FEUILLETON DU JOURNAL DES DÉBATS

DU 17 NOVEMBRE 1872.

REVUE MUSICALE.

 

Séance annuelle de l’Académie des Beaux-Arts. — Concerts populaires : fragmens de l’ArlésienneL’ArlésienneL’Arlésienne, musique de scène pour chÅ“ur et orchestre de Georges Bizet pour la pièce de théâtre en trois actes d’Alphonse Daudet, adaptée de sa nouvelle éponyme, initialement publiée dans le quotidien L’Événement du 31 août 1866, avant d’être intégrée au recueil des LettreLire la suite…, de M. Georges Bi­zet. — Le projet de M. Hippolyte Le­roy. — Mme Marie Sass à Madrid. — Dé­but de M. PrunetPrunetPrunet ( ? – ?), ténor. Le Ménestrel du 17 novembre 1872 nous apprend que ce ténor, originaire de Toulouse, avait entre huit et neuf ans de pratique en province lorsqu’il fut engagé, en 1872, à l’Opéra de Paris. Il avait en effet été engagé par le Théâtre de la Monnaie à Bruxelles Lire la suite… à l’Opéra. — Léopold AmatAmat, Paul LéopoldPaul-Léopold Amat (Toulouse, 30 novembre 1813 – Nice, 31 octobre 1872), compositeur et chef d’orchestre. Il fut l’administrateur des Bouffes-Parisiens de 1855-1856 et jouit également du privilège du Théâtre Beaumarchais. Il composa de nombreuse romances et mélodies et écrivit pour la Lire la suite…. — Trois nouvelles publications de la maison PetersPeters, Carl FriedrichCarl Friedrich Peters (Leipzig, 30 mars 1779 – Sonnenstein près de Pirna/Saxe, 20 novembre 1827), éditeur de musique. En 1813, il acquit le fonds du Bureau de musique qui avait été créé le 1er décembre 1800 par le compositeur Franz Anton Hoffmeister et l’organiste Ambrosius Kühnel et quiLire la suite….

Nous ne sommes pour rien en cette af­faire, et cependant nous y sommes pour quelque chose. N’avons-nous pas, à l’occa­sion, réclamé en faveur des droits de l’A­cadémie, auxquels le décret du 13 no­vembre avait porté une atteinte si grave ? N’avons-nous pas dit, à propos des con­cours pour le grand prix de composition musicale, que les concurrens, aussi bien les peintres et les graveurs, les sculpteurs et les architectes que les musiciens, de­vaient être rendus à leurs juges naturels ? Et cela, tout autant dans l’intérêt des élè­ves, auxquels les garanties sérieuses man­quaient, que dans l’intérêt des professeurs, dont la dignité ne doit jamais être amoindrie ? Aujourd’hui le décret du 13 novem­bre est abrogé : l’Académie est rentrée dans ses droits ; elle a retrouvé ses privi­lèges et ses prérogatives. Et voilà pour­quoi, comme l’a si bien dit notre savant et très honoré confrère M. Charles ClémentClément-Grandcourt, Charles-Francis dit Charles ClémentCharles-Francis Clément-Grandcourt dit Charles Clément (Rouen, 9 août 1821 – Paris, 5 juillet 1887), traducteur, critique d’art, historien d’art. Il passa son enfance en Suisse puis engagea des études littéraires et philosophiques à l’Académie de Lausanne, avant de s’orienter vers dLire la suite…, la séance publique de l’Académie des Beaux-Arts présentait cette année un intérêt tout spécial ; voilà pourquoi cette réunion était une véritable fête.

Oui, c’était une fête, la fête de l’intelli­gence et des cÅ“urs, car c’était aussi un touchant spectacle. A l’appel de son nom, chaque lauréat allait recevoir des mains du président de l’Académie le prix obtenu, puis il échangeait avec son professeur et avec l’illustre et bienveillant directeur de l’Académie des Beaux-Arts, le sculpteur GuillaumeGuillaume, Jean-Baptiste-Claude-EugèneJean-Baptiste-Claude-Eugène Guillaume (Montbard/Côte-d’Or, 4 juillet 1822 – Rome, 1er mars 1905), sculpteur. Il fut l’élève de James Pradier et remporta le 1er prix de Rome en 1845. Il enseigna à l’École des beaux-arts comme chef d’atelier puis en devint le directeur de 1864 à 1878.Lire la suite…, une double accolade : le signal des applaudissemens partait spontané, una­nime, de la tribune des élèves, et il y avait en ce moment une très grande émo­tion dans l’auditoire. On se retrouvait enfin sous cette coupole où tant d’artistes célè­bres se sont abrités et s’abritent encore. L’Académie, elle aussi, retrouvait ses élè­ves, ses enfans et la pompe de sa cérémo­nie annuelle. C’est ainsi qu’a parlé M. Am­broise Thomas, et il a parlé simplement et en excellens termes ; il y a beaucoup de conviction et de sensibilité dans cette allocution élégante et concise dont le Jour­nal des Débats a déjà publié le texte.

Je n’ai plus à relater d’ailleurs les incidens de cette séance solennelle que M. Charles ClémentClément-Grandcourt, Charles-Francis dit Charles ClémentCharles-Francis Clément-Grandcourt dit Charles Clément (Rouen, 9 août 1821 – Paris, 5 juillet 1887), traducteur, critique d’art, historien d’art. Il passa son enfance en Suisse puis engagea des études littéraires et philosophiques à l’Académie de Lausanne, avant de s’orienter vers dLire la suite… a si exactement et si spirituellement décrite : il a reproduit presque en entier dans son article l’élo­quent discours du secrétaire perpétuel de l’Académie des Beaux-Arts, consacré à l’éloge de M. DubanDuban, Jacques-FelixJacques-Félix Duban (Paris, 14 octobre 1798 – Bordeaux, 8 octobre 1870), architecte. Il étudia avec François Debret, rentra à l’École des beaux-arts de Paris et remporta le 1er prix de Rome en 1823. En 1832, il succéda à François Debret pour la poursuite des travaux d’aménagement de lLire la suite…, éloge finement fait et écrit de main de maître. Pendant près de trois quarts d’heure, M. BeuléBeulé, Charles-ErnestCharles-Ernest Beulé (Saumur, 29 juin 1826 – Paris, 4 avril 1874), archéologue et homme politique. Il étudia au collège Rollin puis de 1845 à 1848 à l’Ecole normale, d’où il sortit second agrégé des lettres ; après une année passée à Moulins, il rejoignit l’Ecole d’Athènes. Lire la suite… a tenu l’au­ditoire attentif sous le charme de sa pa­role.

C’est par l’exécution d’une ouverture de M. Rabuteau que la séance a commencé ; c’est par l’exécution de la cantate de M. SalvayreSalvayre, Gervais-Bernard-GastonGervais-Bernard-Gaston Salvayre (Toulouse, 24 juin 1847 – Ramonville-Saint-Agne/Haute-Garonne, 17 mai 1916), compositeur, chef de chant et critique musical. Il étudia la musique au conservatoire de Toulouse puis à celui de Paris, où il obtint un 2e accessit de contrepoint et fugue en 1867, un 1Lire la suite… qu’elle s’est terminée.

En 1868, on décerna deux grands prix de composition musicale, comme si ce n’était pas assez d’un seul. L’un fut ob­tenu par M. WintzweilerWintzweiler, EugèneEugène Wintzweiler (Woerth/Bas-Rhin, 13 décembre 1844 – Arcachon, 6 novembre 1870), compositeur. Il étudia la musique avec le titulaire du grand orgue de la cathédrale de Strasbourg Joseph Wackenthaler, puis de 1860 à 1863 à l’École de musique religieuse fondée par Louis Niedermeyer à PLire la suite…, l’autre par M. Ra­buteau. M. WintzweilerWintzweiler, EugèneEugène Wintzweiler (Woerth/Bas-Rhin, 13 décembre 1844 – Arcachon, 6 novembre 1870), compositeur. Il étudia la musique avec le titulaire du grand orgue de la cathédrale de Strasbourg Joseph Wackenthaler, puis de 1860 à 1863 à l’École de musique religieuse fondée par Louis Niedermeyer à PLire la suite… et M. Rabuteau triomphèrent sans bruit. La cantate du pre­mier, exécutée deux fois au Théâtre-Lyri­que, y fut froidement accueillie, malgré la pompe de mise en scène dont l’avait en­tourée M. PasdelonpPasdeloup, Jules-EtienneJules-Étienne Pasdeloup (Paris, 15 septembre 1819 – Fontainebleau, 13 août 1887), pianiste et chef d’orchestre. Il étudia au Conservatoire de Paris où il obtint les premiers prix de solfège en 1832 et de piano en 1834. En 1841, il devint répétiteur de solfège au Conservatoire, puis répÃLire la suite…, toujours favorable aux jeunes musiciens. La cantate de M. Ra­buteau, exécutée en habit de ville par les artistes de l’Opéra-Comique, où les choses en ce temps-là se faisaient plus simple­ment qu’aujourd’hui, n’excita pas un en­thousiasme bien vif. Depuis lors, peu en­couragés sans doute par le succès qu’ils avaient obtenu, M. WintzweilerWintzweiler, EugèneEugène Wintzweiler (Woerth/Bas-Rhin, 13 décembre 1844 – Arcachon, 6 novembre 1870), compositeur. Il étudia la musique avec le titulaire du grand orgue de la cathédrale de Strasbourg Joseph Wackenthaler, puis de 1860 à 1863 à l’École de musique religieuse fondée par Louis Niedermeyer à PLire la suite… n’a guère fait parler de lui, et M. Rabuteau, pendant son séjour à Rome, a envoyé à l’Académie une simple ouverture. Mais qu’on ne s’ima­gine pas qu’en disant : une simple ouver­ture, je veuille faire ressortir la simplicité de cette composition. Bien au contraire, cela est fortement travaillé, et dans la pre­mière partie, particulièrement, les artifices scientifiques abondent : contre-sujets et accouplemens de motifs différens, opposi­tions de timbres, développemens et pro­gressions harmoniques, tout y est, et quel­que fois tout y est réussi. Il y a comme un souffle wagnérien dans cette première par­tie. Mais la seconde, hélas ! a failli tout gâter. Ce rhythme de pas redoublé, ces éclats des cuivres, beaucoup trop prodigués, ces efforts et cette impuissance prouvent une fois de plus combien il est difficile de faire un bon allegro. Là où les maîtres échouent si souvent, un jeune composi­teur, presque un élève, peut bien ne pas réussir. Néanmoins, comme les fanfares et les pas redoublés n’ont jamais blessé des oreilles françaises, l’auditoire s’est montré agréablement impressionné par l’ouverture de M. Rabuteau et l’a chaleureusement applaudie.

J’avais le plus vif désir d’entendre à l’or­chestre la cantate de M. SalvayreSalvayre, Gervais-Bernard-GastonGervais-Bernard-Gaston Salvayre (Toulouse, 24 juin 1847 – Ramonville-Saint-Agne/Haute-Garonne, 17 mai 1916), compositeur, chef de chant et critique musical. Il étudia la musique au conservatoire de Toulouse puis à celui de Paris, où il obtint un 2e accessit de contrepoint et fugue en 1867, un 1Lire la suite… que je n’avais entendue qu’au piano le jour du concours. Même pour les musiciens les plus exercés et les plus habiles, il est assez dif­ficile de se rendre un compte exact d’une partition en la lisant. Il faut l’entendre. La cantate de M. SalvayreSalvayre, Gervais-Bernard-GastonGervais-Bernard-Gaston Salvayre (Toulouse, 24 juin 1847 – Ramonville-Saint-Agne/Haute-Garonne, 17 mai 1916), compositeur, chef de chant et critique musical. Il étudia la musique au conservatoire de Toulouse puis à celui de Paris, où il obtint un 2e accessit de contrepoint et fugue en 1867, un 1Lire la suite… m’a donc causé d’agréables surprises. Ce jeune homme, qui a soupiré pendant plusieurs années après le laurier académique, ne s’est point découragé et a mis le temps à profit. Très rompu à tous les exercices scolastiques, habile en l’art d’écrire pour les instrumens aussi bien que pour les voix, doué d’un bon sentiment mélodique, il ne lui manque plus que l’élévation du style et ce cachet personnel qui caractérisent les grands musiciens.

On a surtout remarqué dans la cantate de M. SalvayreSalvayre, Gervais-Bernard-GastonGervais-Bernard-Gaston Salvayre (Toulouse, 24 juin 1847 – Ramonville-Saint-Agne/Haute-Garonne, 17 mai 1916), compositeur, chef de chant et critique musical. Il étudia la musique au conservatoire de Toulouse puis à celui de Paris, où il obtint un 2e accessit de contrepoint et fugue en 1867, un 1Lire la suite… une jolie romance de ténor et un trio d’un beau mouvement dramati­que et d’une excellente facture. M. SalvayreSalvayre, Gervais-Bernard-GastonGervais-Bernard-Gaston Salvayre (Toulouse, 24 juin 1847 – Ramonville-Saint-Agne/Haute-Garonne, 17 mai 1916), compositeur, chef de chant et critique musical. Il étudia la musique au conservatoire de Toulouse puis à celui de Paris, où il obtint un 2e accessit de contrepoint et fugue en 1867, un 1Lire la suite… nous donnera certainement un jour, dans une Å“uvre moins hâtive, la mesure exacte de son talent et de son individualité.

Je ne sais ce qu’il adviendra dans l’ave­nir du drame de M. Daudet, sitôt disparu de l’affiche du Vaudeville, mais je sais bien que la partition de M. Georges Bizet res­tera comme une des Å“uvres les plus ex­quises et les plus finement travaillées de ce jeune compositeur, et la meilleure preuve en est dans le succès qu’ont obtenu di­manche dernier, au Cirque d’hiver, les principaux morceaux de l’ArlèsienneL’ArlésienneL’Arlésienne, musique de scène pour chÅ“ur et orchestre de Georges Bizet pour la pièce de théâtre en trois actes d’Alphonse Daudet, adaptée de sa nouvelle éponyme, initialement publiée dans le quotidien L’Événement du 31 août 1866, avant d’être intégrée au recueil des LettreLire la suite…, dont l’auteur, à l’aide de quelques retouches et de quelques soudures pratiquées d’une main habile, a fait comme une suite d’or­chestre. Certes, ceux qui n’ont pas vu re­présenter la pièce de M. Daudet n’ont pu se rendre compte combien l’œuvre du mu­sicien s’identifiait avec l’action du drame, mais ils ont pu apprécier du moins la va­leur musicale des inspirations de M. Bizet, l’élégance et la clarté de son style, tout ce qu’il y a d’ingénieux et de hardi dans ses combinaisons harmoniques, et avec quel art il sait manier l’orchestre. On avait bissé frénétiquement un andante de Haydn et j’applaudi du bout des doigts la symphonie en mi bémol de Schumann, si bien qu’on pouvait craindre que le vent, ce jour-là, ne soufflât pas en faveur de la jeune école. Il n’en a rien été heureusement, et le menuet de M. Bizet, morceau charmant et d’une grâce un peu archaïque, a été bissé avec tout autant d’unanimité et d’entrain que le célèbre andante de Haydn.

Assurément je ne veux point me faire pas­ser pour prophète ; mais je n’hésite pas à prédire que celui qu’on appelait il y a quel­ques années à peine le petit Bizet, comme on disait autrefois le petit Auber, sera dans un avenir prochain un des maîtres de l’école française.

M. Hippolyte Leroy, ancien directeur de la scène de l’Opéra, vient de soumettre au ministre des beaux-arts un projet publié par le Bien public, et précédé d’une lettre adressée à M. Guy de CharnacéCharnacé, Ernest-Charles-Guy de Girard deGuy de Charnacé (Château-Gontier/Mayenne, 3 mai 1825 – Paris, 3 mars 1909), écrivain, journaliste et agronome. Il fit ses études au collège de Vendôme et se rendit à Dresde en 1843 où il assista aux premières représentations des opéras de Wagner et rencontra Honoré de Balzac dans le saLire la suite…, rédacteur très autorisé de la partie musicale de ce journal.

Nous citerons seulement les principaux paragraphes de ce projet, appuyé sur des considérations très nettement développées dans la lettre qui lui sert de prologue : le sort précaire des prix de Rome en particu­lier et de tous les jeunes compositeurs en général, leurs illusions, leur décourage­ment , la manière dont se nouent leurs re­lations avec les directeurs de théâtre et la façon dont elles finissent.

Art. 1er du projet de M. LeroyLeroy, François-HippolyteFrançois-Hippolyte Leroy (Belleville/Seine, 24 mars 1814 – Paris, 7 mai 1887), directeur de scène. Acteur au Théâtre-Français en 1837, il épousa la même année Joséphine-Louise Laloutre. Il fut ensuite engagé à l’Opéra-Comique de Paris puis en 1849 à l’Opéra de Paris, en tant queLire la suite… :

« Les grands théâtres de nos villes de pro­vince telles que Lyon, Marseille, Bordeaux, Tou­louse, Lille, seront élevés au rang des théâtres nationaux, sans cesser d’être subventionnés et surveillés par les municipalités.

» Art. 2. Tous les ans, les directeurs seront tenus de faire représenter un opéra ou un opéra-comique nouveau en trois, quatre ou cinq actes.

» Art 3. Les droits d’auteur de la province étant insuffisans pour rémunérer le travail des auteurs et des compositeurs, il sera alloué par le ministre des beaux-arts une prime de 10,000 fr. auxdits auteurs et compositeurs pour chaque opéra nouveau et inédit qui aura été jugé di­gne d’être représenté sur un des théâtres na­tionaux de la province.

………………………………………………………………………………………………………………………

» Art. 5. Le compositeur sera tenu, autant que possible, de diriger lui-même l’orchestre aux trois premières représentations de son ouvrage.

» Art. 6 Pour indemniser les directeurs et les villes des dépenses qu’entraine la mise en scène d’un ouvrage nouveau et pour assurer à l’ouvrage une bonne exécution, une mise en scène suffisante, des décors et des costumes convenables, il sera alloué aux directeurs et aux villes une prime de 20 à 40,000 fr. par cha­que ouvrage nouveau qui sera représenté et selon l’importance de l’ouvrage.

» En résumé, une subvention de 230,000 fr. assurant la création de cinq à six ouvrages nouveaux qui seront représentés dans l’année même sur les grandes scènes de province.

» Les subventions ne servant plus à soute­nir un théâtre aux abois ou à grossir les béné­fices d’un entrepreneur heureux, mais allant directement au producteur et récompensant le travail effectif………………………………………………………………………

» Une grande émulation entre les compo­siteurs.

» Un bienfait réel pour les artistes de la pro­vince qui seront appelés à jouer dans ces ou­vrages et qui, se trouvant en communica­tion directe avec l’auteur et le compositeur, profiteront de ces utiles conseils dont ils sont aujourd’hui absolument privés. »

Privation, ajouterai-je, qu’ils supportent avec beaucoup de philosophie…………..

Tels sont, d’après M. LeroyLeroy, François-HippolyteFrançois-Hippolyte Leroy (Belleville/Seine, 24 mars 1814 – Paris, 7 mai 1887), directeur de scène. Acteur au Théâtre-Français en 1837, il épousa la même année Joséphine-Louise Laloutre. Il fut ensuite engagé à l’Opéra-Comique de Paris puis en 1849 à l’Opéra de Paris, en tant queLire la suite…, avec quel­ques autres que je n’ai point énumérés, les avantages renfermés dans une idée qui, « approfondie au point de vue pratique par les hommes compétens, rendrait un grand service à l’école française en stimulant la production ; aux artistes de la province, en les mettant en communication directe avec ceux dont ils sont appelés à interpréter les Å“uvres ; aux théâtres de la province, qui trouveraient là les nouveautés qui leur font défaut ; aux théâtres lyriques de Paris, qui verraient éclore à leur profit toute une génération nouvelle de producteurs ; enfin et surtout à ces pauvres déshérités les com­positeurs—(hélas ! le mot est bien triste !)— à qui l’on assurerait ainsi du travail, à qui l’on rendrait le succès possible. »

Je laisse à M. LeroyLeroy, François-HippolyteFrançois-Hippolyte Leroy (Belleville/Seine, 24 mars 1814 – Paris, 7 mai 1887), directeur de scène. Acteur au Théâtre-Français en 1837, il épousa la même année Joséphine-Louise Laloutre. Il fut ensuite engagé à l’Opéra-Comique de Paris puis en 1849 à l’Opéra de Paris, en tant queLire la suite… la forme de son idée, mais il me permettra d’en revendiquer le fond.

Voici, en effet, ce que j’écrivais le 22 jan­vier 1863 dans le Moniteur universel Souvenirs d’Allemagne :

« La liberté des théâtres ne peut pas avoir en province les mêmes effets qu’à Paris et faire surgir de nouveaux théâtres à côté de ceux qui existent déjà ; en province, les subventions ne doivent donc pas être considérées comme la consécration d’un privilège, et il n’y aurait qu’un mot à changer pour que personne ne vit le moindre inconvénient à ce que les théâtres de Strasbourg, Lyon, Marseille, Rouen, Lille, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Montpellier, Nancy et Dijon (je cite les principaux) reçus­sent chaque année, à titre d’encouragementOuverture « Le Jugement de Dieu »Ouverture « Le Jugement de Dieu » pour orchestre de Victor-Alfred Pelletier dit Rabuteau. Cette Å“uvre fut composée comme un envoi de Rome ; Rabuteau séjournait en effet à la Villa Médicis lorsqu’il remporta en 1868 le 1er prix de Rome.Lire la suite… ou de gratification (le mot ne fait rien à la chose), une somme proportionnée aux efforts qu’ils auraient faits pour maintenir leur répertoire à un certain niveau. On leur demanderait en échange non seulement de se préoccuper un peu plus de la question d’art que de la ques­tion d’argent, mais on leur imposerait en même temps cette condition expresse de jouer chaque année l’ouvrage d’un compositeur nouveau. Ce ne serait plus alors uniquement à Paris, mais aussi en province, que les jeunes compositeurs pour­raient faire leurs premières armes ; et, au lieu d’un ou deux théâtres à la porte desquels ils passent de longues années à se morfondre, il y en aurait dix dans lesquels ils auraient le choix d’entrer. Les Å“uvres les plus méritantes seraient signalées à une commission présidée par le chef de la municipalité, qui les récom­penserait suivant leur importance et suivant leur valeur intrinsèque, plus encore que pour le succès qu’elles auraient obtenu. Un chef- d’œuvre ne peut-il donc pas éclore tout aussi bien en province qu’à Paris ?

» Peut-être les jeunes compositeurs me ré­pondront-ils qu’ils aiment mieux conserver longtemps, très longtemps, l’espérance d’être joués à Paris, où la célébrité peut leur venir du soir au lendemain, que d’avoir la certitude d’être représentés sur un théâtre de province, où leur succès ne dépassera pas la frontière du département, si même il va jusque-là, et ne leur rapportera, par conséquent, qu’une gloire tout à fait locale et peu de profit. Je leur ré­pondrai d’abord que, pour leur rendre moins sensible la différence qui existe entre les droits d’auteur payés par les théâtres de province et ceux auxquels sont assujettis les théâtres de Paris, le succès ou le mérite de leurs œu­vres leur assurerait des primes qui seraient à la fois un encouragement et une compensation ; et ensuite que le meilleur moyen de vaincre les préjugés, c’est de les combattre. Or, c’est un préjugé de croire que Lyon, Bordeaux, Strasbourg ou Marseille ne peuvent être, aussi bien que Paris, le berceau d’une grande re­nommée ; c’est aussi un préjugé de croire qu’à Paris seul appartient le don de vivifier les in­telligences, le privilège de pousser à l’enfan­tement des belles œuvres. »

Plus tard je suis revenu sur cette idée et je l’ai complétée, notamment dans deux feuilletons du Journal des Débats, à la date du 19 novembre 1867 et du 28 janvier 1869. Si M. LeroyLeroy, François-HippolyteFrançois-Hippolyte Leroy (Belleville/Seine, 24 mars 1814 – Paris, 7 mai 1887), directeur de scène. Acteur au Théâtre-Français en 1837, il épousa la même année Joséphine-Louise Laloutre. Il fut ensuite engagé à l’Opéra-Comique de Paris puis en 1849 à l’Opéra de Paris, en tant queLire la suite… veut bien prendre la peine de les lire, il y remarquera peut-être ce pas­sage :

« J’ai demandé il n’y a pas bien longtemps pourquoi on ne créerait pas en province, dans nos villes les plus importantes, des places de maîtres de chapelle qui seraient réservées aux anciens pensionnaires de l’Ecole de Rome et à d’autres jeunes musiciens qui peuvent bien avoir du talent sans avoir passé par les classes du Conservatoire. A l’aide d’un simple vire­ment de fonds, le gouvernement donnerait ainsi à ces jeunes gens les moyens maté­riels de vivre de leur art, et de se révéler en même temps comme compositeurs et comme chefs d’orchestre. Ils n’encombreraient plus, en solliciteurs souvent éconduits, les anticham­bres de nos directeurs et ne seraient plus ré­duits à la triste nécessité de courir le cachet du matin au soir, le pire des métiers pour un artiste…. Faut-il rappeler aussi que telle sub­vention n’a pas toujours suffi à préserver un théâtre de sa ruine, tandis que d’autres sub­ventions n’ont guère servi qu’à accroître l’éton­nante fortune de certaines entreprises pure­ment commerciales, et qui ne devraient avoir aucune part dans les encouragemens que le gouvernement réserve aux progrès et aux belles manifestations de l’art musical ? »

Je n’ai pas besoin de pousser ces cita­tions plus loin pour convaincre M. LeroyLeroy, François-HippolyteFrançois-Hippolyte Leroy (Belleville/Seine, 24 mars 1814 – Paris, 7 mai 1887), directeur de scène. Acteur au Théâtre-Français en 1837, il épousa la même année Joséphine-Louise Laloutre. Il fut ensuite engagé à l’Opéra-Comique de Paris puis en 1849 à l’Opéra de Paris, en tant queLire la suite… de la conformité de notre manière de voir relativement à une même idée que nous avons eue, lui et moi, à quelques années d’intervalle. Il n’y a pas que les beaux es­prits qui se rencontrent : un metteur en scène doué de beaucoup d’imagination et un humble critique de musique peuvent se rencontrer aussi.

Qu’est-il advenu de mon projet ? Rien. Qu’adviendra-t-il du projet de M. Leroy Leroy, François-HippolyteFrançois-Hippolyte Leroy (Belleville/Seine, 24 mars 1814 – Paris, 7 mai 1887), directeur de scène. Acteur au Théâtre-Français en 1837, il épousa la même année Joséphine-Louise Laloutre. Il fut ensuite engagé à l’Opéra-Comique de Paris puis en 1849 à l’Opéra de Paris, en tant queLire la suite…? On nous assure que le ministre vient de le soumettre à l’examen de la commission supérieure des théâtres. La parole est donc maintenant à la commission des théâtres, qui, comme toutes les commissions, a sans doute l’habitude de se recueillir longtemps avant de parler.

Mme Marie Sass est à Madrid, où elle a chanté avec beaucoup de succès l’Anna Bolena, et avec plus de succès encore le rôle de Valentine des Huguenots. Les jour­naux madrilènes la proclament « l’unique, la seule Valentine. » Et ce n’est pas nous qui trouverons exagéré l’enthousiasme ex­cité par la voix et le talent de Mme Marie Sass. En quittant Madrid, la diva se rendra à Rome, d’où elle pourra rapporter, en même temps que des couronnes, des béné­dictions et des indulgences.

M. PrunetPrunetPrunet ( ? – ?), ténor. Le Ménestrel du 17 novembre 1872 nous apprend que ce ténor, originaire de Toulouse, avait entre huit et neuf ans de pratique en province lorsqu’il fut engagé, en 1872, à l’Opéra de Paris. Il avait en effet été engagé par le Théâtre de la Monnaie à Bruxelles Lire la suite…, qui a débuté lundi dernier dans le rôle de Faust, est un ancien lau­réat du Conservatoire de Toulouse. Après avoir chanté à Bruxelles, il est allé se per­fectionner en Italie aux leçons du vieux RomaniRomani, PietroPietro Romani (Rome, 29 mai 1791 – Florence, 11 janvier 1877), compositeur, chef d’orchestre et professeur de chant. Il étudia tout d’abord la musique avec son père, le chanteur et organiste Gaetano Romani, avant de continuer ses études à Bologne, où il se lia d’amitié avec Rossini. SoLire la suite… et du professeur CorsiCorsi, GiovanniGiovanni Corsi (Verone, ? 1822 – Monza, 4 avril 1890), baryton. Il commença des études de droit à l’université de Padoue, mais les abandonna pour se consacrer au chant. En 1844, il débuta à Milan dans le rôle de Dandini de La Cenerentola (Rossini). À partir de 1847, il se produisit chaqLire la suite…. Puis, lancé dans le tourbillon des affaires, il est resté quatre ans sans chanter. M. PrunetPrunetPrunet ( ? – ?), ténor. Le Ménestrel du 17 novembre 1872 nous apprend que ce ténor, originaire de Toulouse, avait entre huit et neuf ans de pratique en province lorsqu’il fut engagé, en 1872, à l’Opéra de Paris. Il avait en effet été engagé par le Théâtre de la Monnaie à Bruxelles Lire la suite… nous prie de ne le point juger sur une première audition et de faire la part de la très vive émotion qui s’est emparée de lui quand il s’est trouvé sur cette grande scène de l’O­péra, en face d’un public redoutable. Nous ne demandons pas mieux que de céder à la prière de M. PrunetPrunetPrunet ( ? – ?), ténor. Le Ménestrel du 17 novembre 1872 nous apprend que ce ténor, originaire de Toulouse, avait entre huit et neuf ans de pratique en province lorsqu’il fut engagé, en 1872, à l’Opéra de Paris. Il avait en effet été engagé par le Théâtre de la Monnaie à Bruxelles Lire la suite… et nous l’attendons à son second début.

Le dernier chanteur de romances, Léo­pold Amat, vient de mourir. Il avait eu, non seulement comme chanteur, mais aussi comme compositeur, son heure de célé­brité. Avec un tout petit filet de voix d’un timbre sympathique et d’une douceur char­mante il captivait son auditoire et donnait un relief particulier aux bluettes qu’il in­terprétait. Plusieurs de ses compositions : la Feuille et le SermentFeuille et le serment, LaLa Feuille et le serment, villanelle, mélodie pour voix et piano sur des paroles de P. Rosem mises en musique par Léopold Amat et publiée par S. Richault, Paris : 1843.Lire la suite…, la Marguerite des champsMa MargueriteMa marguerite, romance, mélodie pour voix et piano sur des paroles de Laure Jourdain mises en musique par Léopold Amat et publiée par J. Meissonnier, Paris : 1844Lire la suite… [Ma margueriteMa MargueriteMa marguerite, romance, mélodie pour voix et piano sur des paroles de Laure Jourdain mises en musique par Léopold Amat et publiée par J. Meissonnier, Paris : 1844Lire la suite…] Où vas-tuOù vas-tu, petit oiseauOù vas-tu, petit oiseau, cantilène, mélodie pour voix et piano sur des paroles de Théophile Séguret mises en musique par Léopold Amat. L’œuvre fut publiée par Heugel, Paris : 1851. Il en existe une version avec accompagnement de guitare.Lire la suite…u petit oiseau ?Où vas-tu, petit oiseauOù vas-tu, petit oiseau, cantilène, mélodie pour voix et piano sur des paroles de Théophile Séguret mises en musique par Léopold Amat. L’œuvre fut publiée par Heugel, Paris : 1851. Il en existe une version avec accompagnement de guitare.Lire la suite…? et la Légende du grand étangLégende du grand étang, LaLa Légende du grand étang, veillée, mélodie pour voix et piano sur des paroles de Gustave Mathieu mises en musique par Léopold Amat. L’œuvre fut publiée par Heugel, Paris : 1851.Lire la suite… étaient devenues popu­laires. Mais depuis longtemps Léopold AmatAmat, Paul LéopoldPaul-Léopold Amat (Toulouse, 30 novembre 1813 – Nice, 31 octobre 1872), compositeur et chef d’orchestre. Il fut l’administrateur des Bouffes-Parisiens de 1855-1856 et jouit également du privilège du Théâtre Beaumarchais. Il composa de nombreuse romances et mélodies et écrivit pour la Lire la suite… ne chantait plus et sa dernière inspiration musicale fut une Å“uvre patriotique : une cantate intitulée l’Annexion [Chant des Niçois – Hymne à la FranceChant des Niçois – Hymne à la FranceChant des Niçois – Hymne à la France, cantate pour chÅ“ur et orchestre sur des paroles censées provenir d’une chanson populaire mises en musique par Léopold Amat. Le texte de cette chanson fut reproduit dans le journal Le Messager de Nice du 13 avril 1860. L’annexion dont parle Reyer est celLire la suite…], qui lui va­lut la croix de la Légion-d’Honneur. Doué d’une activité toute méridionale, homme d’esprit et d’initiative, Léopold AmatAmat, Paul LéopoldPaul-Léopold Amat (Toulouse, 30 novembre 1813 – Nice, 31 octobre 1872), compositeur et chef d’orchestre. Il fut l’administrateur des Bouffes-Parisiens de 1855-1856 et jouit également du privilège du Théâtre Beaumarchais. Il composa de nombreuse romances et mélodies et écrivit pour la Lire la suite…, dans les différentes entreprises auxquelles il a appliqué son intelligence et ses efforts, a couru après la fortune sans l’atteindre ja­mais. La création du Casino de Nice, sitôt suivie de la ruine complète de ce magnifi­que établissement, a été la dernière tenta­tive de Léopold AmatAmat, Paul LéopoldPaul-Léopold Amat (Toulouse, 30 novembre 1813 – Nice, 31 octobre 1872), compositeur et chef d’orchestre. Il fut l’administrateur des Bouffes-Parisiens de 1855-1856 et jouit également du privilège du Théâtre Beaumarchais. Il composa de nombreuse romances et mélodies et écrivit pour la Lire la suite… et sa dernière décep­tion. Il en éprouva un très grand chagrin qui activa la maladie dont il était atteint et dont il est mort. Bien que nous fussions de­puis de longues années séparés l’un de l’au­tre, je lui avais conservé une vive affection et j’ai cruellement ressenti la perte de cet ami de vingt ans.

Et, pour ne pas finir ce feuilleton comme j’ai commencé le dernier, par une note lu­gubre, j’annoncerai que la maison PetersPeters, Carl FriedrichCarl Friedrich Peters (Leipzig, 30 mars 1779 – Sonnenstein près de Pirna/Saxe, 20 novembre 1827), éditeur de musique. En 1813, il acquit le fonds du Bureau de musique qui avait été créé le 1er décembre 1800 par le compositeur Franz Anton Hoffmeister et l’organiste Ambrosius Kühnel et quiLire la suite…, représentée à Paris par l’éditeur Jung- Treuttel, vient de publier en partitions d’orchestre trois des plus grands chefs-d’œuvre de la musique dramatique : FidelioFidelioFidelio, opéra en deux actes sur un livret en allemand de Joseph Sonnleithner remanié par Stephan von Breuning puis par Georg Friedrich Treitschke et cree au Kärntnertortheater de Vienne le 23 mai 1814.Lire la suite…, le FreischutzFreischütz, DerDer Freischütz, opéra romantique en trois actes sur un livret de Johann Friedrich Kind, mis en musique par Carl Maria von Weber, créé au Nouveau Schauspielhaus de Berlin le 18 juin 1821.Lire la suite…, Orphée.Orphée et EurydiceOrphée et Euridice, drame héroïque en trois actes sur un livret de Pierre-Louis Moline mis en musique par Christoph Willibald Gluck et créé à l’Opéra de Paris le 2 août 1774.Lire la suite… Ces trois parti­tions, revues avec un soin minutieux (celle d’OrphèeOrphée et EurydiceOrphée et Euridice, drame héroïque en trois actes sur un livret de Pierre-Louis Moline mis en musique par Christoph Willibald Gluck et créé à l’Opéra de Paris le 2 août 1774.Lire la suite… est précédée d’une très intéres­sante Notice historique, relative aux diver­ses modifications que Gluck a fait subir à son Å“uvre), ces trois partitions sont en même temps de véritables chefs-d’œuvre de typographie.

E. Reyer