Le Journal des Débats, 30 décembre 1869 (article signé E. Reyer).

FEUILLETON DU JOURNAL DES DEBATS

DU  30 DECEMBRE 1869.

REVUE MUSICALE.

THEATRE DE L’OPERA-COMIQUE : Rêve d’amourRêve d’amourRêve d’amour, opéra-comique en trois actes sur un livret d’Adolphe d’Ennery et Eugène Cormon mis en musique par Daniel-François-Esprit Auber créé au Théâtre de l’Opéra-Comique le 20 décembre 1869.Lire la suite…, opéra-comique en trois actes, paroles de MM. d’Enneryd’Ennery, Dennery, AdolpheAdolphe Philippe dit d’Ennery (Paris, 17 juin 1811 – Paris, 25 janvier 1899), auteur dramatique et librettiste. Né Adolphe Philippe, il se donna le pseudonyme Dennery q’un décret en 1858 lui permit de changer et d’écrire avec la particule d’Ennery. Littérateur très habile dans l’agencement deLire la suite… et CormonCormon, EugènePierre-Étienne Piestre, dit Eugène Cormon (Lyon, 5 mai 1810 – Paris, 7 mars 1903), auteur dramatique. Il écrivit des pièces de théâtre, dont Philippe II, roi d’Espagne (1847), et des livrets d’opéras-comiques, seul ou en collaboration : Gastilbezza (1847) avec Adolphe d’Ennery, Lire la suite…, musique de M. AuberAuber, Daniel-François-EspritDaniel-François-Esprit Auber (Caen, 29 janvier 1782 – Paris, 12 mai 1871), compositeur. Sa famille était aisée et le prépara aux affaires tout en lui enseignant la musique, dans laquelle il montra très tôt son talent de chanteur (baryton), de pianiste, de violoniste et de violoncelliste. LesLire la suite…. — Carlotta PattiPatti, CarlottaCarlotta Patti (Florence, 30 octobre 1835 – Paris, 27 juin 1889), soprano. Elle débuta à l’Académie de Musique de New York en janvier 1861. Elle souffrait d’une légère claudication qui fait qu’elle ne se produisit que rarement sur les scènes des théâtres lyriques, préférant chanterLire la suite… et Théodore RitterRitter, ThéodoreToussaint Prévost [Prévost-Ritter], dit Théodore Ritter (Nantes, 5 avril 1840 – Paris, 6 avril 1886), pianiste et compositeur. Il fut l’unique élève de Berlioz, qui lui confia la réduction pour piano de L’Enfance du Christ et de Romeo et Juliette. Il excellait dans l’interprétation deLire la suite… en Amérique.

Entre Rêve d’amourRêve d’amourRêve d’amour, opéra-comique en trois actes sur un livret d’Adolphe d’Ennery et Eugène Cormon mis en musique par Daniel-François-Esprit Auber créé au Théâtre de l’Opéra-Comique le 20 décembre 1869.Lire la suite…, le succès le plus récent du maître, et la Bergère ChâtelaineBergère Châtelaine, LaLa Bergère Châtelaine, opéra-comique en trois actes sur un livret de François-Antoine-Eugène de Planard mis en musique par Daniel-François-Esprit Auber créé au Théâtre de l’Opéra-Comique le 27 janvier 1820.Lire la suite…, qui fut son premier succès, près d’un demi-siècle s’est écoulé. Dans ce long espace de temps M. AuberAuber, Daniel-François-EspritDaniel-François-Esprit Auber (Caen, 29 janvier 1782 – Paris, 12 mai 1871), compositeur. Sa famille était aisée et le prépara aux affaires tout en lui enseignant la musique, dans laquelle il montra très tôt son talent de chanteur (baryton), de pianiste, de violoniste et de violoncelliste. LesLire la suite… n’a pas écrit beaucoup moins de cinquante ouvrages. Presque tous ont réussi ; la plupart sont considérés comme des chefs-d’œuvre. Ce qui fait vivre M. AuberAuber, Daniel-François-EspritDaniel-François-Esprit Auber (Caen, 29 janvier 1782 – Paris, 12 mai 1871), compositeur. Sa famille était aisée et le prépara aux affaires tout en lui enseignant la musique, dans laquelle il montra très tôt son talent de chanteur (baryton), de pianiste, de violoniste et de violoncelliste. LesLire la suite… toujours aimable, toujours spirituel, toujours jeune, c’est le succès. Ne cherchons pas ailleurs le secret de cette vivacité d’esprit, de cette persistante jeunesse. L’inaction serait fatale à l’illustre maître ; il lui faut des lauriers toujours verts, et pour lui c’est un besoin de travailler, comme pour nous c’est une habitude d’applaudir. Vraiment nous ne songeons guère à nous en défendre, tant il est doux de se laisser aller quelquefois au charme des inspirations faciles et des élégantes mélodies.

Rêve d’AmourRêve d’amourRêve d’amour, opéra-comique en trois actes sur un livret d’Adolphe d’Ennery et Eugène Cormon mis en musique par Daniel-François-Esprit Auber créé au Théâtre de l’Opéra-Comique le 20 décembre 1869.Lire la suite… est une paysannerie ; la Petite FadettePetite Fadette, LaLa Petite Fadette, opéra-comique en trois actes sur un livret de Michel Carré et George Sand d’après le roman de cette dernière et mis en musique par Théodore Semet. L’œuvre fut créée au Théâtre de l’Opéra-Comique à Paris le 11 septembre 1869.Lire la suite…, hélas ! était aussi une paysannerie. Mais les paysans de MM. CormonCormon, EugènePierre-Étienne Piestre, dit Eugène Cormon (Lyon, 5 mai 1810 – Paris, 7 mars 1903), auteur dramatique. Il écrivit des pièces de théâtre, dont Philippe II, roi d’Espagne (1847), et des livrets d’opéras-comiques, seul ou en collaboration : Gastilbezza (1847) avec Adolphe d’Ennery, Lire la suite… et d’Enneryd’Ennery, Dennery, AdolpheAdolphe Philippe dit d’Ennery (Paris, 17 juin 1811 – Paris, 25 janvier 1899), auteur dramatique et librettiste. Né Adolphe Philippe, il se donna le pseudonyme Dennery q’un décret en 1858 lui permit de changer et d’écrire avec la particule d’Ennery. Littérateur très habile dans l’agencement deLire la suite… peuvent venir après ceux de Mme Sand ; personne ne sera tenté de les confondre : ils ne sont ni de la même époque ni du même terroir, et ne parlent point la même langue. D’ailleurs, dans la Petite FadettePetite Fadette, LaLa Petite Fadette, opéra-comique en trois actes sur un livret de Michel Carré et George Sand d’après le roman de cette dernière et mis en musique par Théodore Semet. L’œuvre fut créée au Théâtre de l’Opéra-Comique à Paris le 11 septembre 1869.Lire la suite…, il n’y avait que des paysans, paysans riches et paysans pauvres ; tandis que, dans Rêve d’AmourRêve d’amourRêve d’amour, opéra-comique en trois actes sur un livret d’Adolphe d’Ennery et Eugène Cormon mis en musique par Daniel-François-Esprit Auber créé au Théâtre de l’Opéra-Comique le 20 décembre 1869.Lire la suite…, il y a aussi de belles dames poudrées, un officier fier de ses épaulettes et de jeunes seigneurs fiers de leurs droits. La scène se passe sous Louis XVLouis XV de BourbonLouis XV de Bourbon (Versailles, 15 février 1710 – Versailles, 10 mai 1774), roi de France. Il est le fils de Louis, duc de Bourgogne et de Marie-Adélaïde de Savoie et arrière-petit-fils du roi Louis XIV. Il avait cinq quand mourut Louis XIV et ce fut Philippe d’Orléans, neveu de Louis XIV,Lire la suite…, avant l’abolition des privilèges ; mais où se passe-t-elle ? Peu soucieux de la couleur locale, les auteurs n’ont rien précisé….. « La campagne à l’époque des moissons : à droite une ferme, à gauche un bouquet d’arbres ; l’un d’eux, plus gros que les autres, est entouré d’un banc en bois. » Ah ! certes voilà une indication qu’il ne faut pas perdre de vue, car cet arbre, plus gros que les autres, et ce banc qui entoure l’arbre, jouent un grand rôle dans la pièce. C’est sur ce banc et sous cet arbre que l’héroïne s’est endormie et que, pendant son sommeil, un homme a osé lui ravir…un baiser. Cet inconnu se nomme Marcel, simple paysan au premier acte, simple soldat au second, et qui, au troisième, revient capitaine. C’est peu assurément, mais n’oublions pas que l’action se passe sous Louis XVLouis XV de BourbonLouis XV de Bourbon (Versailles, 15 février 1710 – Versailles, 10 mai 1774), roi de France. Il est le fils de Louis, duc de Bourgogne et de Marie-Adélaïde de Savoie et arrière-petit-fils du roi Louis XIV. Il avait cinq quand mourut Louis XIV et ce fut Philippe d’Orléans, neveu de Louis XIV,Lire la suite…, et que M. CapoulCapoul, Joseph-Amédée-VictorJoseph-Amédée-Victor Capoul (Toulouse, 27 février 1839 – Pujaudran/Gers, 18 février 1924), ténor. Au Conservatoire de Paris, il étudia le chant avec Alphonse Revial et l’opéra-comique avec Eugene-Ernest Mocker ; il obtint en 1861 un 2nd prix d’opéra et un 1er prix d’opéra-comique. Lire la suite…, à qui le rôle était destiné, est encore bien jeune pour porter les épaulettes de colonel. Ecoutons son récit :

« Il y a bientôt deux ans, c’était à la tombée du jour, je rentrais à la ferme ; mes yeux se tournèrent par hasard vers cet arbre. Une femme était là, endormie sous le feuillage, si merveilleusement belle que j’en fus ébloui, fasciné. Je voulais m’éloigner, je ne le pouvais plus. Une force invincible me retenait en contemplation, en extase. La nuit vint peu à peu et, pour ne pas cesser de la voir, peu à peu je me rapprochai d’elle. Enfin, la nuit devint si obscure que, pour la voir toujours, je m’approchai de nouveau. Mon visage touchait presque le sien, et quand l’obscurité fut complète, quand je voulus m’approcher encore, mes lèvres touchèrent la joue de la jeune fille, qui jeta un cri et s’éveilla. A ce cri, ma raison me revint, je m’enfuis emportant dans mon cœur une image qui y est demeurée gravée, et sur mes lèvres un feu que rien ne peut éteindre….Depuis, je suis revenu chaque jour à la même place, mais sans jamais la revoir, en sorte que je me demande aujourd’hui si ce n’est pas un rêve que j’ai fait. »

Le vrai nœud de l’intrigue est dans cette scène nocturne, et toute la question est de savoir si Marcel a rêvé ou s’il n’a pas rêvé.

Il ne faut pas craindre de citer de la prose d’opéra-comique ; et puisque j’ai donné la version de Marcel, je ne puis guère me dispenser de donner la version d’Henriette :

« Le duc de Penthièvre avait, comme aujourd’hui, invité la cour. J’étais venue, ainsi que vous, en qualité de demoiselle d’honneur de la princesse. Entraînée par le plaisir d’une promenade à travers champs, je m’étais arrêtée près de cette ferme ; pour me reposer, je m’étais assise sous cet arbre, et, vaincue par la chaleur, je m’étais endormie… Combien de temps dura ce sommeil ? Je l’ignore. Mais lorsque je rouvris les yeux, il faisait tout à fait nuit, et ce qui m’avait éveillée, c’était…

CHŒUR DE JEUNES FILLES.

C’était ?…

HENRIETTE.

Un baiser !

Les vers viennent ensuite, et avec les vers la chanson :

Hélas ! oui, je l’avoue,

Un, baiser sur la joue

Me réveilla subitement !

La nuit était fort sombre,

Et je ne vis qu’une ombre

Qui s’éloignait rapidement.

CHŒUR DE JEUNES FILLES.

C’est vraiment

Effrayant

Cette chanson est un air, un grand air, et, ce qui vaut mieux, un air charmant, plein de détails ingénieux et d’une grâce sans pareille. Mais nous n’en sommes point à analyser la partition, et, avant l’air d’Henriette, il y a à citer bien d’autres pages délicieuses, bien d’autres charmantes inspirations.

Revenons au poëme.

Et ne prenons point d’inutiles détours pour apprendre au lecteur qu’Henriette, qui se croit de trop vieille noblesse pour épouser le chevalier de Boisfleuri, n’est qu’une simple paysanne.

« Un jour, le marquis, traversant un village, entra dans une chaumière où se trouvait une paysanne entourée de quatre jeunes enfans, quatre beaux petits amours, moins roses et moins joufflus que ceux de M. WatteauWatteau, Jean-AntoineJean-Antoine Watteau (Valenciennes, 10 octobre 1684 – Nogent-sur-Marne/Val-de-Marne, 18 juillet 1721), peintre. Il débuta son apprentissage vers l’âge de dix ans, vraisemblablement chez le peintre de Valenciennes Jacques-Albert Gérin. Peu de temps après, il s’installa à Paris, où il fit deLire la suite…, car la famine sévissait dans le pays, et les quatre petits, pressés autour de la bonne femme, ressemblaient à ces nichées d’oiseaux qui tendent, en piaillant, vers leur mère, de grands becs affamés… Le marquis offrit de se charger du sort de deux de ces enfans et donna l’argent nécessaire pour subvenir aux besoins des deux autres. Puis il partit joyeux, emmenant dans son carrosse sa nouvelle et charmante petite famille… Ces deux enfans, c’étaient deux jeunes filles : l’une est morte, elle s’appelait Marie ; l’autre se nommait Jeanne…. et, cette autre c’est vous. »

Le chevalier de Boisfleuri, qui comptait beaucoup sur cette humiliation pour dompter l’orgueil de Mlle Henriette de Laroche-Villers, s’aperçoit qu’il a fait fausse route. La jeune fille lui répond que maintenant, entre elle et lui, la distance est plus grande qu’autrefois. « Hier, je m’estimais trop haut placée, pour vous ; je vous trouve aujourd’hui trop élevé pour moi. »

Si intéressant que soit un poëme d’opéra-comique, on ne peut pourtant pas en  raconter toutes les péripéties, tous les incidens, toutes les surprises ; et les maîtres de la critique, chaque fois qu’ils ont eu à analyser une pièce de ce genre, nous ont enseigné l’art d’être concis.

Mais, avant de dire le dernier mot de cette histoire, je veux féliciter les auteurs qui, sans s’écarter de la tradition, ont su tromper l’attente du public et éviter un dénoûment vulgaire. Marcel n’épouse pas Henriette. La fille adoptive du marquis de Laroche-Villers redevient la fille du fermier Bertrand, le père de Denise, l’oncle de Marcel. Et comme elle a deviné l’amour de Denise pour le jeune et brillant officier, elle se sacrifie et dit à celui-ci : « Marcel, je suis ta sœur. » Pieux mensonge qui n’efface pourtant pas de son cœur toute trace du baiser reçu antérieurement. Puis s’adressant au chevalier Boisfleuri :

Monsieur le chevalier, la paysanne espère

Avoir encor la chance de vous plaire.

Et les deux mariages se célèbrent en même temps.

Je ne sais si les cloches ont sonné ; les applaudissemens du public m’ont empêché d’entendre leur joyeux carillon.

Une partition de M. AuberAuber, Daniel-François-EspritDaniel-François-Esprit Auber (Caen, 29 janvier 1782 – Paris, 12 mai 1871), compositeur. Sa famille était aisée et le prépara aux affaires tout en lui enseignant la musique, dans laquelle il montra très tôt son talent de chanteur (baryton), de pianiste, de violoniste et de violoncelliste. LesLire la suite…, quelle qu’en soit la fortune au point de vue du succès, est toujours un événement dont le monde musical aime à s’entretenir. Petite musique, disent les uns : musique légère vaudrait mieux ; mais enfin, musique légère ou petite musique, c’est de la musique. Tandis qu’on n’ouvre pas ou qu’on referme en souriant, après en avoir lu quelques pages, certaines partitions pompeusement décorées du titre de grandes partitions, on consultera toujours avec profit et on lira toujours avec intérêt les partitions de M. AuberAuber, Daniel-François-EspritDaniel-François-Esprit Auber (Caen, 29 janvier 1782 – Paris, 12 mai 1871), compositeur. Sa famille était aisée et le prépara aux affaires tout en lui enseignant la musique, dans laquelle il montra très tôt son talent de chanteur (baryton), de pianiste, de violoniste et de violoncelliste. LesLire la suite…, parce qu’elles sont très correctement écrites. Si délicats, si légers qu’en soient les accompagnemens, si discrète qu’en soit l’instrumentation, on y sent la main d’un maître fort habile, d’un maître qui a son individualité et qui s’en contente. Avoir son individualité n’est pas un mince mérite. Les Allemands en font honneur à M. AuberAuber, Daniel-François-EspritDaniel-François-Esprit Auber (Caen, 29 janvier 1782 – Paris, 12 mai 1871), compositeur. Sa famille était aisée et le prépara aux affaires tout en lui enseignant la musique, dans laquelle il montra très tôt son talent de chanteur (baryton), de pianiste, de violoniste et de violoncelliste. LesLire la suite… plus que nous peut-être ; on aime et l’on apprécie beaucoup en Allemagne les ouvrages de M. AuberAuber, Daniel-François-EspritDaniel-François-Esprit Auber (Caen, 29 janvier 1782 – Paris, 12 mai 1871), compositeur. Sa famille était aisée et le prépara aux affaires tout en lui enseignant la musique, dans laquelle il montra très tôt son talent de chanteur (baryton), de pianiste, de violoniste et de violoncelliste. LesLire la suite…, et si l’aimable compositeur y compte moins d’imitateurs qu’en France, il n’y jouit pas moins d’une très juste renommée auprès des musiciens. C’est que les Allemands savent peut-être mieux que nous mettre les choses et les hommes à la place qui leur convient, et ne se servent point des mêmes balances pour peser les talens dont l’essence et la nature sinon la valeur, diffèrent essentiellement.

Le public français ne saurait cependant être accusé d’ingratitude envers l’illustre maître qui l’a si souvent charmé. Rêve d’amourRêve d’amourRêve d’amour, opéra-comique en trois actes sur un livret d’Adolphe d’Ennery et Eugène Cormon mis en musique par Daniel-François-Esprit Auber créé au Théâtre de l’Opéra-Comique le 20 décembre 1869.Lire la suite… a été accueilli assez chaleureusement pour que M. AuberAuber, Daniel-François-EspritDaniel-François-Esprit Auber (Caen, 29 janvier 1782 – Paris, 12 mai 1871), compositeur. Sa famille était aisée et le prépara aux affaires tout en lui enseignant la musique, dans laquelle il montra très tôt son talent de chanteur (baryton), de pianiste, de violoniste et de violoncelliste. LesLire la suite… ait pu se croire, le soir de la première représentation de cet ouvrage, au temps de ses plus brillans et de ses plus légitimes succès.

L’ouverture de Rêve d’amourRêve d’amourRêve d’amour, opéra-comique en trois actes sur un livret d’Adolphe d’Ennery et Eugène Cormon mis en musique par Daniel-François-Esprit Auber créé au Théâtre de l’Opéra-Comique le 20 décembre 1869.Lire la suite… n’a pas l’importance que M. AuberAuber, Daniel-François-EspritDaniel-François-Esprit Auber (Caen, 29 janvier 1782 – Paris, 12 mai 1871), compositeur. Sa famille était aisée et le prépara aux affaires tout en lui enseignant la musique, dans laquelle il montra très tôt son talent de chanteur (baryton), de pianiste, de violoniste et de violoncelliste. LesLire la suite… a donnée à d’autres préfaces de ses opéras, et qui sont de petits bijoux symphoniques ; elle fait pressentir toutefois la couleur de l’ouvrage par un chant pastoral où le hautbois et la clarinette dialoguent fort agréablement. Le hautbois ! la clarinette ! instrumens champêtres, fils perfectionnés des chalumeaux dans lesquels soufflaient les premiers bergers. Mais le quatuor dont je ne dis rien, et les bassons dont je ne parle pas, et le rythme et la mesure (c’est une mesure à six-huit), et les trombones qui jettent leurs notes cuivrées au milieu des élans de la péroraison ! S’il est difficile d’analyser une partition, il est absolument impossible d’analyser une ouverture, ou du moins d’en donner une idée en l’analysant. « Je ne vous parle pas de mes ouvrages, écrivait WeberWeber, Carl Maria vonCarl Maria von Weber (Eutin, 18 novembre 1786 – Londres, 5 juin 1826), compositeur. Il étudia avec son père, puis avec Johann Peter Heuschkel, organiste à Hildburghausen où sa famille s’était établie en 1796. L’année suivante, sa famille s’installa à Salzbourg où Weber étudia avec Lire la suite… à un de ses amis ; entendez-les. » Les dilettantes parisiens n’ont pas besoin qu’on leur recommande d’aller entendre la nouvelle partition de M. Auber Auber, Daniel-François-EspritDaniel-François-Esprit Auber (Caen, 29 janvier 1782 – Paris, 12 mai 1871), compositeur. Sa famille était aisée et le prépara aux affaires tout en lui enseignant la musique, dans laquelle il montra très tôt son talent de chanteur (baryton), de pianiste, de violoniste et de violoncelliste. LesLire la suite…; quelques uns cependant ne seront pas fâchés de connaître d’avance les morceaux les plus saillans, ceux qui méritent d’être loués et qu’il convient d’applaudir.

Au premier acte, une jolie ronde villageoise, l’ariette chantée par Denise :

Mes bons Messieurs, c’est bien d’honneur,

Huit prétendans pour un seul cœur !

Et surtout la romance de Marcel :

Quand le ciel est pur, la brise embaumée,

poétique cantilène que précède un récitatif très musical et d’un sentiment exquis. Il me semble que je dois aux auteurs du poëme de citer les vers charmans qui ont inspiré à M. AuberAuber, Daniel-François-EspritDaniel-François-Esprit Auber (Caen, 29 janvier 1782 – Paris, 12 mai 1871), compositeur. Sa famille était aisée et le prépara aux affaires tout en lui enseignant la musique, dans laquelle il montra très tôt son talent de chanteur (baryton), de pianiste, de violoniste et de violoncelliste. LesLire la suite… ces quelques mesures du récit :

A l’ombre de nos bois, au soleil de la plaine,

Je cherche en vain l’oubli,

Et je reviens toujours à l’espérance vaine

Dont mon cœur est rempli.

Les couplets : Tous les moutons sautent, sautent, espèce de ronde dont le refrain est accompagné par le chœur, sont fort gais et se détachent au milieu d’un quintette parfaitement traité. Louons ensuite un duetto, marivaudage élégant et gracieux entre Henriette et le chevalier de Boisfleuri, l’air d’Henriette, la cavatine de Marcel et le final dans lequel résonne, avec une intonation habilement pondérée, la note du cœur, la note dramatique.

On avait bissé au premier acte la romance de Marcel, on a bissé au second acte la villanelle du chevalier :

J’ai perdu ma tourterelle,

Celle qui reçut ma foi.

Que deviendrai-je sans elle ?

Que fera-t-elle sans moi ?

Ce second acte se passe dans le parc du château, et on y joue à colin-maillard, ce qui donne lieu à une scène détaillée de la façon la plus spirituelle par le spirituel compositeur. Je ne puis tout citer vraiment, et si je glisse sur les couplets de Boisfleuri et le duo chanté par Marcel et Henriette, c’est pour arriver plus vite au final, dont l’allure militaire, la verve mélodique et le brillant coloris instrumental ont produit un très grand effet. Mais n’oublié-je point une piquante ariette :

Andoche ! mon petit Andoche,

Tu vas finir par manquer l’coche ?

Andoche, c’est l’amoureux de Marion et l’idole du public de l’Opéra-Comique, c’est M. Sainte-FoySainte-Foy, Charles-Louis Pubereaux ditCharles-Louis Pubereaux dit Sainte-Foy (Vitry-le-Francois/Marne, 13 fevrier 1817 – Neuilly, 1er avril 1877), tenor. Elève de Morin au Conservatoire de Paris. Débute à l’Opéra-Comique le 18 Mai 1840 dans le rôle de Dionigi dans Zanetta ou jouer avec le feu (Auber). Il y resta jusqu’à sa retraitLire la suite…. Mais de longtemps on ne reverra cet artiste sur la scène où il illustra tant de types ingénieux. M. Sainte-FoySainte-Foy, Charles-Louis Pubereaux ditCharles-Louis Pubereaux dit Sainte-Foy (Vitry-le-Francois/Marne, 13 fevrier 1817 – Neuilly, 1er avril 1877), tenor. Elève de Morin au Conservatoire de Paris. Débute à l’Opéra-Comique le 18 Mai 1840 dans le rôle de Dionigi dans Zanetta ou jouer avec le feu (Auber). Il y resta jusqu’à sa retraitLire la suite… est engagé à Saint-Pétersbourg.

Avant que le rideau ne se lève sur le troisième acte, l’orchestre exécute un entr’acte qui n’est pas sans analogie avec celui de l’Epreuve villageoiseEpreuve villageoise, L’L’Epreuve villageoise, opéra-comique en deux actes sur un livret de Jean-Baptiste Desforges, mis en musique par Modeste Grétry et créé à la Comédie-Italienne le 24 juin 1784.Lire la suite…, le chef-d’œuvre du genre, mais qui ne lui ressemble nullement sous le rapport mélodique. Chœur de paysans et chœur de volontaires, stances, cavatine et morceaux d’ensemble, il y a des pages ravissantes dans ce troisième acte dont l’importance musicale est moindre cependant que celle du premier et du second. Et l’un des morceaux les mieux réussis, l’un des meilleurs de la partition, c’est assurément le joli petit trio bouffe chanté par Andoche, Marcel et Marion. Les voix dialoguent avec une verve, une malice, un brio sans pareil ; l’orchestre gazouille d’une façon discrète et charmante. M. AuberAuber, Daniel-François-EspritDaniel-François-Esprit Auber (Caen, 29 janvier 1782 – Paris, 12 mai 1871), compositeur. Sa famille était aisée et le prépara aux affaires tout en lui enseignant la musique, dans laquelle il montra très tôt son talent de chanteur (baryton), de pianiste, de violoniste et de violoncelliste. LesLire la suite… laisse voir dans ce morceau toute la maturité de son talent, toute la jeunesse de son esprit.

A la sortie du théâtre on a fait une ovation au maître qui venait d’enrichir le répertoire de l’Opéra-Comique d’un nouveau succès et qui avait formellement promis de ne pas s’en tenir là.

Mlle Carlotta PattiPatti, CarlottaCarlotta Patti (Florence, 30 octobre 1835 – Paris, 27 juin 1889), soprano. Elle débuta à l’Académie de Musique de New York en janvier 1861. Elle souffrait d’une légère claudication qui fait qu’elle ne se produisit que rarement sur les scènes des théâtres lyriques, préférant chanterLire la suite… et M. Théodore RitterRitter, ThéodoreToussaint Prévost [Prévost-Ritter], dit Théodore Ritter (Nantes, 5 avril 1840 – Paris, 6 avril 1886), pianiste et compositeur. Il fut l’unique élève de Berlioz, qui lui confia la réduction pour piano de L’Enfance du Christ et de Romeo et Juliette. Il excellait dans l’interprétation deLire la suite… voyagent en Amérique et ont déjà donné des concerts dans les principales villes de l’Union. Les journaux américains, et entre autres le Chicago Republican (un journal qui ne compte pas un grand nombre d’abonnés à Paris, mais qui est très répandu dans l’Illinois), sont unanimes pour constater le succès des deux célèbres virtuoses. Mlle Carlotta PattiPatti, CarlottaCarlotta Patti (Florence, 30 octobre 1835 – Paris, 27 juin 1889), soprano. Elle débuta à l’Académie de Musique de New York en janvier 1861. Elle souffrait d’une légère claudication qui fait qu’elle ne se produisit que rarement sur les scènes des théâtres lyriques, préférant chanterLire la suite… étonne surtout par sa prodigieuse facilité de vocalisation et la pureté de ses trilles qu’elle bat sur les notes les plus aiguës de sa voix. Les Américains, on le sait, ont un goût naturel pour ce qui est excentrique, mais ils apprécient aussi les qualités sérieuses, et en dehors de l’agilité et de la flexibilité de l’organe il y a beaucoup à admirer dans le talent fin, gracieux et distingué de Mlle Carlotta PattiPatti, CarlottaCarlotta Patti (Florence, 30 octobre 1835 – Paris, 27 juin 1889), soprano. Elle débuta à l’Académie de Musique de New York en janvier 1861. Elle souffrait d’une légère claudication qui fait qu’elle ne se produisit que rarement sur les scènes des théâtres lyriques, préférant chanterLire la suite…. L’un des morceaux les plus à effet de son répertoire est une valse, intitulée la FestaLa Festa, valse chantéeLa Festa, valse chantée pour voix et piano sur des paroles françaises et italiennes d’Emilien Pacini mises en musique par Théodore Ritter et publiée par Choudens, Paris, ca. 1872.Lire la suite…, que M. Théodore RitterRitter, ThéodoreToussaint Prévost [Prévost-Ritter], dit Théodore Ritter (Nantes, 5 avril 1840 – Paris, 6 avril 1886), pianiste et compositeur. Il fut l’unique élève de Berlioz, qui lui confia la réduction pour piano de L’Enfance du Christ et de Romeo et Juliette. Il excellait dans l’interprétation deLire la suite… a composée spécialement pour elle. « Cette valse, tant par le mérite de la composition que par la façon dont elle est chantée, est digne des plus hauts éloges (highest encomiums). » Les éclats de rire notés dans ce morceau agissent tellement sur l’auditoire qu’ils deviennent communicatifs : « Chacun, dit le Républican de Chicago en rendant compte du concert de Farwel-Hall, riait par sympathie pour la musique et pour sa gracieuse interprète ; les applaudissemens qui suivirent furent certainement les plus enthousiastes (the most enthusiastic) de la soirée. Après plusieurs « Encore ! » très énergiques, Mlle PattiPatti, CarlottaCarlotta Patti (Florence, 30 octobre 1835 – Paris, 27 juin 1889), soprano. Elle débuta à l’Académie de Musique de New York en janvier 1861. Elle souffrait d’une légère claudication qui fait qu’elle ne se produisit que rarement sur les scènes des théâtres lyriques, préférant chanterLire la suite… fut obligée de recommencer. » Quant à M. Théodore RitterRitter, ThéodoreToussaint Prévost [Prévost-Ritter], dit Théodore Ritter (Nantes, 5 avril 1840 – Paris, 6 avril 1886), pianiste et compositeur. Il fut l’unique élève de Berlioz, qui lui confia la réduction pour piano de L’Enfance du Christ et de Romeo et Juliette. Il excellait dans l’interprétation deLire la suite…, son succès n’est pas moindre que celui de Mlle Carlotta PattiPatti, CarlottaCarlotta Patti (Florence, 30 octobre 1835 – Paris, 27 juin 1889), soprano. Elle débuta à l’Académie de Musique de New York en janvier 1861. Elle souffrait d’une légère claudication qui fait qu’elle ne se produisit que rarement sur les scènes des théâtres lyriques, préférant chanterLire la suite…, et il se fait applaudir sous trois aspects différens : comme pianiste, compositeur et chanteur. Il a une fort belle voix de baryton et s’en sert avec autant d’habilité que de goût. « M. RitterRitter, ThéodoreToussaint Prévost [Prévost-Ritter], dit Théodore Ritter (Nantes, 5 avril 1840 – Paris, 6 avril 1886), pianiste et compositeur. Il fut l’unique élève de Berlioz, qui lui confia la réduction pour piano de L’Enfance du Christ et de Romeo et Juliette. Il excellait dans l’interprétation deLire la suite… semble avoir tous les talens. Nous avons déjà dit qu’il est au premier rang comme pianiste ; nous avons vanté le style et l’originalité de ses compositions, voilà qu’il se révèle à nous aujourd’hui comme un chanteur éminent…En vérité, c’est trop de talent pour un seul homme. » Mais, ajoute le journal de Buffalo, auquel j’emprunte ces lignes, lui aussi a un lorgnon (an eye-glass), et porte moustaches !…

E. REYER.