurs à des mains habiles, mais inférieures.

Rien n’est plus déplorable que le poëme du Juif Errant Juif errant, LeLe Juif Errant, opéra en cinq actes, sur un livret d’Eugene Scribe et de Henri de Saint-Georges, d’après le roman de Sue, mis en musique par Fromental Halévy, créé à l’Opéra de Paris le 22 avril 1852.Lire la suite…au point de vue de la versification ; imaginez-vous la rue des Lombards faisant irruption de poésie. Quoi, tant d’argent, de soins, de veilles, de talents dépensés pour une langue de mirlitons, des ritournelles de foire champêtre, alors que les jeunes poëtes, dans l’éclat de leur verve et la fraîcheur primitive de leurs inspirations, seraient heureux de se mettre au service d’une fable ingénieuse, poétique, attachante et bien conçue. Le ridicule axiome qui dit que la musique a besoin de mauvais vers doit-il encore durer après tant de tentatives infructueuses. Ne pourrait-on pas, une fois pour toutes, abandonner une routine absurde et compromettante.

ScribeScribe, Augustin-EugèneAugustin-Eugène Scribe (Paris, 24 décembre 1791 – Paris, 20 février 1861), auteur dramatique, librettiste. Auteur dramatique le plus joué à la Comédie Française en son temps (Bertrand et Raton en 1833, La Camaraderie en 1837, Une Chaîne en 1841), il fut un écrivain prolixe qui écrivit 425 Lire la suite… et de Saint-GeorgesSaint-Georges, Jules-Henri Vernoy deJules-Henri Vernoy de Saint-Georges (Paris, 7 novembre 1799 – Paris, 23 décembre 1875), auteur dramatique, librettiste. Il écrivit d’abord un roman puis il se tourna vers la scène et écrivit plusieurs comédies, drames et vaudevilles et produisit pendant cinquante ans des livrets d’opéras eLire la suite…, ayons le triste courage de le confesser, n’ont pas compris un seul mot à la noble et traditionnelle figure du Juif errant. Ils en ont fait le héros haletant d’un vaudeville bourgeois, un don Japhet, ahuri et sonore, à la recherche de ses enfants, et, si les décorations interviennent au milieu de leur drame pour le poétiser, ce n’est pas de leur faute, c’est presque malgré eux.

Selon la direction d’esprit, ou la raison des librettistes, le Juif errant pouvait être conçu de deux façons. Il eût symbolisé l’humanité en marche vers un idéal reculant sans cesse dans une course panoramique à travers le temps, l’espace, les civilisations et les écroulements de trônes et de peuples, ou personnifié le peuple juif en incarnation vivante. Même en cette dernière donnée, il y eût eu quelque grandeur et quelque apparat. L’idée eût relevé et soutenu le drame. Nous l’eussions sans doute ainsi compris. Regardez quelles ressources, l’histoire en main, offrait un pareil point de départ.

Le peuple juif, en quelque sorte légendaire, s’est sauvé de Jérusalem, chassé par les Romains, emportant dans son exil la religion de Moïse et le culte du Veau d’or. Son nom est une injure, il a été rayé à l’encre rouge de la table des nations le jour où, du haut de son calvaire, le Christ a ouvert ses bras saignants sur l’humanité. N’ayant plus de patrie, il s’est élancé sur le monde ; de l’univers, il a fait sa propriété nomade, et, ne pouvant s’asseoir nulle part, il a voulu passer partout. Bafoué, persécuté, honni, il a traversé le moyen âge dans l’humble posture du lépreux et de l’excommunié. Mis au ban des nations musulmanes et chrétiennes, il a, comme Lazare, ramassé les miettes du festin, et, nouant autour de ses reins sa tunique, il a poursuivi sa route à travers les siècles, son bâton de voyage à la main. Il a laissé de la chair à tous les gibets et à tous les bûchers, il s’est courbé sous l’excommunication du Vatican, sous le bâton du Turc, sous le knout du Russe, sous le san-benito de l’inquisition, cachant sous sa faiblesse le secret de sa force et fuyant la mort et le pilori par le silence et l’opprobre. Courbé sous le poids des diverses vengeances, il marche ainsi errant, montré du doigt, le corps lacéré par des lanières de cuir, le cœur saignant des outrages reçus, capitalisant pour l’avenir les cinq sous de la légende. Nous l’eussions montré persistant et têtu, doué au suprême degré de l’esprit mercantile, se faufilant à travers toutes les histoires et toutes les nations et ne devant qu’à lui-même sa force, sa grandeur et son impénétrabilité.

Voyons de quelle façon MM. ScribeScribe, Augustin-EugèneAugustin-Eugène Scribe (Paris, 24 décembre 1791 – Paris, 20 février 1861), auteur dramatique, librettiste. Auteur dramatique le plus joué à la Comédie Française en son temps (Bertrand et Raton en 1833, La Camaraderie en 1837, Une Chaîne en 1841), il fut un écrivain prolixe qui écrivit 425 Lire la suite… et de Saint-GeorgesSaint-Georges, Jules-Henri Vernoy deJules-Henri Vernoy de Saint-Georges (Paris, 7 novembre 1799 – Paris, 23 décembre 1875), auteur dramatique, librettiste. Il écrivit d’abord un roman puis il se tourna vers la scène et écrivit plusieurs comédies, drames et vaudevilles et produisit pendant cinquante ans des livrets d’opéras eLire la suite… ont interprété le Juif errant et à quelles mesquines et vulgaires proportions de drame ils l’ont ramené, comment ils ont taillé leur caricature d’affabulation dans ce type souffrant de résignation douloureuse, comment marche Isaac Laquedem au pourchas d’un opéra.

Le premier acte s’ouvre à Anvers, en l’an de grâce 1190, au milieu d’une fête flamande, un tableau de Karel DujardinDujardin, KarelKarel Dujardin (Amsterdam, batise le 27 septembre 1626 – Venise, 9 octobre 1678), peintre. Ses parents étaient de très pauvres artisans aussi sait peu de choses sur sa jeunesse et sa formation. Il commença à peindre des paysages vers 1648 et en 1649 quitta Amsterdam pour Lyon et Paris peut-êtreLire la suite… agrandi. Seigneurs, grandes dames, bourgeois et manants couvrent la place, les quais, et circulent parmi la kermesse en chantant. Des zingaris basanés sautent et gambadent. Les cris et les instruments détonnent, répondant au joyeux carillon des estrades des bateleurs. Paraît la plus belle passeuse de l’Escaut, la batelière Théodora, accompagnée d’un jeune enfant de dix ans, Léon, dont elle est la sœur et l’appui. De jeunes seigneurs et des matelots débarqués coquettent à l’entour de ses jolis yeux ; Théodora s’esquiverait sur la pointe du pied, si elle n’était attirée vers le tableau du Juif errant. Elle raconte d’une voix émue la légende du pauvre Juif dans une ballade que la foule reprend en chœur. Cependant, la nuit est venue par degrés. Une escouade de la garde urbaine s’avance sur la place, l’on entend au loin sonner le couvre-feu. Les bourgeois attardés rentrent au logis, la foule s’éloigne. Seuls, les malandrins et les routiers demeurent, prêts à tenter quelques mauvais coups et à battre le pavé pour quelque sinistre besogne. Protégés par les ténèbres, les bandits se partagent les dépouilles de leur dernière expédition et délibèrent sur le sort d’une jeune enfant. Cette enfant, c’est Irène, la fille de Baudouin, comte de Flandre. Ils ont tué la mère, ils vont tuer l’enfant, lorsqu’au milieu des éclairs apparaît Ahasvérus. Le Juif a reconnu dans Irène un descendant de sa race. Il se place entre les bandits et l’enfant, défiant la rage impuissante des bandits. Sa poitrine d’acier émousse les poignards, son corps invulnérable rebrousse les haches. Les bandits le reconnaissent et s’enfuient d’épouvante. Ahasvérus confie à Théodora l’enfant sauvée et reprend sa marche au milieu des salves de la foudre, des rugissements de la tempête et des convulsions de la terre remuée.

Un laps de douze ans sépare le second acte du premier. Nous sommes en Bulgarie, au pied du mont Hémus dans une retraite abritée où, sur les indications du Juif, Théodora a caché Léon et Irène, l’Eliacin femelle de la race des Baudouin de Constantinople. Le père d’Irène, l’empereur Baudouin, est mort. Théodora cherche à remettre la couronne impériale disputée par Nicéphore sur le front de l’héritière légitime. Léon craint d’aimer d’un amour coupable Irène qu’il suppose sa sœur, Théodora lui révèle qu’elle ne l’est pas et qu’il peut désormais l’aimer en toute sécurité de conscience. Comme elle lui explique son arbre généalogique, sa généalogie, les malandrins anversois devenus marchands d’esclaves ont enlevé Irène pour l’offrir à Nicéphore, fin gourmet en matière de bazars, et qui mettra la jeune fille dans son harem. Irène seule a touché son cœur, la vue de la nouvelle Esther a ravivé les flammes de l’Assuérus byzantin. C’est en vain qu’on lui offre la collation d’un ballet. Malgré les pleurs d’Irène, il va l’acheter aux marchands, lorsque le Juif paraît de nouveau pour déclarer l’origine royale de la jeune fille. On le soumet à l’épreuve du feu avant d’ajouter foi à ses paroles. Mais les flammes s’éteignent autour du corps du maudit et le peuple émerveillé proclame Irène impératrice.

Le troisième acte nous introduit dans le palais des empereurs d’Orient, à Constantinople. Le théâtre représente une vaste salle assez semblable aux arcades de Saint-Marc de Venise, d’un goût byzantin, abondant et lourd. Irène, peu soucieuse de la puissance suprême, regrette son enfance et son compagnon Léon. Elle voudrait fouler à terre la couronne qui pèse sur son front, les grandeurs la fatiguent sans l’enivrer, l’amour la garde et la sauve des éblouissements du pouvoir. Le sénat a reconnu les droits d’Irène, mais il exige, pour mettre fin aux troubles, qu’elle épouse Nicéphore en montant sur le trône. Elle hésite entre son amour et son devoir. Nicéphore, caché derrière un rideau, surprend un aveu échappé à Irène. Elle aime Léon. Pour obtenir sa maîtresse, Léon soulèvera le peuple contre Nicéphore. Mais Nicéphore aposte des bandits qui tueront Léon ; le trône laissé vacant lui appartiendra sans conteste.

Le crime s’accomplirait, car Léon est tombé aux mains des bandits. En vain Ahasvérus les fait un instant reculer, il ne peut protéger son enfant. Au moment de lui porter secours, la terrible voix de l’ange vengeur le force à reprendre sa marche. Le Juif, en s’éloignant, voit précipiter Léon du haut d’un rocher.

Nous arrivons au cinquième acte. Sur une plage déserte, Irène et Théodora s’empressent autour de Léon, retiré des flots et ramené miraculeusement à la vie. Puis, d’un instinct prophétique, illuminé par une révélation intérieure, Ahasvérus leur révèle que Nicéphore est tombé ; qu’ils partent, qu’ils aillent régner sur l’empire d’Orient revenu aux mains des enfants de Baudouin.

Son œuvre est finie, il va mourir si la justice de Dieu, lasse de le frapper, veut le recevoir dans l’éternité.

Le deuxième tableau du cinquième acte représente le jugement dernier et la vallée de Josaphat. Les anges, volant des quatre points de l’horizon, s’abattent au milieu des éclairs, sonnant dans les longues trompettes d’airain le dernier réveil. Les pâles multitudes quittent le tombeau et paraissent drapées dans leur linceul. L’on aperçoit les sereines perspectives du paradis, les rouges lueurs des enfers profonds. Les chœurs de bienheureux et de maudits mêlent les ravissements aux cris, les pleurs aux exaltations.

Pendant que se passe cette scène grandiose, digne d’une apocalypse et d’une vision de saint Jean, le Prométhée hébraïque s’agite sur son rocher. La pitié n’a pas touché le cœur du Dieu vengeur. Seul, Ahasvérus survivra à l’humanité finie, au monde éteint, aux âges révolus ; il continuera sa marche parmi les ténèbres, dans les brumes et les crépuscules, jusqu’à ce que Dieu s’attendrisse à la fois et lui accorde le pardon et le repos.

Avec l’Opéra, il est inutile de louer le prestige des tableaux, la magie des décors, la fascination féerique de la mise en scène ; s’il avait à se surpasser, il s’est surpassé.

Tout le monde sait que WeberWeber, Carl Maria vonCarl Maria von Weber (Eutin, 18 novembre 1786 – Londres, 5 juin 1826), compositeur. Il étudia avec son père, puis avec Johann Peter Heuschkel, organiste à Hildburghausen où sa famille s’était établie en 1796. L’année suivante, sa famille s’installa à Salzbourg où Weber étudia avec Lire la suite… a été inventé par Castil-BlazeCastil-Blaze, Francois-Henri-JosephFrançois-Henri-Joseph Blaze dit Castil-Blaze (Cavaillon/Vaucluse, 1er décembre 1784 – Paris, 11 décembre 1857), critique musical, librettiste, traducteur et adaptateur. Il étudia d’abord la musique avec son père, avant de se rendre à Paris pour étudier le droit ; il devint l’un des premLire la suite… comme BeethovenBeethoven, Ludwig vanLudwig van Beethoven (Bonn, 16 décembre 1770 – Vienne, 26 mars 1827), compositeur. Enfant prodige qui donna son premier concert public à Bonn à huit ans. Il alla à Vienne et prit des leçons avec Haydn de 1792 à 1794 puis avec Albrechtsberger de 1794 à 1795 et avec Salieri vers 1799. Il compLire la suite… par HabeneckHabeneck, Francois-AntoineFrançois-Antoine Habeneck (Mézières, 22 janvier 1781 – Paris, 8 février 1849), violoniste, chef d’orchestre et compositeur. Son père était musicien de l’orchestre de la cour de Mannheim qui s’engagea dans la musique d’un régiment de l’armée française. François était l’ainé deLire la suite…, il n’y a guère de cela plus d’un quart de siècle ; le spirituel écrivain avignonnais et l’illustre fondateur de la Société des Concerts du Conservatoire ont donc été les premiers à préparer en France le mouvement musical romantique qui a amené une réaction si complète en faveur de la grande école allemande, école dont les traditions ont été conservées plus ou moins religieusement par M. MeyerbeerMeyerbeer, GiacomoJakob Liebmann Meyer Beer dit Giacomo Meyerbeer (Vogelsdorf, 5 septembre 1791 – Paris, 2 mai 1864), compositeur. Il étudia la composition avec Zelter puis l’abbé Vogler et le piano avec Franz Lauska. Bien que considéré par Moscheles comme un des plus grands pianistes de son temps, Meyerbeer abLire la suite… et M. HalévyHalévy, Jacques-Fromental-ÉlieJacques-Fromental-Élie Halévy (Paris, 27 mai 1799 – Nice, 12 mars 1862), compositeur. Il étudia la composition au Conservatoire de Paris avec Cherubini et Méhul et obtint le Prix de Rome en 1819. Il débuta avec succès à l’Opéra-comique en 1827 avec L’Artisan et produisit à ce théâtrLire la suite…. Aux accords grandioses et fantastiques du Freyschutz Freischütz, DerDer Freischütz, opéra romantique en trois actes sur un livret de Johann Friedrich Kind, mis en musique par Carl Maria von Weber, créé au Nouveau Schauspielhaus de Berlin le 18 juin 1821.Lire la suite…[FreischützFreischütz, DerDer Freischütz, opéra romantique en trois actes sur un livret de Johann Friedrich Kind, mis en musique par Carl Maria von Weber, créé au Nouveau Schauspielhaus de Berlin le 18 juin 1821.Lire la suite…] succédèrent bientôt les chants passionnés et l’orchestration dramatique de Robert le DiableRobert-le-diableRobert le Diable, opéra en cinq actes sur un livret d’Eugene Scribe et  Germain Delavigne, mis en musique par Giacomo Meyerbeer, créé à l’Opéra de Paris le 21 novembre 1831.Lire la suite…, œuvre dans laquelle la tournure de la mélodie trahissait cependant çà et là la première manière de l’auteur, la manière italienne. Cette altération de la pureté du style allemand, qu’il est également facile de reconnaître dans les HuguenotsHuguenots, LesLes Huguenots, opéra en cinq actes sur un livret d’Eugene Scribe et  Emile Deschamps, mis en musique par Giacomo Meyerbeer, créé à l’Opéra de Paris le 29 février 1836.Lire la suite…, devient moins évidente dans le ProphèteProphète, LeLe Prophète, opéra en cinq actes sur un livret d’Eugene Scribe et Emile Deschamps mis en musique par Giacomo Meyerbeer et créé à l’Opéra de Paris le 16 avril 1849.Lire la suite…. M. HalévyHalévy, Jacques-Fromental-ÉlieJacques-Fromental-Élie Halévy (Paris, 27 mai 1799 – Nice, 12 mars 1862), compositeur. Il étudia la composition au Conservatoire de Paris avec Cherubini et Méhul et obtint le Prix de Rome en 1819. Il débuta avec succès à l’Opéra-comique en 1827 avec L’Artisan et produisit à ce théâtrLire la suite…, à mesure qu’il avance, semble au contraire se rapprocher de plus en plus de la strette et de la cavatine, et bien que dans la JuiveJuive, LaLa Juive, opéra en cinq actes sur un livret d’Eugène Scribe mis en musique par Fromental Halévy et créé à l’Opéra de Paris le 23 février 1835.Lire la suite… on sentît le mélange des trois écoles, la couleur allemande dominait ; aujourd’hui elle tend à s’effacer et le Juif ErrantJuif errant, LeLe Juif Errant, opéra en cinq actes, sur un livret d’Eugene Scribe et de Henri de Saint-Georges, d’après le roman de Sue, mis en musique par Fromental Halévy, créé à l’Opéra de Paris le 22 avril 1852.Lire la suite… ne constate pas à nos yeux un progrès, comme unité de style surtout, sur les partitions précédentes du maître ; du reste, M. HalévyHalévy, Jacques-Fromental-ÉlieJacques-Fromental-Élie Halévy (Paris, 27 mai 1799 – Nice, 12 mars 1862), compositeur. Il étudia la composition au Conservatoire de Paris avec Cherubini et Méhul et obtint le Prix de Rome en 1819. Il débuta avec succès à l’Opéra-comique en 1827 avec L’Artisan et produisit à ce théâtrLire la suite… a toujours fait marcher de pair deux genres parfaitement opposés, et nous croyons que si le compositeur de grand opéra se révèle parfois sous le compositeur d’opéra comique, celui-ci se laisse tout aussi aisément deviner à travers les grandes proportions du drame lyrique. Il résulte de cela deux choses fâcheuses pour l’art : l’abâtardissement de la forme d’une part et l’exagération des effets de l’autre. — Nous avons toujours regardé comme dangereuse l’invasion du cuivre à l’Opéra ; M. MeyerbeerMeyerbeer, GiacomoJakob Liebmann Meyer Beer dit Giacomo Meyerbeer (Vogelsdorf, 5 septembre 1791 – Paris, 2 mai 1864), compositeur. Il étudia la composition avec Zelter puis l’abbé Vogler et le piano avec Franz Lauska. Bien que considéré par Moscheles comme un des plus grands pianistes de son temps, Meyerbeer abLire la suite… a voulu renchérir sur l’orchestration si simple mais si colorée et si puissante de Weber Weber, Carl Maria vonCarl Maria von Weber (Eutin, 18 novembre 1786 – Londres, 5 juin 1826), compositeur. Il étudia avec son père, puis avec Johann Peter Heuschkel, organiste à Hildburghausen où sa famille s’était établie en 1796. L’année suivante, sa famille s’installa à Salzbourg où Weber étudia avec Lire la suite…; M. HalévyHalévy, Jacques-Fromental-ÉlieJacques-Fromental-Élie Halévy (Paris, 27 mai 1799 – Nice, 12 mars 1862), compositeur. Il étudia la composition au Conservatoire de Paris avec Cherubini et Méhul et obtint le Prix de Rome en 1819. Il débuta avec succès à l’Opéra-comique en 1827 avec L’Artisan et produisit à ce théâtrLire la suite… semble vouloir aller plus loin encore que M. MeyerbeerMeyerbeer, GiacomoJakob Liebmann Meyer Beer dit Giacomo Meyerbeer (Vogelsdorf, 5 septembre 1791 – Paris, 2 mai 1864), compositeur. Il étudia la composition avec Zelter puis l’abbé Vogler et le piano avec Franz Lauska. Bien que considéré par Moscheles comme un des plus grands pianistes de son temps, Meyerbeer abLire la suite…, et, en cherchant à pousser la sonorité de l’orchestre jusqu’aux dernières limites, il arrive à être bruyant et confus. Il est temps de modérer ces tendances exagérées et de mettre des sourdines à ces fanfares cyclopéennes qui sonnent à nos oreilles le dernier quart d’heure des chanteurs et de la mélodie : aussi n’avons-nous pas apprécié le moins du monde l’effet grandiose et solennel que l’auteur du Juif ErrantJuif errant, LeLe Juif Errant, opéra en cinq actes, sur un livret d’Eugene Scribe et de Henri de Saint-Georges, d’après le roman de Sue, mis en musique par Fromental Halévy, créé à l’Opéra de Paris le 22 avril 1852.Lire la suite… s’est sans doute proposé d’atteindre en faisant escorter l’empereur Nicéphore, au troisième acte de son ouvrage, de quinze sax-tuba de la plus colossale dimension. Nous reconnaissons très-certainement l’utilité des instruments inventés par M. SaxSax, AdolpheAntoine-Joseph Sax dit Adolphe Sax (Dinant, 6 novembre 1814 – Paris, 7 février 1894), facteur d’instruments à vent. Il fit son apprentissage dans l’atelier de son père, également facteur d’instruments à vent, à Bruxelles et étudia la flute et la clarinette. Il s’installa à Paris en juLire la suite… et nous le félicitons du perfectionnement qu’il leur fait subir tous les jours, mais nous sommes d’avis que les musiques des régiments et l’orchestre d’un Cirque-National ou d’un Hippodrome doivent seuls jouir, à certaines restrictions près, des avantages de cette invention.

Si le Juif ErrantJuif errant, LeLe Juif Errant, opéra en cinq actes, sur un livret d’Eugene Scribe et de Henri de Saint-Georges, d’après le roman de Sue, mis en musique par Fromental Halévy, créé à l’Opéra de Paris le 22 avril 1852.Lire la suite… ne constate pas, ainsi que nous l’avons déjà dit, un progrès sur les précédentes partitions de M. HalévyHalévy, Jacques-Fromental-ÉlieJacques-Fromental-Élie Halévy (Paris, 27 mai 1799 – Nice, 12 mars 1862), compositeur. Il étudia la composition au Conservatoire de Paris avec Cherubini et Méhul et obtint le Prix de Rome en 1819. Il débuta avec succès à l’Opéra-comique en 1827 avec L’Artisan et produisit à ce théâtrLire la suite…, ce n’en est pas moins une œuvre de haut mérite où il y a peut-être plus de science que d’inspiration, mais qui est pleine d’élans chaleureux, de mouvements dramatiques, de détails intéressants et d’effets d’orchestre colorés avec cette puissance et cette originalité qui portent le cachet du maître.

Essayons maintenant de faire l’analyse de la partition.

Après une courte introduction en la mineur, instrumentée avec autant d’élégance que d’habileté, vient un chœur de marins d’un rhythme très-franc, suivi d’une délicieuse ballade qui permet à Mme TedescoTedesco, FortunataFortunata Tedesco (Mantoue, 14 décembre 1826 – ?), contralto italienne. Elle débuta à la Scala à Milan en 1844 avant de se produire avec succès sur les scènes italiennes, à Vienne, puis en tournée en Amérique du Nord de 1847 à 1850. Elle fut engagée en 1851 à l’Opéra de Paris, où eLire la suite… de faire apprécier la belle étendue de sa voix et l’ampleur de ses notes basses. La ronde de nuit arrive, et M. MerlyMerly, Jean-BaptisteJean-Baptiste Merly (Toulouse, 19 mars 1828 – ? juillet 1885), baryton. Après ses études au Conservatoire de Paris, il débuta à l’Opéra de Paris en 1851 et participa à la création de La Corbeille d’oranges (Auber), du Juif errant (Halévy, 1852), de La Nonne sanglante (Gounod, 1854). IlLire la suite…, qui remplit le rôle du guetteur, chante des couplets que le chœur reprend ensuite sotto voce, et dont les dernières notes s’éteignent dans le lointain pendant que les cloches du beffroi d’Anvers sonnent l’heure du couvre-feu. Les malandrins se disputent leur butin avec une énergie sauvage dont le musicien a admirablement rendu l’effet, et bientôt le bruit du tonnerre et le sillonnement de l’éclair, que l’orchestre accompagne par des imitations pleines de couleur et de vérité, annoncent l’entrée d’Ahasvérus. Cette scène est d’une beauté saisissante ; le récitatif et la romance chantés par le Juif Errant, après qu’il a arraché son enfant bien-aimé des mains teintes de sang du bandit Ludgers, sont d’un style large et d’une mélodie à la fois touchante et passionnée. Nous aimons moins le duo suivant entre Ahasvérus et Théodora, quoiqu’il y ait là encore de belles inspirations et des effets très-dramatiques que MassolMassol, EugeneJean-Etienne-Auguste dit Eugene Massol (Lodève, 23 aout 1802 – Paris, 30 octobre 1887), ténor puis baryton. Il débuta à l’Opéra de Paris en 1825 et y tint surtout des rôles secondaires auxquels il sut donner du relief. Il quitta l’Opéra en 1845 et se produisit à Londres et à Bruxelles oLire la suite… et Mme TedescoTedesco, FortunataFortunata Tedesco (Mantoue, 14 décembre 1826 – ?), contralto italienne. Elle débuta à la Scala à Milan en 1844 avant de se produire avec succès sur les scènes italiennes, à Vienne, puis en tournée en Amérique du Nord de 1847 à 1850. Elle fut engagée en 1851 à l’Opéra de Paris, où eLire la suite… ont rendus avec une grande puissance de voix et de talent.

Dans le trio chanté au commencement du deuxième acte par RogerRoger, Gustave-HippolyteGustave-Hippolyte Roger (La-Chapelle-Saint-Denis, 17 décembre 1815 – Paris, 12 septembre 1879), ténor. Il étudia au Conservatoire de Paris où il obtint les 1er Prix de chant et d’opéra-comique en 1837. Il débuta le 16 Février 1838 à l’Opéra-Comique dans le rôle de Georges de L’EclairLire la suite…, Mme TedescoTedesco, FortunataFortunata Tedesco (Mantoue, 14 décembre 1826 – ?), contralto italienne. Elle débuta à la Scala à Milan en 1844 avant de se produire avec succès sur les scènes italiennes, à Vienne, puis en tournée en Amérique du Nord de 1847 à 1850. Elle fut engagée en 1851 à l’Opéra de Paris, où eLire la suite… et Mlle Emmy La GruaLa Grua, EmmaEmma Funk épouse La Grua (Palerme, 15 mai 1831 – Paris, 22 mai 1885), soprano. Elle étudia le chant avec sa mère qui était également chanteuse et débuta à Dresde dans le rôle d’Alice de Robert le Diable (Meyerbeer). Elle chanta aussi Donna Anna dans Don Giovanni (Mozart) et Amina dans La SonLire la suite…, nous avons remarqué une très-belle phrase en ré bémol, qui n’est peut-être pas d’une entière nouveauté, mais dont le sentiment est rempli d’entraînement et d’amour.

Le quatuor des bandits est assez original, malgré son allure italienne ; l’orchestre fait entendre un dessin très-piquant, fait par les premiers violons, sur un chœur syllabique :

Moi, j’ai parcouru l’Asie,

Exploité la Géorgie,

Dépeuplé la Circassie.

Le duo suivant entre Léon et Théodora renferme de très-beaux motifs ; mais nous préférons de beaucoup l’andante à l’allegro. Le musicien s’est laissé aller dans cette seconde partie à certaines périodes italiennes qui ne nous paraissent pas d’un goût irréprochable, et pour lesquelles Mme TedescoTedesco, FortunataFortunata Tedesco (Mantoue, 14 décembre 1826 – ?), contralto italienne. Elle débuta à la Scala à Milan en 1844 avant de se produire avec succès sur les scènes italiennes, à Vienne, puis en tournée en Amérique du Nord de 1847 à 1850. Elle fut engagée en 1851 à l’Opéra de Paris, où eLire la suite… semble montrer une prédilection toute particulière. Nous ne louerons pas sans réserve le chœur en mi majeur : « Saint Jean ! saint Jean ! » dont le rhythme est entraînant, mais dont la mélodie manque de distinction. Les airs de ballet sont charmants ; les crotales antiques et le triangle mêlent leur tintement sonore aux mélodies chantées alternativement par le cor, le hautbois et les violoncelles. La fin de cet acte, sur la scène comme dans l’orchestre, est traitée avec beaucoup de solennité. ObinObin, Louis-HenriLouis-Henri Obin (Ascq/Nord, 4 aout 1820 – Paris, 9 novembre 1895), basse. Il étudia à Lille avec Antoine Ponchard puis au Conservatoire de Paris. Il débuta à l’Opéra de Paris en 1844 et créa avec beaucoup de succès le rôle de Bocchoris de L’Enfant prodigue (Auber, 1850). Il créa le rLire la suite…, qui remplit le rôle de l’empereur Nicéphore, y a déployé sa belle voix de basse-taille, qu’il conduit avec beaucoup d’art.

Il a dit avec une expression bien sentie cette magnifique phrase qui a été fort applaudie :

Oui, bientôt ta folle audace

Recevra son châtiment,

Et tu peux, sur cette place,

Voir le bûcher qui t’attend.

Irène, reconnue impératrice, est saluée par les acclamations des soldats, et le chœur reprend.

Au commencement du troisième acte, Mlle La GruaLa Grua, EmmaEmma Funk épouse La Grua (Palerme, 15 mai 1831 – Paris, 22 mai 1885), soprano. Elle étudia le chant avec sa mère qui était également chanteuse et débuta à Dresde dans le rôle d’Alice de Robert le Diable (Meyerbeer). Elle chanta aussi Donna Anna dans Don Giovanni (Mozart) et Amina dans La SonLire la suite… chante un cantabile en mi majeur et une cavatine traitée à l’italienne, dans laquelle la jeune débutante a montré le charme de son talent et la pureté de son mélodieux gosier.

Il y a dans la romance de RogerRoger, Gustave-HippolyteGustave-Hippolyte Roger (La-Chapelle-Saint-Denis, 17 décembre 1815 – Paris, 12 septembre 1879), ténor. Il étudia au Conservatoire de Paris où il obtint les 1er Prix de chant et d’opéra-comique en 1837. Il débuta le 16 Février 1838 à l’Opéra-Comique dans le rôle de Georges de L’EclairLire la suite… :

Rendez-la-moi, Madame,

Je l’aimais tant !

une tendresse pathétique que l’habile chanteur a parfaitement exprimée. Nous arrivons maintenant au divertissement dansé par les Abeilles et le pasteur Aristée ; le musicien a fait là de l’harmonie imitative de la plus exquise délicatesse et d’une entière vérité ; les tremolo et les dessins pleins de finesse et de légèreté du quatuor en sourdines font entendre un bourdonnement qui accompagne d’une manière piquante les évolutions de la troupe ailée. Toute cette scène chorégraphique est merveilleusement instrumentée ; le hautbois de VerroustVerroust, Louis-Stanislas-XavierLouis-Stanislas-Xavier Verroust (Hazebrouck, 10 mai 1814 – Hazebrouk, 11 avril 1863), hautboiste. En 1834, il obtint un premier prix de hautbois au Conservatoire de Paris. Il devint premier hautbois à l’Opéra en 1839 et fut un membre de la Société de musique classique, fondée en 1847. Il enseLire la suite… et la flûte de DorusDorus, LouisVincent-Joseph van Steenkiste, dit Louis Dorus (Valenciennes, 1er mars 1813 – Étretat, 9 juin 1896), flûtiste.En 1828, il obtint un premier prix de flûte au Conservatoire de Paris et fut engagé comme flûte solo à l’Opéra en 1835. Il y restera jusqu’en 1866. En 1847 il fut un des fondatLire la suite… y soupirent des airs d’une naïveté et d’une grâce adorables. Comme contraste à la délicieuse pastorale que nous venons d’esquisser, les instruments SaxSax, AdolpheAntoine-Joseph Sax dit Adolphe Sax (Dinant, 6 novembre 1814 – Paris, 7 février 1894), facteur d’instruments à vent. Il fit son apprentissage dans l’atelier de son père, également facteur d’instruments à vent, à Bruxelles et étudia la flute et la clarinette. Il s’installa à Paris en juLire la suite… entonnent leurs fanfares assourdissantes qui règlent la marche triomphale de l’empereur Nicéphore ; l’orchestre ne se laisse pas intimider par le vacarme qui se fait sur la scène, et il répond de la voix tonnante de ses trombones aux accents formidables du sax-tuba.

Le quatrième acte débute par une cavatine chantée par RogerRoger, Gustave-HippolyteGustave-Hippolyte Roger (La-Chapelle-Saint-Denis, 17 décembre 1815 – Paris, 12 septembre 1879), ténor. Il étudia au Conservatoire de Paris où il obtint les 1er Prix de chant et d’opéra-comique en 1837. Il débuta le 16 Février 1838 à l’Opéra-Comique dans le rôle de Georges de L’EclairLire la suite…, et que nous préférons de beaucoup à la stretta qui suit. Le duo entre Irène et Léon est habilement développé, d’une excellente facture et d’une inspiration chaleureuse ; le cor anglais s’y marie avec beaucoup de charme à cette phrase qui exhale un parfum de tendresse et d’amour, dont la salle entière paraissait s’enivrer :

Et tant qu’a duré ce sommeil

Où dormaient nos âmes… ton âme

N’éprouvait-elle pas une secrète flamme

Impatiente du réveil ?

La péroraison de ce duo est écrite avec une verve entraînante ; on l’a vivement applaudie.

L’entrée d’Ahasvérus est annoncée par un solo de trombone, que M. DieppoDieppo, Antoine-Guillaume-LouisAntoine-Guillaume-Louis Dieppo (Amesfort/ Pays-Bas, 28 novembre 1808 – Dijon, 15 février 1878), tromboniste. Il fut engagé à l’Opéra en 1835. Titulaire de la classe de trombone à coulisse du Conservatoire de Paris depuis 1836, il devint titulaire de la classe de trombone à pistons en 1857.Lire la suite… a exécuté avec ce talent dont lui seul possède le secret ; on croyait entendre les sons veloutés du cor le plus harmonieux et le plus pur. MassolMassol, EugeneJean-Etienne-Auguste dit Eugene Massol (Lodève, 23 aout 1802 – Paris, 30 octobre 1887), ténor puis baryton. Il débuta à l’Opéra de Paris en 1825 et y tint surtout des rôles secondaires auxquels il sut donner du relief. Il quitta l’Opéra en 1845 et se produisit à Londres et à Bruxelles oLire la suite… a là une scène admirable qui est de la déclamation plutôt que du chant ; elle est écrite d’un bout à l’autre dans un sentiment dramatique très-élevé et touchée de main de maître, un peu dans la manière de GluckGluck, Christoph WillibaldChristoph Willibald Gluck (Erasbach/Haut-Palatinat, 2 juillet 1714 – Vienne, 15 novembre 1787), compositeur. Né en Bohème, on ne sait rien de ses études scolaires ou musicales. En 1732, il alla à Prague, jouant du violon, et préférablement du violoncelle et chantant dans les chœurs des églLire la suite…. Dans le quintette suivant où le cor fait entendre un joli accompagnement en mi bémol, M. DepassioDepassio, JeanJean Depassio (Lyon, 4 mai 1824 – Montmorency, 24 mars 1887), basse. A la fin de ses études au Conservatoire de Paris il fut engagé à la Monnaie à Bruxelles où il resta jusqu’en 1851. Entre 1851 et 1854, il chanta à l’Opéra de Paris et participa aux créations du Juif errant (Halévy, 1Lire la suite… a donné des notes graves d’une ampleur et d’une sonorité vraiment remarquables. Constatons les progrès de ce jeune artiste, qui est destiné à prendre à l’Opéra la place laissée vacante par la retraite de LevasseurLevasseur, Nicolas-ProsperNicolas-Prosper Levasseur (Bresles, 9 mars 1791 – Paris, 6 décembre 1871), basse. Il étudia au Conservatoire de Paris avec Garat et obtint en 1811 un 2eme prix de chant et en 1812 un 1er prix de tragédie lyrique. Il débuta à l’Opéra en 1813 dans le rôle du Pacha de La Caravane du Caire (GLire la suite…. Le final de ce quatrième acte est d’un effet grandiose ; MassolMassol, EugeneJean-Etienne-Auguste dit Eugene Massol (Lodève, 23 aout 1802 – Paris, 30 octobre 1887), ténor puis baryton. Il débuta à l’Opéra de Paris en 1825 et y tint surtout des rôles secondaires auxquels il sut donner du relief. Il quitta l’Opéra en 1845 et se produisit à Londres et à Bruxelles oLire la suite… y a eu de très-beaux moments.

Au cinquième acte, la beauté de la décoration nuit un peu au travail du compositeur ; les diables à queues rouges font faire aux damnés des sauts de carpes dans la fournaise ; tout ce monde de l’enfer hurle et se meut au milieu des flammes pendant que les trompettes du jugement dernier sonnent l’heure de l’expiation ou de la récompense ; les morts s’avancent sur la scène en chantant un chœur d’un caractère solennel et religieux, les âmes des élus s’envolent au paradis et l’ange exterminateur, debout et imposant au milieu de cette scène terrible, chante une évocation largement écrite, soutenue par une orchestration puissante et colorée.

Mme TedescoTedesco, FortunataFortunata Tedesco (Mantoue, 14 décembre 1826 – ?), contralto italienne. Elle débuta à la Scala à Milan en 1844 avant de se produire avec succès sur les scènes italiennes, à Vienne, puis en tournée en Amérique du Nord de 1847 à 1850. Elle fut engagée en 1851 à l’Opéra de Paris, où eLire la suite… a une magnifique voix ; elle a été très-dramatique dans le rôle de Théodora ; Mlle La GruaLa Grua, EmmaEmma Funk épouse La Grua (Palerme, 15 mai 1831 – Paris, 22 mai 1885), soprano. Elle étudia le chant avec sa mère qui était également chanteuse et débuta à Dresde dans le rôle d’Alice de Robert le Diable (Meyerbeer). Elle chanta aussi Donna Anna dans Don Giovanni (Mozart) et Amina dans La SonLire la suite…, la jeune débutante, a parfaitement réussi ; elle a l’intelligence scénique, la voix étendue et d’un timbre sympathique rempli de souplesse et d’énergie.

MassolMassol, EugeneJean-Etienne-Auguste dit Eugene Massol (Lodève, 23 aout 1802 – Paris, 30 octobre 1887), ténor puis baryton. Il débuta à l’Opéra de Paris en 1825 et y tint surtout des rôles secondaires auxquels il sut donner du relief. Il quitta l’Opéra en 1845 et se produisit à Londres et à Bruxelles oLire la suite… a été très-applaudi dans le rôle d’Ahasvérus, malgré quelques émissions de son douteuses ; RogerRoger, Gustave-HippolyteGustave-Hippolyte Roger (La-Chapelle-Saint-Denis, 17 décembre 1815 – Paris, 12 septembre 1879), ténor. Il étudia au Conservatoire de Paris où il obtint les 1er Prix de chant et d’opéra-comique en 1837. Il débuta le 16 Février 1838 à l’Opéra-Comique dans le rôle de Georges de L’EclairLire la suite… joue et chante le rôle de Léon en artiste consommé ; M. ChapuysChapuis, René-AlexandreRené-Alexandre Chapuis (Lormes, 20 août 1828 – ?), ténor. Il obtint un premier prix de chant et un second prix d’opéra au Conservatoire de Paris en 1850. L’année suivante, il fut engagé à l’Opéra de Paris, où il resta jusqu’en 1855 avant de rejoindre le Théâtre de la Monnaie à Lire la suite… [Chapuis]Chapuis, René-AlexandreRené-Alexandre Chapuis (Lormes, 20 août 1828 – ?), ténor. Il obtint un premier prix de chant et un second prix d’opéra au Conservatoire de Paris en 1850. L’année suivante, il fut engagé à l’Opéra de Paris, où il resta jusqu’en 1855 avant de rejoindre le Théâtre de la Monnaie à Lire la suite… a dit d’une manière très-remarquable la belle évocation du cinquième acte. N’oublions pas M. MerlyMerly, Jean-BaptisteJean-Baptiste Merly (Toulouse, 19 mars 1828 – ? juillet 1885), baryton. Après ses études au Conservatoire de Paris, il débuta à l’Opéra de Paris en 1851 et participa à la création de La Corbeille d’oranges (Auber), du Juif errant (Halévy, 1852), de La Nonne sanglante (Gounod, 1854). IlLire la suite… et M. LyonLyon, EdouardEdouard Lyon (? – ?), baryton. Se produisit dans de nombreux recitals a Paris dans les années 1850 et 1860.Lire la suite…, qui ont su montrer leur talent dans des rôles secondaires.

On a rappelé M. HalévyHalévy, Jacques-Fromental-ÉlieJacques-Fromental-Élie Halévy (Paris, 27 mai 1799 – Nice, 12 mars 1862), compositeur. Il étudia la composition au Conservatoire de Paris avec Cherubini et Méhul et obtint le Prix de Rome en 1819. Il débuta avec succès à l’Opéra-comique en 1827 avec L’Artisan et produisit à ce théâtrLire la suite…, qui a eu la modestie de rester dans la coulisse. Maintenant espérons, ainsi que l’a dit un de nos confrères, que le Juif ErrantJuif errant, LeLe Juif Errant, opéra en cinq actes, sur un livret d’Eugene Scribe et de Henri de Saint-Georges, d’après le roman de Sue, mis en musique par Fromental Halévy, créé à l’Opéra de Paris le 22 avril 1852.Lire la suite… subira sa sentence et qu’il marchera longtemps. Jusqu’au jour du jugement, ce sera trop dire, mais il fera bien une centaine d’étapes avant de déposer son bâton blanc, sa besace et ses sandales dans la Josaphat des opéras oubliés, et au moment où il croira pouvoir se reposer, il est bien possible que l’ange au glaive de feu vienne encore lui crier : « Marche ! » et le faire remettre en route.