La Gazette du Nord, 17 mars 1860, p. 4-5 (article signé E. Reyer).
Chronique musicale.
Avant d’analyser le livret et la partition de Pierre de MédicisPierre de MédicisPierre de Médicis, opéra en quatre actes sur un livret de Henri Saint-Georges et Emilien Pacini mis en musique par le prince Joseph Poniatowski et créé à l’Opéra de Paris le 9 mars 1860.Lire la suite…, je demanderai à Monsieur le prince Joseph Poniatowski, ancien ambassadeur de Toscane et sénateur de l’empire, si, dans sa carrière diplomatique, il a jamais éprouvé une sensation d’orgueil et de joie comparable à celle que lui a donnée la première représentation de son œuvre exécutée sur le premier théâtre du monde, devant une salle d’élite, par un orchestre dont chaque membre est un virtuose, entourée d’une mise en scène splendide et interprétée par des artistes qui, s’ils ne sont pas tous du premier ordre, occupent du moins le premier rang. Pour qui connaît l’organisation véritablement artiste du prince PoniatowskiPoniatowski, Joseph Michel Francois Xavier Jean, PrinceJoseph Michel François Xavier Jean Poniatowski (Rome, 20 février 1816 – Londres, 3 juillet 1873), prince, sénateur et compositeur. Fils naturel de Stanislas Poniatowski et de Cassandra Luci (il fut reconnu en 1822). Après des études en Toscane, il débuta sa carrière à Florence en 1838 commLire la suite… la réponse n’est pas douteuse. Arriver à l’Opéra, c’est pour un compositeur, quelle que soit sa fortune, quels que soient les titres et les privilèges dont l’aient favorisé les hasards de la naissance, la plus hautes des ambitions ; y réussir c’est la suprême gloire. Aussi, bien que j’entende répéter de toutes parts, avec l’accent d’une conviction respectueuse, à propos de l’admission du prince PoniatowskiPoniatowski, Joseph Michel Francois Xavier Jean, PrinceJoseph Michel François Xavier Jean Poniatowski (Rome, 20 février 1816 – Londres, 3 juillet 1873), prince, sénateur et compositeur. Fils naturel de Stanislas Poniatowski et de Cassandra Luci (il fut reconnu en 1822). Après des études en Toscane, il débuta sa carrière à Florence en 1838 commLire la suite… sur une scène que RossiniRossini, GioachinoGioachino Rossini (Pesaro/Italie 29 février 1792 – Passy, 13 novembre 1868), compositeur. Né de parents musiciens, Rossini étudia le chant avec Giuseppe Malerbi à Lugo et débuta comme chanteur au théâtre d’Imola en 1804 et chanta le rôle d’un enfant dans Camilla de Paer à Bologne en 180Lire la suite… et MeyerbeerMeyerbeer, GiacomoJakob Liebmann Meyer Beer dit Giacomo Meyerbeer (Vogelsdorf, 5 septembre 1791 – Paris, 2 mai 1864), compositeur. Il étudia la composition avec Zelter puis l’abbé Vogler et le piano avec Franz Lauska. Bien que considéré par Moscheles comme un des plus grands pianistes de son temps, Meyerbeer abLire la suite… ont illustrée : Ah ! quel honneur pour l’art ! je n’hésite pas à dire avec l’accent d’une conviction sincère : Ah ! quel honneur pour le prince !… Et j’ajouterai que Pierre de MédicisPierre de MédicisPierre de Médicis, opéra en quatre actes sur un livret de Henri Saint-Georges et Emilien Pacini mis en musique par le prince Joseph Poniatowski et créé à l’Opéra de Paris le 9 mars 1860.Lire la suite… a été joué le 8 mars 1860, c’est-à-dire dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle. A la place de certaines réflexions qui pourraient m’entraîner un peu loin, je mets cette simple date.
Depuis qu’Alexandre DumasDumas père, AlexandreAlexandre Dumas père (Villers-Cotterêts, 24 juillet 1802 – Puys, près de Dieppe, 5 décembre 1870), écrivain. Un des plus populaires écrivains de l’époque romantique, il écrivit avec des collaborateurs plus de trois cents ouvrages dont les drames, Henri III et sa cour, et La Tour de NesleLire la suite… a dit qu’on ne devait violer l’histoire qu’à la condition de lui faire un enfant, la plupart de nos romanciers, librettistes et dramaturges connaissent cette maxime et la mettent en pratique quand ils peuvent. MM. PaciniPacini, EmilienEmilien Pacini (Paris, 17 novembre 1811 – Neuilly-sur-Seine, 23 novembre 1898), traducteur et librettiste. Il fut censeur dramatique au ministère de l’Intérieur et écrira quelques livrets tels ceux de Pierre de Médicis (Poniatowski, 1860) avec Henri de Saint-Georges et d’Erostrate (Reyer, 18Lire la suite… et Saint-GeorgesSaint-Georges, Jules-Henri Vernoy deJules-Henri Vernoy de Saint-Georges (Paris, 7 novembre 1799 – Paris, 23 décembre 1875), auteur dramatique, librettiste. Il écrivit d’abord un roman puis il se tourna vers la scène et écrivit plusieurs comédies, drames et vaudevilles et produisit pendant cinquante ans des livrets d’opéras eLire la suite… n’ayant guère pris à l’histoire que la silhouette de deux princes qui furent les fils de Laurent le Magnifique, il n’y a pas à juger leur œuvre au point de vue historique : elle est presque toute entière dans le domaine de la fiction, je n’ose dire de la poésie.
Le duc Pierre de MédicisJulien de MédicisJulien de Médicis (Florence 12 mars 1479 – Florence, 17 mars 1516), homme d’État. Il dut fuir Florence avec sa famille lorsque la république de Florence menée par Savonarole fut rétablie en 1474, et se refugia à Venise. Ce n’est qu’à la suite des succès de la Sainte Ligue, dirigée pLire la suite… arrive à Pise dont il a donné le gouvernement à son frère Julien. Le peuple se réjouit de la visite de son souverain qui lui est annoncée par les fanfares de cuivre et des coups de canon se mêlant au carillon des cloches qui sonnent à toute volée. Julien demeure triste et préoccupé au milieu de ces éclatantes manifestations de la joie populaire. Lui seul a deviné le véritable but de la visite du duc et il confie ses craintes à Paoli Monti, un ami dévoué, en lui disant tout bas le nom de Laure Salviati.
M. de Saint-GeorgesSaint-Georges, Jules-Henri Vernoy deJules-Henri Vernoy de Saint-Georges (Paris, 7 novembre 1799 – Paris, 23 décembre 1875), auteur dramatique, librettiste. Il écrivit d’abord un roman puis il se tourna vers la scène et écrivit plusieurs comédies, drames et vaudevilles et produisit pendant cinquante ans des livrets d’opéras eLire la suite… affectionne les poëmes chevaleresques et il excelle à faire se mouvoir sur la scène toute une armée de hallebardiers, de gardes, d’écuyers, de soudards, d’officiers et de pages : il trouve même quelquefois, pour exprimer toute la pompe, toute la solennité de la situation des vers qui ne manquent pas d’une certaine fierté d’allure, d’une certaine énergie rythmique :
Là bas le canon tonne
La trompette résonne,
Ecoutons, écoutons
Trompettes et clairons !…
Le duc fait son entrée ayant à sa droite le grand inquisiteur, Fra Antonio, l’oncle de Laura Salviati, et sa première pensée, son premier regard fut pour la nièce du moine.
Cette réunion d’une si grande quantité de personnages donne tout naturellement à un morceau d’ensemble très-développé : les instruments de l’orchestre répondent aux instruments placés dans la coulisse ; les voix chantent sans accompagnement, puis arrive la péroraison à laquelle le talent du compositeur a su donner une sonorité magistrale.
Pierre de MédicisJulien de MédicisJulien de Médicis (Florence 12 mars 1479 – Florence, 17 mars 1516), homme d’État. Il dut fuir Florence avec sa famille lorsque la république de Florence menée par Savonarole fut rétablie en 1474, et se refugia à Venise. Ce n’est qu’à la suite des succès de la Sainte Ligue, dirigée pLire la suite… congédie tous les seigneurs et les jeunes filles, les hommes d’armes et le peuple, après leur avoir annoncé que Pise sera désormais sa résidence :
Pour vous j’abandonne Florence
Ville d’amour ! ville de fleurs !
…………………………………………..
A d’autres les soucis du trône !
Moi pour fleurons de ma couronne
J’ai pris les roses du plaisir !
Ce à quoi le chœur répond :
A d’autres les soucis du trône !…
Et pour fleurons de sa couronne
Il prend les roses du plaisir !
Voilà le caractère du duc parfaitement dessiné, et Fra Antonio qui connaît mieux que personne les aimables penchants de son souverain, se promet bien de les faire servir à la réalisation de ses ambitieux projets.
Pierre de MédicisJulien de MédicisJulien de Médicis (Florence 12 mars 1479 – Florence, 17 mars 1516), homme d’État. Il dut fuir Florence avec sa famille lorsque la république de Florence menée par Savonarole fut rétablie en 1474, et se refugia à Venise. Ce n’est qu’à la suite des succès de la Sainte Ligue, dirigée pLire la suite…, resté seul avec le grand inquisiteur lui demande la main de sa nièce et, tout en se déclarant indigne d’un tel honneur, Fra Antonio semble dire au duc : je m’y attendais. Cette scène rendait inévitable un duo pour basse et ténor ; ce duo est une des pages les mieux réussies de la partition ; il renferme un andante que l’on a bissé.
Un changement à vue nous montre la chambre à coucher de la comtesse Laura Salviati, qui, laissant à ses caméristes les soins de sa toilette du soir, ne songe qu’à Julien, qu’elle attend et qu’elle aime.
Il va venir, mon bien aimé !
Ceci est l’allegro de la cavatine chantée par Laura, allegro écrit dans le style des cabalettes italiennes, mais qui n’est pas sans mérite : la mélodie en est tout à fait gracieuse, et le public, qui désirait sans doute la fredonner en sortant du théâtre, a voulu l’entendre deux fois afin de la mieux retenir.
Une porte s’ouvre : Julien tombe dans les bras de sa maîtresse, et à la cavatine précédente succède un duo dans lequel la passion est exprimée avec une tendresse qui, vers la fin du morceau, s’abandonne aux élans les plus dramatiques. Julien avertit la comtesse des intentions de son frère ; il veut la décider à fuir, mais Laura Salviati repousse un pareil projet et assure Julien qu’elle saura bien trouver dans son amour assez de force pour résister aux séductions du duc Pierre. Fra Antonio, caché derrière une tapisserie, n’a pas perdu une syllabe de cet entretien, et il montre la pointe de son capuchon au moment où la toile tombe.
Le divertissement chorégraphique intitulé les Amours de Diane remplit presque entièrement le second acte. En attendant que la fête commence, les bourgeois de Pise, les soldats et les mariniers prennent leurs ébats dans les jardins du palais. Un pêcheur dit à un garde :
Eh bien, au jeu je te défie !
A ce jeu toujours cher aux fils d’Italie,
Le jeu charmant de la morra !
Un cercle se forme autour des joueurs, et la partie est engagée. Cette scène assez originale a été traitée par le compositeur avec une verve toute italienne : l’orchestre accompagne de ses motifs les plus joyeux, de ses rhythmes les plus accentués, les éclats de voix et la pantomime des deux joueurs. Mais les têtes s’échauffent, les couteaux se tirent, et la partie finirait en bataille sans l’intervention d’un héraut d’armes qui annonce l’arrivée du duc Pierre de MédicisJulien de MédicisJulien de Médicis (Florence 12 mars 1479 – Florence, 17 mars 1516), homme d’État. Il dut fuir Florence avec sa famille lorsque la république de Florence menée par Savonarole fut rétablie en 1474, et se refugia à Venise. Ce n’est qu’à la suite des succès de la Sainte Ligue, dirigée pLire la suite… et de sa cour. La noble assemblée monte les degrés de la tribune et s’assoit sous un immense velarium de pourpre.
Voici quel est le sujet du ballet :
Pan et Endymion, amoureux de Diane, poursuivent la déesse au milieu des bois sacrés qu’elle parcourt, entourée de ses nymphes. L’Amour, protecteur d’Endymion, apparaît armé de son carquois et atteint d’une de ses flèches le cœur de la trop chaste Diane. Pan est jaloux du baiser que la déesse donne à son rival : il frappe le berger de son javelot et le tue. Vénus ressuscite Endymion, Pan est changé en statue, et les filles de l’Enfer, accourues à la voix d’Hécate, dansent une ronde autour du dieu métamorphosé.
M. PetipaPetipa, Joseph-LucienJoseph-Lucien Petipa (Marseille, 22 décembre 1815 – Versailles, 7 juillet 1898), danseur et chorégraphe. Fils aîné de Jean-Antoine Petipa et frère de Marius Petipa, il étudia avec son père à Bruxelles, où ce dernier avait ouvert une école de danse. En 1830, il suivit son père qui quittaLire la suite…, maître de ballet de l’Opéra, a tiré le plus heureusement parti de ce scenario, dont je n’ai fait que d’esquisser les situations principales. Il a formé des groupes charmants de nymphes et de chasseurs, de bergers et de chasseresses, réglant les poses et les évolutions de chacun avec un goût exquis. Mme FerrarisFerraris, AmaliaAmalia Ferraris (Voghera/ Italie, ca. 1830 – Florence, 8 février 1904), ballerine. Elle étudia à Turin avec Claudio Chouchoux puis à Milan avec Carlo Blasis. En 1841, elle débuta à la Scala dans La Sylphide puis interpréta le rôle de Myrta dans Giselle au Teatro Regio de Turin l’année Lire la suite… a été l’héroïne de cet épisode mythologique, dans lequel elle a déployé toute la vigueur, toute la grâce de son merveilleux talent. Elle s’élance, elle bondit, elle voltige, elle pirouette sur la pointe de son petit pied avec une légèreté, une perfection, une souplesse, dont je n’essaierai point de donner une idée à ceux qui n’ont pas encore vu l’inimitable ballerine dans sa nouvelle création. M. CoralliCoralli, Jean Coralli Peracini ditJean Coralli Peracini dit Coralli (Paris, 15 janvier 1779 – Paris, 1er mai 1854), danseur. Formé à l’Opéra de Paris, il y débuta en 1802 après avoir acquis une réputation de chorégraphe à Vienne, à Lisbonne et à Milan. Il fut engagé en 1825 comme maître de ballet au théâtre de la porLire la suite… et M. MéranteMérante, Louis-AlexandreLouis-Alexandre Mérante (Paris, 23 juillet 1828 – Courbevoie, 17 juillet 1887), danseur. Il débuta à Marseille en 1846, puis passa une saison à Milan (1846-1847), avant d’être engagé à l’Opéra de Paris en 1848. Excellent acteur et danseur, il s’illustra dans les ballets de Fanny CerrLire la suite…, Pan et Endymion, ont mérité tout le succès qu’on leur a fait. Il était impossible de trouver, pour remplir le rôle de l’Amour, une personne plus jolie et plus séduisante que Mlle FiocreFiocre, LouiseLouise Fiocre (Paris, 10 juillet 1843 – Courbevoie, 13 juin 1909), danseuse. Elle fut encouragée à apprendre à danser par Arthur Saint-Léon, et fut acceptée à l’Opéra dans le troisième quadrille en 1856. Elle brilla dans le role de l’Amour dans le ballet de l’opéra Pierre de MédicLire la suite… 1re, (c’est ainsi qu’elle est désignée sur le libretto), et la flèche qu’elle a lancée à Diane n’est probablement pas la seule qui soit sortie de son carquois.
Les airs de danse écrits par M. le prince PoniatowskiPoniatowski, Joseph Michel Francois Xavier Jean, PrinceJoseph Michel François Xavier Jean Poniatowski (Rome, 20 février 1816 – Londres, 3 juillet 1873), prince, sénateur et compositeur. Fils naturel de Stanislas Poniatowski et de Cassandra Luci (il fut reconnu en 1822). Après des études en Toscane, il débuta sa carrière à Florence en 1838 commLire la suite… sont de vrais airs de danse. On doit danser volontiers sur ces airs là. L’instrumentation en est très soignée et ne manque pas d’un certain caractère ; c’est la flûte de Pan qui domine l’orchestre pendant la première partie du divertissement. Je comprends parfaitement que les auteurs du livret aient donné à Pan une flûte, mais je m’explique beaucoup moins le théorbe d’Endymion. Il est vrai que le berger carien jette à terre son instrument et n’en joue pas : le théorbe pas plus que le luth ne sont des instruments antiques.
La danse est terminée. Fra Antonio s’approche du duc et lui dit tout bas : Vous avez un rival, et ce rival c’est votre frère. Pierre de MédicisJulien de MédicisJulien de Médicis (Florence 12 mars 1479 – Florence, 17 mars 1516), homme d’État. Il dut fuir Florence avec sa famille lorsque la république de Florence menée par Savonarole fut rétablie en 1474, et se refugia à Venise. Ce n’est qu’à la suite des succès de la Sainte Ligue, dirigée pLire la suite…, qui d’abord s’était promis de se contenir, s’écrie ensuite à haute voix, en s’adressant à Julien :
Prince de MédicisJulien de MédicisJulien de Médicis (Florence 12 mars 1479 – Florence, 17 mars 1516), homme d’État. Il dut fuir Florence avec sa famille lorsque la république de Florence menée par Savonarole fut rétablie en 1474, et se refugia à Venise. Ce n’est qu’à la suite des succès de la Sainte Ligue, dirigée pLire la suite…, votre duc vous accorde
Jusqu’à demain matin pour gagner votre bord,
Mais, ce jour écoulé, tremblez sur votre sort !
Julien est nommé amiral. Il s’en ira guerroyer contre les Turcs, et Laura ne sera pas du voyage. En entendant la sentence de son souverain, la jeune comtesse Salviati jette un cri de désespoir :
Oh ! je connais le duc ! et ce sort…c’est la mort…,
Toute réflexion faite, Laura accepte la proposition que Julien lui a adressée à la fin du premier acte et elle consent à s’enfuir avec lui.
Fuyons, allons gagner une terre étrangère.
Le canon sonne pour la seconde fois, les jardins s’illuminent et la fête de la Luminara succède au ballet des dieux. Il y a là un bel effet de décor, et le talent du compositeur a animé cette scène pittoresque par un chœur et des danses écrits sur le rhythme entraînant des tarentelles napolitaines.
Laura Salviati a été conduite par Paolo Monti, l’ami de Julien, dans une maison de pêcheur au bord de l’Arno. C’est là que son amant doit venir la rejoindre. Et elle l’attend en invoquant la protection de la très sainte Vierge. Une porte s’ouvre. Pierre de MédicisJulien de MédicisJulien de Médicis (Florence 12 mars 1479 – Florence, 17 mars 1516), homme d’État. Il dut fuir Florence avec sa famille lorsque la république de Florence menée par Savonarole fut rétablie en 1474, et se refugia à Venise. Ce n’est qu’à la suite des succès de la Sainte Ligue, dirigée pLire la suite… parait, suivi du grand inquisiteur ; il ordonne à sa nièce de choisir entre « le silence du cloître ou l’or de la couronne. » Et Laura opte pour le couvent. Des religieuses accourent à un signe de Fra Antonio et entraînent Laura après lui avoir jeté sur la tête un voile noir. Pendant ce temps, Julien est en prière, au Campo-Santo, sur le tombeau de sa mère. Paolo Monti vient lui apprendre que Laura est au pouvoir du grand inquisiteur, et que le seul moyen de sauver celle qu’il aime, c’est de se mettre à la tête des conjurés qui veulent renverser le duc. Julien tire son épée et répète avec le chœur :
Il faut sur-le-champ
Punir le méchant !
Sauvons l’innocent,
Courage !
La toile tombe sur ce cri de guerre, dont l’énergie contraste avec le chant religieux que l’on entend dans la coulisse. Le compositeur a su dessiner très heureusement cette opposition, qui a toujours été au théâtre d’un effet excessivement dramatique.
Ce troisième acte renferme une belle prière, un trio d’une excellente facture, accompagnée d’une façon fort intéressante, une jolie barcarolle chantée au loin par Paolo Monti et la scène du Campo-Santo dont j’ai déjà signalé tout le mérite.
La révolte a triomphé, et, au premier tableau du quatrième acte, Pierre de MédicisJulien de MédicisJulien de Médicis (Florence 12 mars 1479 – Florence, 17 mars 1516), homme d’État. Il dut fuir Florence avec sa famille lorsque la république de Florence menée par Savonarole fut rétablie en 1474, et se refugia à Venise. Ce n’est qu’à la suite des succès de la Sainte Ligue, dirigée pLire la suite…, abandonné par ses compagnons, arrive seul dans une auberge isolée où les soldats, qui n’ont sans doute point pris part à la bataille, sont attablés et chantent le verre en main.
Un essaim de jeunes filles dansant la Trescone voltige au milieu de ces braves, occupés, pendant que le canon tonne, à « fêter tour à tour »
La brune et la blonde
Bacchus et l’amour !
Le duc est blessé et se soutient à peine. Reconnu par Paolo Monti et quelques conjurés qui pénètrent dans l’auberge, il fait amende honorable de ses fautes et ne demande pas mieux que de les réparer
Pour préserver Laura du sort qui la menace
Et la rendre au bonheur, Monti guide mes pas !…
Le duc s’éloigne et les soldats reprennent leur refrain.
Un changement à vue découvre l’intérieur du cloître où est enfermée Laura Salviati. Ce couvent est peuplé de religieux des deux sexes auxquels Fra Antonio donne sa bénédiction. Il essaye une dernière fois de ramener sa nièce à de tendres sentiments envers le duc Pierre, mais Laura résiste aux sollicitations du grand inquisiteur qui s’adressant alors à la mère abbesse lui dit :
Maintenant procédez au dernier sacrifice !
Au lieu d’atours mondains, la bure et le cilice.
Et « sous le fer sacré tombent les longs cheveux » de la comtesse.
En cet instant « suprême » un grand tumulte éclate au fond du cloître ; les portes volent en éclats sous les haches des soldats de l’escorte de Médicis Julien de MédicisJulien de Médicis (Florence 12 mars 1479 – Florence, 17 mars 1516), homme d’État. Il dut fuir Florence avec sa famille lorsque la république de Florence menée par Savonarole fut rétablie en 1474, et se refugia à Venise. Ce n’est qu’à la suite des succès de la Sainte Ligue, dirigée pLire la suite…; une détonation se fait entendre ; le mur du fond s’écroule et l’on aperçoit une magnifique vue de Pise éclairée par le soleil levant. Pierre et Julien de MédicisJulien de MédicisJulien de Médicis (Florence 12 mars 1479 – Florence, 17 mars 1516), homme d’État. Il dut fuir Florence avec sa famille lorsque la république de Florence menée par Savonarole fut rétablie en 1474, et se refugia à Venise. Ce n’est qu’à la suite des succès de la Sainte Ligue, dirigée pLire la suite… arrivent trop tard : Laura a prononcé ses vœux,
….. Elle appartient au ciel.
Julien s’arrête devant le geste imposant du grand inquisiteur et, tandis que Pierre expire au milieu de ses gardes, l’abbesse entraîne Laura vers les marches du cloître. Les moines, les pénitents et les religieuses rendent gloire
Au Dieu tout-puissant, au maître éternel
Qui choisit ses élus et leur ouvre le ciel !
La toile baisse sur ce pieux cantique.
De l’avis général, et c’est aussi le mien, cet acte est le meilleur de la partition. Le compositeur a traduit et développé avec une habileté très-grande la situation éminemment dramatique que ses collaborateurs lui ont fournie au dénouement de l’ouvrage. Les accents de l’orgue et le chant des hymnes sacrés mêlent leurs harmonies aux douleurs des passions terrestres, et dans l’expression de ces contrastes, la science du contrepointiste n’a jamais fait défaut aux larges inspirations du musicien. Au commencement du troisième acte, dans la scène de la dispute, M. le prince PoniatowskiPoniatowski, Joseph Michel Francois Xavier Jean, PrinceJoseph Michel François Xavier Jean Poniatowski (Rome, 20 février 1816 – Londres, 3 juillet 1873), prince, sénateur et compositeur. Fils naturel de Stanislas Poniatowski et de Cassandra Luci (il fut reconnu en 1822). Après des études en Toscane, il débuta sa carrière à Florence en 1838 commLire la suite… nous avait déjà donné un échantillon de son savoir en matière de fugue, et d’ailleurs, on n’écrit pas un opéra en quatre actes sans être familiarisé avec toutes les ressources, avec tous les secrets de l’art de la composition. Pour mener à bonne fin une si lourde tâche on peut n’être pas tout à fait grand maître, mais on est assurément, un peu plus qu’un amateur distingué.
Je ne suis pas précisément un fanatique de musique italienne et ce que j’aime surtout chez un compositeur c’est l’individualité. M. le prince PoniatowskiPoniatowski, Joseph Michel Francois Xavier Jean, PrinceJoseph Michel François Xavier Jean Poniatowski (Rome, 20 février 1816 – Londres, 3 juillet 1873), prince, sénateur et compositeur. Fils naturel de Stanislas Poniatowski et de Cassandra Luci (il fut reconnu en 1822). Après des études en Toscane, il débuta sa carrière à Florence en 1838 commLire la suite… a été élevé à une école dont les dieux ne sont pas les miens, et je me souviendrai toujours, que dans la notice, fort intéressante d’ailleurs, qu’il publia l’année dernière en réponse à une brochure de M. TroplongTroplong, Raymond-ThéodoreRaymond-Théodore Troplong (Saint-Gaudens/ Haute Garonne, 8 octobre 1795 – Paris, 2 mars 1869), avocat, historien et philosophe. Il travailla à la préfecture de Châteauroux, puis fut reçut avocat sous la Restauration. Il fut nommé procureur du Roi en Corse en 1819, puis avocat général à BLire la suite… sur l’œuvre de GluckGluck, Christoph WillibaldChristoph Willibald Gluck (Erasbach/Haut-Palatinat, 2 juillet 1714 – Vienne, 15 novembre 1787), compositeur. Né en Bohème, on ne sait rien de ses études scolaires ou musicales. En 1732, il alla à Prague, jouant du violon, et préférablement du violoncelle et chantant dans les chœurs des églLire la suite…, il oublia de citer WeberWeber, Carl Maria vonCarl Maria von Weber (Eutin, 18 novembre 1786 – Londres, 5 juin 1826), compositeur. Il étudia avec son père, puis avec Johann Peter Heuschkel, organiste à Hildburghausen où sa famille s’était établie en 1796. L’année suivante, sa famille s’installa à Salzbourg où Weber étudia avec Lire la suite… au nombre de plus grands génies de ce siècle. Malgré la différence de nos convictions, je ne puis m’empêcher de rendre hommage au talent de M. le prince PoniatowskiPoniatowski, Joseph Michel Francois Xavier Jean, PrinceJoseph Michel François Xavier Jean Poniatowski (Rome, 20 février 1816 – Londres, 3 juillet 1873), prince, sénateur et compositeur. Fils naturel de Stanislas Poniatowski et de Cassandra Luci (il fut reconnu en 1822). Après des études en Toscane, il débuta sa carrière à Florence en 1838 commLire la suite… et de le féliciter bien sincèrement du succès qu’il vient d’obtenir.
Il est question de monter à l’Opéra le TannhäuserTannhäuserTannhäuser, opéra romantique en trois actes sur un livret en allemand et une musique de Richard Wagner créé au Théâtre royal de la Cour à Dresde le 19 octobre 1845. Wagner fit des quelques changements pour la version en français due à Charles Nuitter qui fut créée à l’Opéra de Paris Lire la suite… de M. Richard Wagner Wagner, RichardRichard Wagner (Leipzig, 22 mai 1813 – Venise, 13 février 1843), compositeur. Il étudia la musique tout d’abord en autodidacte puis, à partir de 1831, à l’université de Leipzig avec C. T. Weinlig. Chef des chœurs à Wurtzbourg en 1831, il devint directeur musical à Magdebourg de 1834 àLire la suite…; MéryMéry, Francois-Joseph-Pierre-AndréFrançois-Joseph-Pierre-André Méry (Les Aygalades près de Marseille, 21 janvier 1798 – Paris, 17 juin 1866), écrivain. Il étudia le droit à Aix-en-Provence avant de fonder le périodique Le Phocéen en 1820 et plus tard La Méditerranée. En 1824, il vint à Paris et collabora au journal Le Lire la suite… traduit toujours SémiramideSemiramideSemiramide, opera seria en deux actes sur un livret de Gaetano Rossi, d’après Voltaire, mis en musique par Gioachino Rossini et créé au Théâtre La Fenice de Venise le 3 février 1823.Lire la suite… [SemiramideSemiramideSemiramide, opera seria en deux actes sur un livret de Gaetano Rossi, d’après Voltaire, mis en musique par Gioachino Rossini et créé au Théâtre La Fenice de Venise le 3 février 1823.Lire la suite…] pour le début des sœurs MarchisioMarchisio, BarbaraBarbara Marchisio (Turin, 6 décembre 1833 – Mira/province de Venise, 19 avril 1919), contralto. Sœur de Carlotta Marchisio, elle étudia avec son frère, Antonio, et avec Luigi Fabbrica et fit ses débuts à Vincenza en 1856. Elle fut engagée ensuite à Madrid dans le role de Rosina de Il BarbiLire la suite…. Je suis fort étonné de n’entendre plus parler de la partition de Son Altesse Royale Monseigneur le duc de Saxe-CobourgSaxe-Cobourg-Gotha, Ernest II, duc deErnest II, duc de Saxe-Cobourg-Gotha (Cobourg/ Allemagne, 21 juin 1818 – Reinhardsbrunn, Allemagne, 22 août 1893), compositeur et chef d’État. Il étudia la musique et composa des opéras joués surtout en Allemagne. En 1849, il succéda à son père à la tête des duchés de Saxe-Cobourg et Lire la suite….
Je ferai dans un prochain article, une revue des concerts de la saison. J’ai conservé avec beaucoup de soin les programmes de ces intéressantes soirées.
Personnes discutées
Personnes citées
Oeuvres discutées
Oeuvres citées
Notes d'édition
L’article du Prince Poniatowski est le suivant :
Joseph Poniatowski, Les Progrès de la musique dramatique, Le Réveil, 16 décembre 1858, p. 5-15.
Il était en réponse à celui de M. Troplong :
Raymond-Théodore Troplong : L’Armide de Gluck, Revue contemporaine, vol. 41, 7e année, 2e série, t. VI, 1858, p. 709-728.