La France Musicale, 6 juin 1858, p. 181-182 (article signé Em. R…)

Les soirées de M. Marmontel

Grâces au ciel, le bienfaisant soleil de juin vient enfin nous délivrer de l’avalanche des concerts, soirées, matinées musicales, et la marée montante des virtuoses cosmopolites nous permet, en se retirant, de réparer quelques oublis involontaires que nos amis nous ont déjà pardonnés.

De ce nombre est notre cher professeur, M. Marmontel, à qui nous devons d’affectueux remerciements pour les soirées auxquelles il nous a convié, et pour l’excellente musique qu’il nous a fait entendre. Tous nos remerciements à MM. Planté, Diemer, Fissot, Guiraud, Mlles Danvin, Duret et Clairambauld, pour l’excellente et poétique interprétation des œuvres de Chopin, Gottschalk, Prudent, Krüger, Goria. Il faut être éclectique et ne pas se livrer trop exclusivement à l’admiration rétrospective. C’est par l’étude des maîtres anciens que l’on forme le goût et qu’on développe le beau style ; mais il ne faut pas fermer l’oreille aux bonnes inspirations qui surgissent de nos jours.

Notre éminent professeur, M. Marmontel, met en œuvre ce précepte. C’est à ce mode d’enseignement qu’il doit de former d’excellents virtuoses, musiciens autant qu’habiles exécutants, et non de pâles copies de tel ou tel maître. Fidèle aux traditions de bienveillance, si généreusement pratiquées par notre ami regretté, M. Zimmerman, M. Marmontel accueille et produit, dans ses soirées, les compositeurs que la popularité n’a pas encore élevés au rang qu’ils méritent. C’est ainsi que nous avons successivement entendu, cet hiver, aux brillantes soirées de M. Marmontel, les œuvres de Mme Farrenc, l’habile professeur du Conservatoire, des quintettes de M. Gastinel, des fragments d’opéra de M. Durand, les remarquables mélodies de Vaucorbeil et de H. Potier.

Il nous serait difficile de faire à chacun sa juste part d’éloge ; nommer MM. Roger, Stockhausen, Rignault, Nathan, Vidal, Armingaud, Maurin, Lee, etc., c’est dire que les interprètes ont tous mérité les plus chaleureux applaudissements ; et il en est toujours ainsi chez M. Marmontel, grâce au bon goût musical de ses nombreux invités, grâce surtout à la sympathie communicative du maître de la maison, devenue aujourd’hui un des sanctuaires de l’art musical.