FEUILLETON DU JOURNAL DES DÉBATS

DU 28 FEVRIER 1873.

REVUE MUSICALE.

 

Théâtre des Folies-Dramatiques : La Fille de Mme AngotFille de Madame Angot, LaLa Fille de Madame Angot, opéra-bouffe en trois actes sur un livret de Clairville pseudonyme de Louis-François Nicolaïe, Paul Siraudin et Victor Koenig mis en musique par Charles Lecocq et créé au Théâtre des Fantaisies-Parisiennes à Bruxelles le 4 décembre 1872. La première parisienne eutLire la suite…, opéra-comique en trois actes, paroles de MM. Clairville, Siraudin et Koning, musique de M. Charles Lecocq. — Méthode nouvelle pour la formation des voix, par M. Marié. — Nouvelle méthode de musique vocale, par M. Hippolyte Dessirier. — Traité pratique des maladies du pharynx et du larynx, par M. le docteur MandlMandl, LouisLouis Mandl (Pest/Hongrie, 14 novembre 1812 – Paris, 5 juillet 1881), médecin. Docteur et membre de la Faculté de médecine de Pest (Hongrie), il était le correspondant de l’Académie royale des sciences de Naples, de la Société royale impériale de médecine de Vienne, et des Sociétés phLire la suite…. — En­core un mot sur la Fanchonnette, à pro­pos de M. AurèleAurèle, Adrien Dupin ditAdrien Dupin dit Aurèle (? – ?), acteur et chansonnier. Il jouait à Rochefort en 1858 et fut engagé au Théâtre Montparnasse puis au Théâtre du Luxembourg. En 1861, il fut au Théâtre des Variétés ou il parut dans Paris quand il pleut (Clairville et Moinaux, 1861), dans une parodie du TannhLire la suite….

La Fille de Mme AngotFille de Madame Angot, LaLa Fille de Madame Angot, opéra-bouffe en trois actes sur un livret de Clairville pseudonyme de Louis-François Nicolaïe, Paul Siraudin et Victor Koenig mis en musique par Charles Lecocq et créé au Théâtre des Fantaisies-Parisiennes à Bruxelles le 4 décembre 1872. La première parisienne eutLire la suite… en était déjà à sa soixantième représentation à Bruxelles, lorsque vendredi dernier, pour la première fois, le public parisien a été appelé à con­naître et à juger cet opéra essentiellement parisien. Le succès a été immense. Mais les Belges nous avaient devancés.

Je manquerais à tous les devoirs que m’imposent mes fonctions de critique, si je ne racontais aux lecteurs du Journal des Débats ce grand événement musical. Quand on n’a pas l’occasion de parler de ce qu’on admire le plus, il faut bien se résigner à parler de ce qu’on admire le moins. Et j’admire fort peu les petites bouffonneries musicales qui nous font regretter encore davantage les chefs-d’œuvre que nous n’entendons plus et auxquels nous devons cependant des jouissances si pures. C’est l’étude des chefs-d’œuvre qui nous a faits le peu que nous sommes et qui nous a ap­pris le peu que nous savons ; c’est l’audition de ces mêmes chefs-d’œuvre qui seule peut améliorer le goût du public. Et Dieu sait si le goût du public a besoin d’être amélioré !

Si les partitions classiques des grands maîtres étaient au répertoire de l’Opéra ou d’un théâtre lyrique qui pourrait exister, mais qui n’existe pas, nous nous plain­drions moins amèrement de voir le public qui aime peu la musique sérieuse aller s’é­gayer, ailleurs.

Cela dit, je confesse qu’il y a du talent dans la partition de La Fille de Mme AngotFille de Madame Angot, LaLa Fille de Madame Angot, opéra-bouffe en trois actes sur un livret de Clairville pseudonyme de Louis-François Nicolaïe, Paul Siraudin et Victor Koenig mis en musique par Charles Lecocq et créé au Théâtre des Fantaisies-Parisiennes à Bruxelles le 4 décembre 1872. La première parisienne eutLire la suite… et beaucoup d’esprit et de verve comique dans le li­vret.

La fille a été protégée par le souvenir de la mère. Si MaillotMaillot, Antoine-François Eve ditAntoine-François Eve dit Demaillot ou Maillot (Dole, 21 mai 1847 – Paris, 18 juillet 1814), acteur, journaliste et auteur dramatique. Il étudia le droit à Besançon mais s’engagea à dix-sept ans comme soldat au régiment de Guyenne où il acquit le grade de sergent. Il déserta quelques ann�Lire la suite… est un peu oublié au­jourd’hui, le type créé par lui en 1795 et popularisé trois années plus tard par le chevalier AudeAude, JosephJoseph Aude (Apt/Vaucluse, 10 décembre 1755 – Paris, 5 octobre 1841), poète et auteur dramatique. Sa première pièce de théâtre fut La Fête des muses (Versailles, 1776). Il fit la connaissance de Georges-Louis Le clerc de Buffon dont il devint un familier à Paris et à Montbard. Ami du marqLire la suite… dans une pièce qui eut à l’Ambigu plus de deux cents représenta­tions consécutives, ce type est resté célè­bre. La farce du chevalier AudeAude, JosephJoseph Aude (Apt/Vaucluse, 10 décembre 1755 – Paris, 5 octobre 1841), poète et auteur dramatique. Sa première pièce de théâtre fut La Fête des muses (Versailles, 1776). Il fit la connaissance de Georges-Louis Le clerc de Buffon dont il devint un familier à Paris et à Montbard. Ami du marqLire la suite…, Mme Angot au sérail de ConstantinopleMadame Angot au sérail de ConstantinopleMadame Angot au sérail de Constantinople, farce en trois actes de Joseph Aude, créée au Théâtre de l’Ambigu-Comique à Paris le 21 mai 1800.Lire la suite…, fut écrite pour l’acteur CorsseCorsse, Jean-Baptiste Labenette ditJean-Baptiste Labenette dit Corsse (Bordeaux, 24 janvier 1759 – Paris, 20 décembre 1815), acteur. Fils d’un perruquier, il fut envoyé à Paris pour y étudier la peinture dans l’atelier de Joseph-Marie Vien mais il préféra le théâtre et débuta au Théâtre de l’Ambigu comique de NicolLire la suite…, illustre bouffon que tout Paris connaissait et que tout Paris voulut applaudir sous les traits de la populaire héroïne du marché des Innocens.

La mère était marchande de marée ; la fille est fleuriste et se nomme Clai­rette. Orpheline, elle a été adoptée par les dames de la Halle, compagnes de sa mère, et messieurs les forts lui tiennent lieu de pères ou de parrains. Bien apparentée et bien dotée, on va la marier au perruquier Pomponnet. Mais Clairette aime en secret le chansonnier-violoniste Ange Pitou. Et c’est à qui, des deux amou­reux, trouvera le meilleur moyen pour évincer l’infortuné perruquier. Assommer Pomponnet, est dangereux ; le menacer de le tromper, ne vaut guère mieux. « Ça se fait, dit Clairette, mais ça ne se dit pas. »

C’est alors que paraît le financier La Rivaudière. Ange Pitou l’a fort maltraité dans une chanson qui va être livrée au public ; et Dieu sait si le public en rira ! Pour changer La Rivaudière en Lavaujou, Ange Pitou demande trente mille écus, Marché conclu. — Les trente mille écus seront la dot de Clairette. Mais les tuteurs et tutrices de la jeune fille, s’étant assem­blés, décident qu’ils ne peuvent accepter pour leur pupille un argent gagné de la sorte. Donc il faut en revenir à Pomponnet. C’est alors que Clairette, jetant son bouquet de fleurs d’oranger par-dessus les moulins, se met à chanter en pleine rue la chanson d’Ange Pitou, chanson dans laquelle Barras et Mlle Lange, la favorite du directeur, sont aussi malmenés que La Rivaudière lui-même.

Des favorites infidèles

On sait quelles étaient les mœurs.

Les rois étaient trompés par elles ;

Aujourd’hui sommes-nous meilleurs ?

Non, car l’amour est hypocrite

Et La Rivaudière est chéri ;

A prix d’or de la favorite,

Il est, dit-on, le favori.

 

Barras est roi, Lange est sa reine,

Ce n’était pas la peine,

Non pas la peine, assurément,

De changer de gouvernement.

Je regrette de ne pouvoir donner avec les paroles la musique de la chanson.

Sans égard pour le sexe et la gentillesse de la jolie chanteuse, des estafiers s’empa­rent d’elle et la conduisent en prison. C’est tout ce que demandait Mlle Clairette, la pri­son n’étant ni sur le chemin de la mairie, ni sur le chemin de l’église.

Mlle Lange a reconnu dans Mlle Angot une de ses amies de pension, et comme elle aime Ange Pitou sans se douter le moins du monde que celui-ci est aimé de Clai­rette, il n’y a vraiment rien de surprenant à ce que nous retrouvions au deuxième acte Clairette et Ange Pitou dans les sa­lons de la belle prima donna du théâtre Fey­deau. Pomponnet y vient aussi pour réclamer sa fiancée ; on se débarrasse de lui en le faisant mettre sous les verrous. Quels sont ces mystérieux personnages portant un collet noir à leur tunique et coiffés d’une per­ruque blonde ? Ce sont des réactionnaires ; des conspirateurs. Les hussards d’Auge­reau ont été prévenus, la trompette sonne, et quand les soldats, conduits par un bril­lant officier, font irruption dans le salon de Mlle Lange, au moment où les conspira­teurs s’écrient : « Nous sommes pédus ! » Mlle Lange leur répond : « Nous sommes sauvés ! »

Pour divertir cette horde féroce

Improvisons un bal de noce ;

Voici les époux tout trouvés.

Les soldats d’Augereau donnent si bien dans la mystification imaginée par la spi­rituelle comédienne qu’ils se débarrassent de leurs grands sabres et se mettent à valser.

Mais Clairette a surpris quelques mots échangés entre Pitou et Mlle Lange, et Clai­rette, comprenant qu’elle est trahie, pro­met de se venger bientôt.

Au troisième acte, tous les acteurs de la pièce sont réunis au bal Calypso, tous sa­chant bien comment ils y sont venus, mais fort étonnés de s’y rencontrer. Après une explication un peu vive entre la fleuriste et la comédienne, les deux rivales finissent par se réconcilier ; Pomponnet reparaît pour reprendre ses droits, et Ange Pitou est obligé de lui céder la place. Voilà la ven­geance de Mlle Clairette. On défonce les fu­tailles, et cette fois c’est bien un bal de noces auquel nous allons assister.

Dans cette pièce que les auteurs ont in­titulée : opéra-comique, il n’y a rien de subversif touchant la politique, rien de trop risqué touchant la morale et les bonnes mœurs. Et contrairement à l’axiome latin ; in cauda venenum, c’est au commencement de la pièce, dans les couplets de Pompon­net sur le bouquet de fleurs d’oranger qui orne le corsage de sa fiancée, qu’on trou­verait peut-être le trait le moins émoussé, l’allusion le [la] plus transparente à certaines choses dont les fidèles de nos petits théâ­tres de genre ont d’ailleurs, depuis long­temps, perdu l’habitude de s’émouvoir. Les décors sont fort jolis ; le tableau de la halle est très pittoresque ; les costumes des merveilleuses et des incroyables, oreilles de chien et souliers à la poulaine, tuni­ques à la grecque et habits à grands re­vers, semblent copiés sur les inimitables dessins qu’inspirèrent à Carle VernetVernet, Antoine-Charles-Horace dit CarleAntoine-Charles-Horace Vernet dit Carle Vernet (Bordeaux,14 août 1758 – Paris, 27 novembre 1836), peintre, dessinateur, et lithographe. Il fut l’élève de son père, Joseph Vernet et de Nicolas-Bernard Lépicié. Il obtint le 1er prix de peinture en 1782 et s’en fut à Rome. Brillant écuyerLire la suite… les toilettes quelque peu excentriques de l’hôtel Thélusson et des salons de Mme Tallien.

Je crois qu’il est temps d’arriver à la musique.

Voici ce que je disais il y a quelques an­nées à propos d’une opérette chinoise re­présentée au théâtre de l’Athénée, portant le titre chinois de Fleur de théFleur-de-ThéFleur-de-Thé, opéra-bouffe en trois actes sur un livret de Henri Chivot et Alfred Duru mis en musique par Charles Lecocq et créé au Théâtre de l’Athénée de Paris le 11 avril 1868.Lire la suite…, et dont la musique était aussi de M. Lecocq :

« Il n’y a rien de chinois dans la mélodie ni dans l’harmonie de M. Lecocq, de sorte qu’en entendant la partition de ce jeune et habile musicien, on ne songe nullement aux concerts de l’Exposition universelle. M. Lecocq, tout en employant des clo­chettes et des jeux de timbres, la grosse caisse et les cymbales, pour donner à cer­tains morceaux de sa partition une couleur chinoise, a fait un joli petit opéra parisien, tandis que ces mêmes instrumens, em­ployés sans tact et sans mesure par d’autres compositeurs français, ne donnent bien souvent qu’une couleur parisienne à des opéras chinois. »

Tel était M. Lecocq quand il fit Fleur de théFleur-de-ThéFleur-de-Thé, opéra-bouffe en trois actes sur un livret de Henri Chivot et Alfred Duru mis en musique par Charles Lecocq et créé au Théâtre de l’Athénée de Paris le 11 avril 1868.Lire la suite…, tel il est aujourd’hui. C’est toujours le même musicien habile, familier avec les mélodies légères et les rhythmes sautillans, ayant le sentiment de ce qui convient aux petites scènes et aux petits talens. Il se garderait bien de mettre un grand air à roulades là où il faut une chanson, ni de chercher une harmonie neuve et piquante là où la plus vulgaire modulation suffit. Peut-être M. Lecocq changerait-il sa ma­nière s’il changeait de cadre ; mais pour­quoi M. Lecocq déserterait-il un genre qui lui a valu, jeune encore, plus d’un succès ?

Je serais obligé de dresser un catalogue de tous les morceaux de la partition si je voulais citer tous les morceaux qui ont été applaudis, y compris l’ouverture où s’en­chaînent les principaux motifs de l’ou­vrage. Faisons un choix pourtant, afin qu’on ne puisse nous reprocher de dissimuler notre indifférence sous la banalité de l’é­loge.

Il m’en coûte d’abord de constater dans le rhythme et dans la mélodie du premier chœur : Bras dessus, bras dessous, une réminiscence de Martha.MarthaMartha, opéra-comique romantique en quatre actes sur un livret en allemand de W. Friedrich, pseudonyme de Friedrich Wilhelm Riese, mis en musique par Friedrich von Flotow et créé au Kärntnertortheater de Vienne le 25 novembre 1845. La création française eut lieu dans une version en italien, inLire la suite… Chœur des gens de la noce et chœur des servantes se ren­dant au marché, les deux chœurs se ressemblent.

Les couplets de Pompounet et la romance de Clairette, accompagnée par le cor, sont, en revanche, des inspirations tout à fait personnelles à M. Lecocq. J’en puis dire autant de la légende de la mère Angot, composée dans la forme de la chanson po­pulaire et dont le refrain est repris par le chœur. On a bissé cette chanson, on a bissé la chanson politique, on en a bissé bien d’autres. Il y a vraiment de jolis détails, de la verve, de l’entrain et une certaine habileté de facture dans le duo bouffe que chantent La Rivaudière et Ange Pitou. Un morceau d’ensemble où l’on entend gron­der sourdement les voix menaçantes des hommes de police termine le premier acte.

Citons, dans l’acte suivant, le chœur des merveilleuses, les couplets de Mllc Lange :

Les soldats d’Augereau sont des hommes ;

la romance de Pomponnet, bien accom­pagnée, un charmant duo entre Mlle Lange et Mlle Angot, heureux mélange de souve­nirs de jeunesse et de vives apostrophes empruntées au catéchisme poissard, et la valse finale, valse entraînante qui, suivant une heureuse expression d’un de mes con­frères, fait tourner les conspirateurs roya­listes avec les hussards républicains.

L’orchestre joue, pendant l’entr’acte, une fricassée que tout le monde eût certainement applaudie si tout le monde l’eût en­tendue. Cette danse, d’un rhythme nette­ment accusé et dont la mélodie a bien la couleur et le caractère de l’époque, est une des jolies pages de la partition. Après les couplets de Mlle Angot, qui ont électrisé l’auditoire, La Rivaudière et Pomponnet, déguisés en forts de la halle, chantent un duo qui commence mieux qu’il ne finit. Ajoutez à cela un trio, un duo et les couplets de la dispute entre Clairette et Mlle Lange, ajoutez-y encore toute la scène finale, la réconciliation et le mariage, et vous verrez s’il était possible d’analyser avec plus de soin que je ne l’ai fait la par­tition de Lecocq. Encore quelques suc­cès comme celui-ci et M. Lecocq pourra marcher l’égal du maître qu’il n’est pas be­soin de nommer.

Clairette Angot (Paola Marié) est la fille de M. Marié de l’Isle, ancien pension­naire de l’Opéra, professeur de chant et auteur d’un ouvrage ayant pour titre : For­mation de la voixFormation de la voixFormation de la voix, vocalises et exercices de prononciation par Claude-Marie-Mécène Marié de l’Isle, Au Ménestrel, Paris : 1873.Lire la suite… ou Méthode nouvelle pour la formation des voix, suivie d’une série de vocalises. Dans cet ouvrage, que recom­mande au public la longue expérience de l’auteur, M. Marié donne d’excellens con­seils pour arriver à une bonne articulation et pour combattre le blèsement ou zézaie­ment. Il indique aussi la manière d’établir les bases de la tessiture et recommande l’immobilité des épaules, afin que la respi­ration soit diaphragmatique ou costale. « Autrement dit, il faut que, chez les hom­mes, elle se forme par le ventre et chez les femmes par les côtes, en se rapprochant le plus possible de respiration prise à l’état de sommeil. » Si l’on chante en levant les épaules, le moindre inconvénient de cette manière de respirer est, suivant M. Marié, de chanter faux ou trop haut.

M. Marié consacre un chapitre de quel­ques lignes à la gymnastique des pou­mons, un chapitre un peu plus long à la différence des registres qui composent la voix humaine, et se permet de donner des conseils aux professeurs réformateurs que, sans plus de façon, il traite de charlatans. Il cite l’exemple d’un de ces prétendus ré­formateurs « qui faisait coucher un élève parterre, étendu sur le dos qui s’asseyait sur la poitrine du patient, et dans cette po­sition peu agréable (pour l’élève sans doute) l’invitait gracieusement à lui chanter un air ! » M. Marié avoue qu’il ne s’est jamais permis, en ce qui touche à la gym­nastique de l’enseignement, qu’un seul genre d’excentricité. « On n’ignore pas, dit-il, que le chanteur le plus habile n’est plus rien s’il manque d’aplomb et d’assurance ; sa respiration est écourtée, ses phrases sont maigres, étriquées, et les sons sont soutenus ressemblent à des trilles ou à des tremblemens. Or, pour réformer cet immense dé­faut, voilà mon moyen : pendant une mi­nute seulement, je fais courir l’élève avant de chanter ; aussitôt arrivé, je lui fais dire d’abord des chants syllabiques ou de pe­tites phrases ; puis, peu à peu, j’augmente sa course, même je le fais grimper un es­calier quatre à quatre, et lorsqu’en persé­vérant je suis parvenu à lui faire filer un son dans cet état d’essoufflement, l’élève est convaincu que l’effet de sa timidité dis­paraît devant le public ; cette certitude lui fait acquérir une confiance qui, par la suite, anéantit la peur. »

On ne sait ce qu’il faut admirer le plus, de la conviction de l’élève ou du moyen imaginé par le professeur.

Pendant sa longue carrière d’artiste, qui embrasse un espace de quarante années, M. Marié a professé et chanté dans quatre voix différentes. A l’âge de neuf ans, il était professeur ou moniteur à l’école de Choron ; un peu plus tard, il chantait aux Italiens le rôle d’Adolfo dans la CamilleFille de Madame Angot, LaLa Fille de Madame Angot, opéra-bouffe en trois actes sur un livret de Clairville pseudonyme de Louis-François Nicolaïe, Paul Siraudin et Victor Koenig mis en musique par Charles Lecocq et créé au Théâtre des Fantaisies-Parisiennes à Bruxelles le 4 décembre 1872. La première parisienne eutLire la suite… de Paër ; puis devenait, toujours en qualité de soprano, l’un des solistes les plus remar­qués aux soirées musicales de la duchesse de Berry.

Enfin, il devint homme et chanta succes­sivement en France et en Italie les basses profondes, les barytons et les ténors. Après quoi, M. Marié n’avait plus qu’à hausser sa voix d’une octave. Mais c’eût été revenir au point de départ. Il fit donc bien de ne pas pousser l’expérience plus loin et de s’en tenir à sa quatrième, et dernière transformation.

M. le docteur MandlMandl, LouisLouis Mandl (Pest/Hongrie, 14 novembre 1812 – Paris, 5 juillet 1881), médecin. Docteur et membre de la Faculté de médecine de Pest (Hongrie), il était le correspondant de l’Académie royale des sciences de Naples, de la Société royale impériale de médecine de Vienne, et des Sociétés phLire la suite…, spécialiste distin­gué, bien connu des artistes qui fréquen­tent tour à tour ses salons et son cabinet, m’a fait hommage de son Traité pratique des maladies du larynx et du pharynx.Traité pratique des maladies du larynx et du pharynxTraité pratique des maladies du larynx et du pharynx par le Dr. Louis Mandl, J.-B. Ballière et fils, Paris : 1872.Lire la suite…

« Les maladies des voies respiratoires, dit le savant docteur, ont été depuis long­temps déjà le sujet de prédilection de mes études physiologiques et thérapeutiques. D’abord, dans un Mémoire sur la structure des poumons (1846), j’ai examiné le terrain sur lequel se passent les phénomènes pa­thologiques. Ensuite, j’ai fixé mon attention sur la structure des tubercules (1854), com­battant la spécificité des élémens que l’on disait caractéristiques pour le tubercule, et signalant leur présence dans d’autres pro­duits pathologiques ; cette opinion, d’abord vivement contestée, est adoptée actuelle­ment par un grand nombre des pathologis­tes qui appellent aujourd’hui dégénéres­cence caseuse ce qui précisément fut la tu­berculisation….En publiant cet ouvrage, dont la rédaction a été interrompue par de tristes événemens, et qui est le résumé de plus de vingt années consacrées à la pra­tique et à l’enseignement des affections pharyngo-laryngées, je n’ai d’autre prétention que de jeter des jalons pour l’étude plus approfondie d’une classe de maladies dont le diagnostic est resté si longtemps obscur. Les idées que je professe expri­ment des convictions fondées sur l’obser­vation. »

La troisième partie du livre, traitant des principes d’acoustique, de la production et du caractère du son, des instrumens de musique, de la respiration, de la phonation et de la digestion , intéressera particulièrement les artistes. L’ouvrage du docteur Maudl est orné de dessins coloriés en rouge et reproduisant les différentes affections du larynx, cancers, granulations et tuméfications [tuméfactions] des amygdales dont la vue seule vous donne le frisson.

C’est grâce à la notoriété qu’il s’est ac­quise et au livre qu’il vient de publier que M. le docteur MandlMandl, LouisLouis Mandl (Pest/Hongrie, 14 novembre 1812 – Paris, 5 juillet 1881), médecin. Docteur et membre de la Faculté de médecine de Pest (Hongrie), il était le correspondant de l’Académie royale des sciences de Naples, de la Société royale impériale de médecine de Vienne, et des Sociétés phLire la suite… doit sans doute d’a­voir été chargé tout récemment par le mi­nistre des beaux-arts de faire au Conserva­toire une série de conférences sur l’hy­giène de la voix au point de vue du chan­teur et du comédien.

J’ai vu avec plaisir, pour ce qui est relatif à la respiration et aux types respiratoires, que M. le docteur MandlMandl, LouisLouis Mandl (Pest/Hongrie, 14 novembre 1812 – Paris, 5 juillet 1881), médecin. Docteur et membre de la Faculté de médecine de Pest (Hongrie), il était le correspondant de l’Académie royale des sciences de Naples, de la Société royale impériale de médecine de Vienne, et des Sociétés phLire la suite… et M. Marié sont parfaitement d’accord.

M. Hippolyte Dessirier est l’auteur d’une nouvelle méthode de musique vocale basée sur l’analogie que présentent entre eux les élémens radicaux qui constituent la peinture et ceux qui constituent la musique, sur l’analogie existant entre la gamme des sons et la gamme des couleurs.

M. DessirierDessirier, Jean-Baptiste-HippolyteJean-Baptiste-Hippolyte Dessirier (Mayence/Allemagne, 4 novembre 1808 – Villemomble/Seine-Saint-Denis, 17 février 1878), professeur de solfège. Il fut chargé d’un cours de solfège au Conservatoire de Paris le 25 octobre 1872 et y fut répétiteur de solfège. Il démissionna en septembre 1876.Lire la suite…, qui, je crois, vient d’être pourvu d’une classe d’enseignement au Conservatoire, constate ce fait « curieux et neuf » que toute personne ayant une oreille juste peut solfier et écrire des sons sous la dictée, sans aucune étude préalable. Je regrette que le défaut d’espace m’empê­che de m’étendre aussi longuement que je l’aurais souhaité sur la nouvelle méthode de M. Hippolyte Dessirier.

Et maintenant, qu’il me soit permis de combler une lacune de mon dernier feuil­leton. J’ai parlé de M. Monjauze, j’ai parlé de Mlle Daram, les principaux interprètes de la Fanchonnette, et n’ai rien dit, abso­lument rien, de M. AurèleAurèle, Adrien Dupin ditAdrien Dupin dit Aurèle (? – ?), acteur et chansonnier. Il jouait à Rochefort en 1858 et fut engagé au Théâtre Montparnasse puis au Théâtre du Luxembourg. En 1861, il fut au Théâtre des Variétés ou il parut dans Paris quand il pleut (Clairville et Moinaux, 1861), dans une parodie du TannhLire la suite…, qui joue dans l’opéra de Clapisson le rôle de Candide. M. AurèleAurèle, Adrien Dupin ditAdrien Dupin dit Aurèle (? – ?), acteur et chansonnier. Il jouait à Rochefort en 1858 et fut engagé au Théâtre Montparnasse puis au Théâtre du Luxembourg. En 1861, il fut au Théâtre des Variétés ou il parut dans Paris quand il pleut (Clairville et Moinaux, 1861), dans une parodie du TannhLire la suite… m’avait pourtant écrit une lettre pleine de modestie pour me demander de ne point l’oublier. Peut-être M. AurèleAurèle, Adrien Dupin ditAdrien Dupin dit Aurèle (? – ?), acteur et chansonnier. Il jouait à Rochefort en 1858 et fut engagé au Théâtre Montparnasse puis au Théâtre du Luxembourg. En 1861, il fut au Théâtre des Variétés ou il parut dans Paris quand il pleut (Clairville et Moinaux, 1861), dans une parodie du TannhLire la suite… a-t-il une fort jolie voix ; mais dans le rôle de Candide, qui est un simple rôle de comé­die, il n’a pas une note à chanter. Il ne faut pas vous plaindre de cela, mon cher Mon­sieur, au contraire.

E. Reyer.

P. S. Je publierai prochainement, sui­vant une habitude déjà ancienne et à la­quelle je n’ai pas l’intention de renoncer, un feuilleton spécial sur les concerts de la saison.

E.R.