La Revue de Paris, juillet 1852, p. 145-148 (article signé Ernest Reyer).

Chronique théâtrale

Les Chœurs d’Ulysse, par M. Charles GounodGounod, CharlesCharles Gounod (Paris, 17 juin 1818 – Saint-Cloud, 18 octobre 1893) compositeur. Gounod étudia le piano avec sa mère et la composition et l’harmonie en privé avec Reicha tout en faisant d’excellentes études classiques au Lycée Saint-Louis à Paris. Après avoir obtenu son baccalauréat, il Lire la suite….


Il n’est peut-être pas nécessaire, à propos des chœurs d’UlysseUlysseUlysse, tragédie mêlée de choeurs, en 3 actes et en vers, avec prologue et épilogue de François Ponsard créée à la Comédie Française le 18 juin 1852. La musique des choeurs est de Charles Gounod.Lire la suite…, de nous laisser aller à des considérations sur la musique grecque. M. PonsardPonsard, FrançoisFrançois Ponsard (Vienne/ Dauphiné, 1er juin 1814 – Paris, 7 juillet 1867), poète dramatique dont la première pièce de théâtre, Lucrèce (1843), obtint un très grand succès et fut couronnée par l’Académie française. Acclamé comme un champion des classiques, il adopta néanmoins la Lire la suite… a pu vouloir, en traduisant l’OdysséeOdysseeIl n’y a pas encore de descriptionLire la suite…, consacrer à son œuvre un certain caractère homérique, mais M. GounodGounod, CharlesCharles Gounod (Paris, 17 juin 1818 – Saint-Cloud, 18 octobre 1893) compositeur. Gounod étudia le piano avec sa mère et la composition et l’harmonie en privé avec Reicha tout en faisant d’excellentes études classiques au Lycée Saint-Louis à Paris. Après avoir obtenu son baccalauréat, il Lire la suite… n’a probablement pas eu la moindre intention de rappeler dans ses systèmes, dans sa mélodie et dans son instrumentation, l’art musical tel qu’il existait en Grèce au temps d’Ulysse et de Pénélope, et même après. Il est évident pour nous que chez les Grecs, comme chez les Hébreux, l’harmonie a été amenée à un degré de perfection aussi élevé peut-être que celui auquel elle existe aujourd’hui. L’influence de la musique sur les sens fit regarder cet art comme dangereux par les premiers Pères de l’Église, et le christianisme chercha à en effacer jusqu’au moindre vestige. Dans une lacune de plusieurs siècles, les traditions se perdirent, et ce que les historiens nous ont transmis sur les chants qui accompagnaient les tragédies d’EschyleEschyleEschyle (Eleusis, Grèce, vers 525 – Gela, Sicile 456 av. J.-C.), auteur dramatique grec.  Il est considéré le créateur de la tragédie grecque. Parmi ses œuvres on cite : L’Orestie, Les Sept contre Thèbes, Prométhée enchainé, Les Perses.Lire la suite…, de SophocleSophocleSophocle (Colone, Grèce, vers 495 –Athènes, 406 av. J.-C.), auteur dramatique grec. Dans ses œuvres le caractère et l’évolution du héros sont la manifestation du destin et de la volonté des dieux. Il ne reste de lui que sept tragédies dont Electre, Antigone, Œdipe roi, Œdipe à ColoneLire la suite… et d’EuripideEuripideEuripide (Salamine, Grèce 480 – Pella, Grèce 406 av. J.-C.), auteur dramatique grec. Il innova la tragédie antique en rajeunissant les mythes et en introduisant une importante analyse psychologique entre autres. Parmi ses œuvres on cite : Alceste, Médée, Hippolyte, Andromaque, Electre, Les Lire la suite…, ne suffit pas pour nous initier d’une manière positive aux règles de la musique et de l’harmonie, telles qu’elles existaient à cette époque. Plusieurs de ces chants, qui ont passé dans le rituel musical de l’Église, nous donnent cependant une idée assez exacte du caractère général de ces compositions, à l’exécution desquelles concouraient des masses de chanteurs et d’instrumentistes ; mais, nous le répétons, M. GounodGounod, CharlesCharles Gounod (Paris, 17 juin 1818 – Saint-Cloud, 18 octobre 1893) compositeur. Gounod étudia le piano avec sa mère et la composition et l’harmonie en privé avec Reicha tout en faisant d’excellentes études classiques au Lycée Saint-Louis à Paris. Après avoir obtenu son baccalauréat, il Lire la suite…, à part certains effets de petite flûte, de trompette et de triangle, ne nous paraît pas avoir cherché à imiter l’art grec dans ses combinaisons harmoniques et instrumentales. Il s’est borné à colorer sa partition d’une teinte uniforme, et à donner à son style ce cachet de sévérité et de simplicité qui s’allie si bien à la grande figure du drame antique. L’orchestration de M. GounodGounod, CharlesCharles Gounod (Paris, 17 juin 1818 – Saint-Cloud, 18 octobre 1893) compositeur. Gounod étudia le piano avec sa mère et la composition et l’harmonie en privé avec Reicha tout en faisant d’excellentes études classiques au Lycée Saint-Louis à Paris. Après avoir obtenu son baccalauréat, il Lire la suite… est travaillée avec soin ; elle est d’une grande clarté, vigoureuse quelquefois sans être bruyante, absorbant la mélodie par des dessins confus et des rhythmes bizarres, et laissant voir dans ses moindres détails une science qui ne repousse pas les caprices de la fantaisie et de l’originalité. La préface symphonique qui sert de prologue aux chœurs d’UlysseUlysseUlysse, tragédie mêlée de choeurs, en 3 actes et en vers, avec prologue et épilogue de François Ponsard créée à la Comédie Française le 18 juin 1852. La musique des choeurs est de Charles Gounod.Lire la suite… débute par un travail élégant et vaporeux du quatuor en sourdine. Les violons font entendre un chant mélodieux répété par le cor ; puis, le triangle et les harpes, accompagnant la flûte, préludent à l’arrivée des nymphes, qui chantent à Minerve un chœur en ut dont nous transcrivons la première strophe :

Déesse qui porte l’égide ;

Toi qui de l’olympe splendide

Descends vers ma retraite humide,

Sois bien venue en mon séjour.

Le sens des paroles aurait dû donner au musicien l’idée de faire chanter cette strophe par une voix seule d’abord ; le chœur aurait repris ensuite. Le second morceau chanté après la métamorphose d’Ulysse est accompagné d’une façon très-heureuse par les harpes, les flûtes, et par un dessin de violons à l’aigu, produisant un effet très-original. Il y a de l’énergie et de la verve dans le chœur des porchers.

Voraces prétendants, un seul de leurs repas

Dévore les troupeaux et dépeuple une étable ;

Une victime ou deux ne leur suffit pas,

Chacun de nous envoie un pourceau pour leur table.

Le chœur à Bacchus, sur un rhythme ternaire, a été bissé, c’est un des meilleurs de la partition ; une charmante rentrée de cor et de petite flûte ramène le motif principal ; vient ensuite un autre chœur de porchers, dans lequel le basson chante, à l’unisson des voix, une phrase qui a de l’ampleur et du caractère.

Le chœur des suivantes infidèles, en la majeur, contraste, par le cachet de volupté amoureuse que le compositeur a su lui donner, avec les accents plaintifs et mélancoliques que font entendre les suivantes fidèles. Ce dernier chœur, en sol mineur, se termine par une cadence majeure de la dominante à la tierce ; il est coupé par un joli solo de hautbois dont la mélodie est pleine de sentiment et de distinction. Un mouvement mélodramatique, pendant lequel la nourrice Euryclée reconnaît Ulysse à la cicatrice qu’il a au genou, ramène le chœur des suivantes infidèles :

Livrons-nous aux amours clandestins.

Nous voici arrivé au troisième acte, qui, après une ritournelle d’orchestre dans laquelle le tambour de basque et le triangle marquent un rhythme oriental, débute par un triple chœur dont les parties, entendues d’abord séparément, se réunissent et forment un ensemble d’un effet magique. Des gammes, faites à l’unisson par les violons et la petite flûte, accompagnent d’une façon piquante le chant des basses :

Apparais, Apollon, qu’un sifflement sinistré

Annonce ta flèche aux pervers !

La mélodie chantée par les femmes est empreinte d’une mollesse toute parfumée des tièdes brises de l’Ionie. Il y a aussi dans ce chœur des couplets qui ont été parfaitement interposés par M. SapinSapin, EtienneÉtienne Sapin (Roches-de-Condrieux/ Isère, 8 septembre 1828 – Argenteuil près de Paris, 18 avril 1893), ténor. Après le Conservatoire, il fut engagé au Théâtre-Lyrique en 1854, puis à l’Opéra de Paris comme premier ténor de 1856 à 1860. Il chanta ensuite en province une dizaine d’aLire la suite…, pensionnaire du Conservatoire. Pendant le monologue du devin, l’orchestre fait entendre des imitations dont l’effet est plein de vérité et de couleur. La flèche d’Ulysse a passé dans l’anneau, et le chœur célèbre l’adresse du mendiant vainqueur. Il y a de l’inspiration dans ce morceau d’une facture large et élevée. Citons encore un chœur syllabique assez original, et nous arriverons au chœur en ut majeur qui est écrit à la manière de HændelHandel, Georges FredericGeorge Frideric Haendel (Halle, 23 février 1685 – Londres, 14 avril 1759), compositeur. Il étudia la composition avec Friedrich Wilhelm Zachow, organiste à Halle. En 1703, il accepta le poste de violoniste dans l’orchestre de Hambourg. C’est là qu’il composa son premier opéra, Almira (1Lire la suite…, et qui a même une certaine analogie mélodique avec le fameux chœur de Judas MacchabéeJudas MaccabéeJudas Maccabæus, oratorio pour soli, chœur et orchestre en trois actes sur un livret du R. P. Thomas Morell, mis en musique par Georg Friedrich Haendel, créé à Covent Garden à Londres le 1er avril 1747.Lire la suite… [Judas MaccabéeJudas MaccabéeJudas Maccabæus, oratorio pour soli, chœur et orchestre en trois actes sur un livret du R. P. Thomas Morell, mis en musique par Georg Friedrich Haendel, créé à Covent Garden à Londres le 1er avril 1747.Lire la suite…]. Nous ne reprocherons pas trop sévèrement à M. GounodGounod, CharlesCharles Gounod (Paris, 17 juin 1818 – Saint-Cloud, 18 octobre 1893) compositeur. Gounod étudia le piano avec sa mère et la composition et l’harmonie en privé avec Reicha tout en faisant d’excellentes études classiques au Lycée Saint-Louis à Paris. Après avoir obtenu son baccalauréat, il Lire la suite… de n’avoir pas traité avec assez de soin ce morceau placé à l’Epilogue, et sur lequel la toile tombe ; M. GounodGounod, CharlesCharles Gounod (Paris, 17 juin 1818 – Saint-Cloud, 18 octobre 1893) compositeur. Gounod étudia le piano avec sa mère et la composition et l’harmonie en privé avec Reicha tout en faisant d’excellentes études classiques au Lycée Saint-Louis à Paris. Après avoir obtenu son baccalauréat, il Lire la suite… a cru sans doute qu’à la fin de la pièce l’attention du spectateur étant émoussée, il était inutile de chercher à la réveiller par une inspiration tout à fait originale.

Nous avons fait la part de l’éloge assez belle pour ne pas faire aussi celle de la critique. Malgré la différence des rhythmes, la variété des effets d’orchestre et l’opposition entre les caractères de telles ou telles mélodies, il y a dans la partition de M. GounodGounod, CharlesCharles Gounod (Paris, 17 juin 1818 – Saint-Cloud, 18 octobre 1893) compositeur. Gounod étudia le piano avec sa mère et la composition et l’harmonie en privé avec Reicha tout en faisant d’excellentes études classiques au Lycée Saint-Louis à Paris. Après avoir obtenu son baccalauréat, il Lire la suite… une teinte uniforme qui fait désirer parfois un souffle plus puissant, une verve plus accentuée, et une allure plus jeune et plus hardie. Cela tient non pas à la nature de l’œuvre, mais bien au talent même de M. GounodGounod, CharlesCharles Gounod (Paris, 17 juin 1818 – Saint-Cloud, 18 octobre 1893) compositeur. Gounod étudia le piano avec sa mère et la composition et l’harmonie en privé avec Reicha tout en faisant d’excellentes études classiques au Lycée Saint-Louis à Paris. Après avoir obtenu son baccalauréat, il Lire la suite…, qui ne s’est pas même assez débarrassé de l’austérité inséparable de la forme religieuse. Dans SaphoSaphoSapho, opéra en trois actes sur un livret d’Émile Augier, mis en musique par Charles Gounod, créé à l’Opéra de Paris le 16 avril 1851.Lire la suite… comme dans UlysseUlysseUlysse, tragédie mêlée de choeurs, en 3 actes et en vers, avec prologue et épilogue de François Ponsard créée à la Comédie Française le 18 juin 1852. La musique des choeurs est de Charles Gounod.Lire la suite…, on sent que la fibre musicale du compositeur s’agite plus facilement aux chants sacrés qu’aux accents dramatiques, et que sous les frises du théâtre il se croit quelquefois encore sous les voûtes de l’église.

Adressons maintenant à M. OffenbachOffenbach, JacquesJacques Offenbach (Cologne, 20 juin 1819 – Paris, 5 octobre 1880), violoncelliste et compositeur. Il se produisait dans les salons et en concerts lorsqu’Arsène Houssaye, qui voulait réformer l’orchestre du Théâtre-Français, lui offrit, par contrat signé le 30 juillet 1850, le poste de chLire la suite… tous les compliments qu’il mérite pour la manière intelligente et habile dont il a dirigé l’orchestre du Théâtre-Français, qui a pris pour l’exécution de l’œuvre de M. GounodGounod, CharlesCharles Gounod (Paris, 17 juin 1818 – Saint-Cloud, 18 octobre 1893) compositeur. Gounod étudia le piano avec sa mère et la composition et l’harmonie en privé avec Reicha tout en faisant d’excellentes études classiques au Lycée Saint-Louis à Paris. Après avoir obtenu son baccalauréat, il Lire la suite… les proportions d’un orchestre de grand opéra.