Le Journal des Débats, 20 octobre 1869 (article signé E. Reyer).

FEUILLETON DU JOURNAL DES DEBATS

DU  20 OCTOBRE 1869.

REVUE MUSICALE.

Société des Concerts de l’Opéra.

Les affiches portent ce titre, mais il est bien probable qu’elles ne pourront le garder. M. PasdeloupPasdeloup, Jules-EtienneJules-Étienne Pasdeloup (Paris, 15 septembre 1819 – Fontainebleau, 13 août 1887), pianiste et chef d’orchestre. Il étudia au Conservatoire de Paris où il obtint les premiers prix de solfège en 1832 et de piano en 1834. En 1841, il devint répétiteur de solfège au Conservatoire, puis répÃLire la suite…, lui aussi, voulut le prendre lorsqu’il eut l’heureuse pensée de fonder les Concerts populaires ; la Société des Concerts du Conservatoire le lui défendit, attendu qu’il ne peut y avoir de Société des Concerts que la Société des Concerts du Conservatoire. On comprend, à la rigueur, que deux théâtres ne peuvent jouer en même temps une pièce qui porte le même titre, la pièce jouée ici différât-elle essentiellement de la pièce jouée là-bas ; mais quand il y aurait deux Sociétés des Concerts, l’une à la rue Bergère, l’autre au boulevard du Temple, quand il y en aurait une troisième à la rue Le Peletier, et même une quatrième à l’Athénée où l’on n’exécuterait que de la musique italienne exclusivement, je ne vois pas quel tort ces différentes Sociétés, par une communauté d’enseignes, pourraient se faire mutuellement, et je ne saisis pas davantage comment il serait possible de les confondre. Celle-ci est un reliquaire ; celle-là demande volontiers le mot d’ordre à Lucerne ou à Munich ; il s’en établit une troisième qui, tout en se retournant respectueusement vers le passé, veut aussi regarder en avant et dans toutes les directions, qui n’aura point de parti pris, point de préférences systématiques, qui n’hésitera pas à nous faire entendre tout entier un oratorio de HaendelHandel, Georges FredericGeorge Frideric Haendel (Halle, 23 février 1685 – Londres, 14 avril 1759), compositeur. Il étudia la composition avec Friedrich Wilhelm Zachow, organiste à Halle. En 1703, il accepta le poste de violoniste dans l’orchestre de Hambourg. C’est là qu’il composa son premier opéra, Almira (1Lire la suite… ou de MendelssohnMendelssohn, FelixJacob-Ludwig-Felix Mendelssohn-Bartholdy (Hambourg, 3 février 1809 – Leipzig, 4 novembre 1847), compositeur. Il étudia la composition avec Zelter et le piano avec Berger et se lia d’amitié avec Goethe. Enfant surdoué, ses premières compositions datent de 1819 et à douze ans il avait déjà cLire la suite…, et tout entière une symphonie dramatique de Berlioz Berlioz, Louis-HectorLouis-Hector Berlioz (La Côte Saint-André, 11 décembre 1803 – Paris, 8 mars 1869), compositeur. Il étudia au Conservatoire de Paris avec Lesueur et obtint le 1er Prix de Rome en 1830. La même année, il composa sa Symphonie fantastique. De retour de Rome, il composa Lelio ou le Retour à la vLire la suite…; eh bien ! encore une fois, est-il possible que le dilettante, que l’amateur, si peu intelligent qu’on le suppose, se trompe de route ? Chaque Société est établie dans un local différent, chacune ajoute à son titre principal une désignation bien catégorique, bien personnelle et bien suffisante pour éviter toute confusion, c’est tout au plus si l’une ou l’autre pourrait se permettre d’imiter ces boutiquiers qui avertissent le public de ne pas confondre leur établissement avec le magasin d’en face ou la boutique d’à côté. Mais, il faut bien le dire, ce n’est pas la confusion que l’on redoute, c’est la concurrence. Pourtant la concurrence a du bon, et, au lieu de chercher à l’empêcher par tous les moyens possibles, par les grands et les petits moyens, mieux vaudrait, au contraire, lui laisser le champ libre et même la favoriser pour bien laisser voir qu’on ne la redoute pas. Ainsi admettez que les Concerts populaires se fussent appelés : Société des Concerts populaires, auraient-ils fait plus de mal à la Société des Concerts du Conservatoire ? Vraiment, c’était écouter de vaines alarmes que de traiter en Société rivale cette nouvelle Société qui se fondait avec des élémens bien jeunes alors et bien inexpérimentés. Il eût fallu, au contraire, lui tendre la main et lui dire : Si notre titre peut vous être bon à quelque chose, prenez-le. Tous les abonnés que nous refusons parce que nous sommes logés très à l’étroit iront chez vous qui êtes logés très grandement, et cela ne les empêchera pas de nous revenir aussitôt qu’ils en trouveront l’occasion. On prétend qu’il y a singulièrement à glaner dans les champs que nous nous sommes interdit d’explorer ; mais nous avons nos colonnes d’Hercule et nous ne voulons pas aller au-delà. Libre à vous de parcourir des pays nouveaux, et tant mieux pour vous si vous y découvrez des contrées fertiles ! En France, où l’art élevé n’est apprécié que par un très petit nombre, on ne saurait trop faire pour encourager ceux qui se donnent la mission très périlleuse de le propager. Nous avons réussi, tâchez de réussir à votre tour, et si par hasard vous arriviez un jour à faire non pas mieux que nous, cela n’est guère possible, mais aussi bien que nous, vous nous auriez rendu le service de piquer notre amour-propre et de stimuler notre zèle. Peut-être ce jour-là nous débarrasserions-nous de nos bandelettes et voudrions-nous, nous aussi, marcher comme vous marchez vous-mêmes. — Voilà le langage que les membres du comité de la Société des Concerts du Conservatoire auraient dû tenir à M. PasdeloupPasdeloup, Jules-EtienneJules-Étienne Pasdeloup (Paris, 15 septembre 1819 – Fontainebleau, 13 août 1887), pianiste et chef d’orchestre. Il étudia au Conservatoire de Paris où il obtint les premiers prix de solfège en 1832 et de piano en 1834. En 1841, il devint répétiteur de solfège au Conservatoire, puis répÃLire la suite…, qui est lui-même un comité en une seule personne ; voilà ce qu’elle devait dire à M. Henry LitolffLitolff, HenriHenry Charles Litolff (Londres, 6 février 1818 – Bois-Colombes, 6 août 1891), pianiste et compositeur. Après des études de piano avec Ignaz Moscheles entre 1830 et 1835, il voyagea en Europe (Paris, Bruxelles, Varsovie, Dresde, Leipzig et Berlin). En 1849, il devint citoyen de Brunswick et épLire la suite…, qui ne s’est pas douté, lorsqu’il a intitulé ses concerts : Société des Concerts de l’Opéra, qu’il allait avoir maille à partir avec la Société de la rue Bergère. Mais pourquoi persister, puisqu’une légère concession suffira pour arranger bien des choses ? Par exemple, un article des statuts de la Société du Conservatoire défend à ses membres de faire partie d’aucune autre Société de concerts. Si LitolffLitolff, HenriHenry Charles Litolff (Londres, 6 février 1818 – Bois-Colombes, 6 août 1891), pianiste et compositeur. Après des études de piano avec Ignaz Moscheles entre 1830 et 1835, il voyagea en Europe (Paris, Bruxelles, Varsovie, Dresde, Leipzig et Berlin). En 1849, il devint citoyen de Brunswick et épLire la suite… a pensé un instant qu’il pourrait réunir sous son bâton de commandement l’orchestre de l’Opéra tout entier, voilà un article qui a dû singulièrement déranger ses combinaisons, la majeure partie des excellens artistes de cet orchestre étant en même temps membres de la Société du Conservatoire. Mais que LitolffLitolff, HenriHenry Charles Litolff (Londres, 6 février 1818 – Bois-Colombes, 6 août 1891), pianiste et compositeur. Après des études de piano avec Ignaz Moscheles entre 1830 et 1835, il voyagea en Europe (Paris, Bruxelles, Varsovie, Dresde, Leipzig et Berlin). En 1849, il devint citoyen de Brunswick et épLire la suite…, au lieu d’annoncer qu’il est à la tête d’une Société symphonique, fasse tout simplement afficher : « Concert, grand concert, grand festival à l’Opéra, sous la direction d’Henry Litolff », ce concert dût-il être suivi de plusieurs autres, l’article ci-dessus ne peut plus, en aucune façon, enchaîner la liberté des artistes de la Société du Conservatoire et de l’orchestre de l’Opéra qui voudront prêter leur concours à l’œuvre d’Henry LitolffLitolff, HenriHenry Charles Litolff (Londres, 6 février 1818 – Bois-Colombes, 6 août 1891), pianiste et compositeur. Après des études de piano avec Ignaz Moscheles entre 1830 et 1835, il voyagea en Europe (Paris, Bruxelles, Varsovie, Dresde, Leipzig et Berlin). En 1849, il devint citoyen de Brunswick et épLire la suite…. Quant à la Société des Concerts populaires (que le comité de la rue Berbère veuille bien me passer cette formule), je ne sais pas si elle a des statuts et si elle est soumise à d’autre règlement qu’à la volonté de M. PasdeloupPasdeloup, Jules-EtienneJules-Étienne Pasdeloup (Paris, 15 septembre 1819 – Fontainebleau, 13 août 1887), pianiste et chef d’orchestre. Il étudia au Conservatoire de Paris où il obtint les premiers prix de solfège en 1832 et de piano en 1834. En 1841, il devint répétiteur de solfège au Conservatoire, puis répÃLire la suite…, un chef autocratique s’il en fût ; mais, ce qu’il y a de certain, et je puis en fournir la preuve, c’est que tout musicien attaché à l’orchestre de M. PasdeloupPasdeloup, Jules-EtienneJules-Étienne Pasdeloup (Paris, 15 septembre 1819 – Fontainebleau, 13 août 1887), pianiste et chef d’orchestre. Il étudia au Conservatoire de Paris où il obtint les premiers prix de solfège en 1832 et de piano en 1834. En 1841, il devint répétiteur de solfège au Conservatoire, puis répÃLire la suite… sera considéré comme démissionnaire s’il signe un engagement quelconque, même temporaire, avec M. LitolffLitolff, HenriHenry Charles Litolff (Londres, 6 février 1818 – Bois-Colombes, 6 août 1891), pianiste et compositeur. Après des études de piano avec Ignaz Moscheles entre 1830 et 1835, il voyagea en Europe (Paris, Bruxelles, Varsovie, Dresde, Leipzig et Berlin). En 1849, il devint citoyen de Brunswick et épLire la suite…. On peut toujours user d’un droit, même lorsqu’il est rigoureux ; mais il nous est bien permis de dire, sans que cette réflexion s’applique particulièrement aux artistes engagés et dirigés par M. PasdeloupPasdeloup, Jules-EtienneJules-Étienne Pasdeloup (Paris, 15 septembre 1819 – Fontainebleau, 13 août 1887), pianiste et chef d’orchestre. Il étudia au Conservatoire de Paris où il obtint les premiers prix de solfège en 1832 et de piano en 1834. En 1841, il devint répétiteur de solfège au Conservatoire, puis répÃLire la suite…, que les musiciens d’orchestre sont en général si peu rétribués, qu’on devrait y regarder à deux fois avant de les faire passer sous de pareilles fourches caudines. Ce n’est pas de l’arbitraire, puisque les artistes sont libres d’accepter les conditions qu’on leur impose ou de les refuser ; mais c’est au moins une atteinte portée à la liberté individuelle, et de là à défendre à ces mêmes artistes de donner des leçons ou de prêter leur concours à d’autres artistes, il n’y a qu’un pas. Il faut huit ou dix ans pour faire un bon exécutant, c’est-à-dire pour être capable d’aspirer à occuper un emploi dans un orchestre de quelque renom. Quand l’emploi est vacant, on l’obtient rarement par faveur, et presque toujours au concours. Cet emploi donne-t-il de quoi vivre ? Non….   Si cette raison-là n’est pas péremptoire, je n’en connais pas de meilleure pour qu’on laisse aux musiciens d’orchestre la plus grande liberté de pourvoir à leurs besoins, à leur existence et quelquefois à celle de leur famille. Un ouvrier qui a travaillé tout le jour dans une fabrique est libre de travailler toute la nuit ailleurs si bon lui semble, et il n’a à consulter pour cela que la mesure de ses forces. Dieu me garde de vouloir faire de la démocratie sociale, mais je vois traiter si souvent des ouvriers comme des artistes, qu’il me semble assez naturel de demander qu’à l’occasion certains artistes soient traités comme des ouvriers. Mon voisin SarceySarcey, François dit FrancisqueFrançois dit Francisque Sarcey (Dourdan/Essonne, 8 octobre 1827 – Paris, 16 mai 1899), journaliste et critique dramatique. Il étudia au Lycée Charlemagne, où il se lia d’amitié avec son condisciple Edmond About. En 1848, il entra à l’École normale supérieure. À sa sortie en 1851, il dLire la suite… s’est ému dernièrement, — et son émotion, étant sincère, a été généralement partagée, — de la triste situation d’une catégorie d’employés. C’est un peu partout la même chose : les petits, qui sont les plus mal rétribués, sont cependant quelquefois les plus habiles et les plus utiles ; aussi ne voient-ils pas sans amertume et sans envie les médiocrités grassement appointées qui planent au-dessus d’eux. Les musiciens d’orchestre n’ont qu’à regarder de l’autre côté de la rampe pour jouir du même spectacle. Ce serait bien ici le cas d’écrire, si j’en étais capable, un éloquent plaidoyer en faveur des musiciens d’orchestre dont les mieux rétribués, ceux qu’on appelle des chefs de pupitre, touchent à peu près les appointemens d’un coryphée. Mais, après avoir lu toutes les excellentes choses qui ont été écrites sur ce sujet, et notamment par BerliozBerlioz, Louis-HectorLouis-Hector Berlioz (La Côte Saint-André, 11 décembre 1803 – Paris, 8 mars 1869), compositeur. Il étudia au Conservatoire de Paris avec Lesueur et obtint le 1er Prix de Rome en 1830. La même année, il composa sa Symphonie fantastique. De retour de Rome, il composa Lelio ou le Retour à la vLire la suite…, j’ai pu me convaincre que, s’il reste encore quelques argumens à faire valoir, ils ne sauraient avoir plus de succès que ceux dont l’illustre maître s’est déjà servi. On ne songe pas encore à améliorer la position des musiciens d’orchestre, pas plus que celle des compositeurs qui reviennent de Rome, et on n’y songera pas de sitôt. Comme le public parisien ne se rend pas un compte toujours bien exact de la différence qui existe entre un bon orchestre et un orchestre médiocre, un directeur hésitera rarement à remplacer des artistes distingués, dont les prétentions lui paraissent exorbitantes, par des artistes de second ordre avec lesquels il est beaucoup plus facile de s’entendre, parce qu’il sait très bien que peu de gens s’apercevront de la substitution. C’est cependant ainsi que s’en est allée la bonne renommée de l’orchestre de tel théâtre subventionné. Personne ne supposera que je veuille faire allusion à l’orchestre du Théâtre-Français. Ah ! pour ce qui est des virtuoses du chant, c’est une autre affaire. Tout l’intérêt du public, toute la sollicitude des directeurs se concentrent sur eux aujourd’hui, à tel point que si l’orchestre de l’Opéra, par exemple, donnait sa démission en masse, cela serait considéré comme un événement d’une importance secondaire, tandis que la retraite d’un premier sujet semblerait mettre la fortune du théâtre en grand péril. Mais l’orchestre de l’Opéra ne songe nullement à donner sa démission, et s’il fut un temps de discorde où, pour exprimer son mécontentement, il jouait toute une partition en sourdine, ce temps est déjà loin, et le vaillant orchestre, le premier orchestre du monde (ainsi disait MeyerbeerMeyerbeer, GiacomoJakob Liebmann Meyer Beer dit Giacomo Meyerbeer (Vogelsdorf, 5 septembre 1791 – Paris, 2 mai 1864), compositeur. Il étudia la composition avec Zelter puis l’abbé Vogler et le piano avec Franz Lauska. Bien que considéré par Moscheles comme un des plus grands pianistes de son temps, Meyerbeer abLire la suite…), revenu au sentiment des nuances, a retrouvé ses élans vigoureux et ses magnifiques sonorités. Mais plus j’admire l’orchestre de l’Opéra, et plus je regretterais qu’il ne pût prêter son concours, à l’entreprise de mon ami LitolffLitolff, HenriHenry Charles Litolff (Londres, 6 février 1818 – Bois-Colombes, 6 août 1891), pianiste et compositeur. Après des études de piano avec Ignaz Moscheles entre 1830 et 1835, il voyagea en Europe (Paris, Bruxelles, Varsovie, Dresde, Leipzig et Berlin). En 1849, il devint citoyen de Brunswick et épLire la suite…, un grand musicien, un chef d’une habileté reconnue, pour lequel il doit avoir évidemment beaucoup de sympathie. Je ne m’explique guère que les concerts soient donnés à l’Opéra sans le concours des artistes de l’Opéra. Et cependant il paraît que LitolffLitolff, HenriHenry Charles Litolff (Londres, 6 février 1818 – Bois-Colombes, 6 août 1891), pianiste et compositeur. Après des études de piano avec Ignaz Moscheles entre 1830 et 1835, il voyagea en Europe (Paris, Bruxelles, Varsovie, Dresde, Leipzig et Berlin). En 1849, il devint citoyen de Brunswick et épLire la suite… ne doit pas plus compter sur les artistes de l’orchestre que sur les artistes des chÅ“urs. Ces derniers ont-ils donc, eux aussi, fait serment de fidélité à la Société des Concerts du Conservatoire, à la seule et unique Société des Concerts ? Parbleu, a dit LitolffLitolff, HenriHenry Charles Litolff (Londres, 6 février 1818 – Bois-Colombes, 6 août 1891), pianiste et compositeur. Après des études de piano avec Ignaz Moscheles entre 1830 et 1835, il voyagea en Europe (Paris, Bruxelles, Varsovie, Dresde, Leipzig et Berlin). En 1849, il devint citoyen de Brunswick et épLire la suite…, si les musiciens me manquent à Paris, j’en ferai venir de Belgique. Certes de ce pays-là il peut en venir beaucoup et des meilleurs, mais on ne vient pas de Bruxelles comme on vient de Saint-Cloud ou de Pontoise, et si le mot qu’on prête à LitolffLitolff, HenriHenry Charles Litolff (Londres, 6 février 1818 – Bois-Colombes, 6 août 1891), pianiste et compositeur. Après des études de piano avec Ignaz Moscheles entre 1830 et 1835, il voyagea en Europe (Paris, Bruxelles, Varsovie, Dresde, Leipzig et Berlin). En 1849, il devint citoyen de Brunswick et épLire la suite… est vrai, c’est là une simple boutade qu’on aurait tort de prendre au sérieux. Non, je le répète, quels que soient les concessions ou les sacrifices à faire, et peut-être, comme je l’ai déjà dit, n’y a-t-il qu’un titre à modifier, il ne faut pas que des concerts aient lieu à l’Opéra sans le concours des artistes de l’Opéra. On se passerait, à la rigueur, des virtuoses de la scène, mais on ne saurait se passer des artistes de l’orchestre (parmi lesquels il est aussi des virtuoses), ni des artistes des chÅ“urs. Malheureusement en cette circonstance on ne peut guère compter ni sur l’intervention ni sur l’influence du directeur. Si M. Emile PerrinPerrin, EmileÉmile Perrin (Rouen, 8 janvier 1814 – Paris, 8 octobre 1885), directeur. Il étudia la peinture avec le baron Antoine-Jean Gros et Paul Delaroche et exposa au Salon régulièrement de 1841 à 1848 tout en écrivant des critiques d’art dans les journaux. Le 1er Mai 1848 il succéda à Alexandre Lire la suite… n’est point étranger à l’affaire, il n’y est pas non plus directement intéressé. On lui a demandé sa salle pour y donner des concerts de quinzaine en quinzaine le dimanche soir, et il l’a cédée à des conditions assez douces pour qu’on ne pût douter de son bon vouloir ; mais voilà tout. Et, en cédant sa salle, il n’a cédé ni son orchestre ni ses chÅ“urs, attendu qu’il ne peut en disposer selon son bon plaisir, comme un prince allemand dispose de sa chapelle. C’est donc à l’orchestre et aux chÅ“urs que LitolffLitolff, HenriHenry Charles Litolff (Londres, 6 février 1818 – Bois-Colombes, 6 août 1891), pianiste et compositeur. Après des études de piano avec Ignaz Moscheles entre 1830 et 1835, il voyagea en Europe (Paris, Bruxelles, Varsovie, Dresde, Leipzig et Berlin). En 1849, il devint citoyen de Brunswick et épLire la suite…, chargé de grouper les musiciens, a dû s’adresser en son nom et au nom de ceux qui, ayant la clef de l’entreprise, sont chargés de grouper les chiffres. Ah ! c’est que les chiffres jouent un rôle important dans cette affaire, comme dans toutes les affaires du même genre. L’art ne vient qu’en seconde ligne. Allez, donc dire à des choristes et même à des instrumentistes : Vous pouvez nous aider à fonder des concerts qui n’auront pas leurs pareils dans le monde entier, qui dépasseront même en splendeur et en recettes les concerts de l’Exposition universelle, et nous y exécuterons de si belles choses et avec vous l’exécution sera si admirable qu’on en parlera encore dans les siècles futurs. « Eh bien, répondront-ils d’un commun accord, qu’on nous paie d’abord ou qu’on n’en parle pas. » Ainsi a-t-on fait ; on a abordé la question d’argent tout de suite. Quelle misère ! Vous entendrez dire, au jour des révélations, que les frais de cette entreprise ont été très considérables. Cent musiciens d’orchestre ! cent choristes , les coryphées et les solistes, et le droit des pauvres, et le droit HeinrichHenrichs, Paul OlivierPaul Oliver Henrichs (Paris, 12 juin 1804 – Paris, 21 janvier 1862), ancien fonctionnaire du Ministère de la Marine, Chevalier de la Légion d’honneur, il devint le premier agent général de la Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique (SACEM) en 1851.Lire la suite… [Henrichs]Henrichs, Paul OlivierPaul Oliver Henrichs (Paris, 12 juin 1804 – Paris, 21 janvier 1862), ancien fonctionnaire du Ministère de la Marine, Chevalier de la Légion d’honneur, il devint le premier agent général de la Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique (SACEM) en 1851.Lire la suite… qui est aujourd’hui le droit RollotRollot, Leopold [dit Paul]Léopold Rollot ( Vitry-le-Francois/Marne, 17 octobre 1816 – Ivry-sur-Seine/Val-de-Marne, avant le 22 avril 1892), administrateur. Il épousa Marie-Veronique-Athanais Dore le 14 septembre 1854 à Montmartre. Il fut l’agent général de la SACEM de 1862 à 1880. En 1880, le syndicat de la SACEM lLire la suite… , sur lequel les musiciens touchent un petit tiers, et les affiches, et les quinquets, et le lustre, et les chevaliers du lustre, et les annonces, et les réclames, et les représentans de la force publique au dedans et au dehors, et l’estrade qu’ il faut édifier et démolir ensuite, et les frais de location des instrumens et des pupitres supplémentaires, et le reste ! Les prix des places étant maintenus au taux ordinaire, on peut faire assurément de très belles recettes ; mais nous sommes à Paris et non point à Saint-Pétersbourg, à Leipzig ou à Vienne, et il serait téméraire à celui qui a un peu l’expérience de ces sortes de choses d’affirmer qu’un concert réussira parce qu’il sera donné dans une belle salle bien éclairée, par des musiciens excellens, dirigés par un chef très renommé, et qu’on y exécutera des chefs-d’œuvre. Et même, si l’on veut savoir quels bénéfices procure un concert qui réussit, écoutons le récit que fait BerliozBerlioz, Louis-HectorLouis-Hector Berlioz (La Côte Saint-André, 11 décembre 1803 – Paris, 8 mars 1869), compositeur. Il étudia au Conservatoire de Paris avec Lesueur et obtint le 1er Prix de Rome en 1830. La même année, il composa sa Symphonie fantastique. De retour de Rome, il composa Lelio ou le Retour à la vLire la suite…, dans ses Mémoires, du grand festival qu’il organisa à ses risques et périls, et dirigea lui-même, en 1844, dans le palais de l’Exposition : « .. .. Néanmoins (cela dit assez qu’il y avait eu au préalable de grands obstacles à surmonter) je me tenais pour satisfait de pouvoir organiser et diriger un concert gigantesque, et je bornais mes vÅ“ux à réussir musicalement dans l’entreprise, sans y perdre tout ce que je possédais. (BerliozBerlioz, Louis-HectorLouis-Hector Berlioz (La Côte Saint-André, 11 décembre 1803 – Paris, 8 mars 1869), compositeur. Il étudia au Conservatoire de Paris avec Lesueur et obtint le 1er Prix de Rome en 1830. La même année, il composa sa Symphonie fantastique. De retour de Rome, il composa Lelio ou le Retour à la vLire la suite… était encore bien heureux d’avoir cette chance à courir.)

« Mon plan fut bientôt tracé… J’engageai à peu près tout ce qui à Paris avait quelque valeur comme choriste et comme instrumentiste, et je parvins à réunir un personnel de mille vingt-deux exécutans. Tous étaient payés, à l’exception des chanteurs (non choristes) de nos théâtres lyriques. J’avais fait un appel à ceux-ci dans une lettre où je les priais de se joindre à mes masses chantantes, pour les guider de l’âme et de la voix. D…, Mme S… et C… Ces noms sont en toutes lettres dans les Mémoires de BerliozBerlioz, Louis-HectorLouis-Hector Berlioz (La Côte Saint-André, 11 décembre 1803 – Paris, 8 mars 1869), compositeur. Il étudia au Conservatoire de Paris avec Lesueur et obtint le 1er Prix de Rome en 1830. La même année, il composa sa Symphonie fantastique. De retour de Rome, il composa Lelio ou le Retour à la vLire la suite…. furent les seuls qui s’y refusèrent ; mais leur absence fut remarquée le jour du concert, et hautement blâmée par la presse le lendemain. Presque tous les membres de la Société des Concerts du Conservatoire crurent également devoir s’abstenir (et pourtant il ne s’agissait pas là d’entrer dans une Société rivale) et bouder encore une fois avec leur vieux général. HabeneckHabeneck, Francois-AntoineFrançois-Antoine Habeneck (Mézières, 22 janvier 1781 – Paris, 8 février 1849), violoniste, chef d’orchestre et compositeur. Son père était musicien de l’orchestre de la cour de Mannheim qui s’engagea dans la musique d’un régiment de l’armée française. François était l’ainé deLire la suite…, tout naturellement, voyait du plus mauvais Å“il cette grande solennité qu’il ne dirigeait pas….

« Pour ne pas être forcé d’élever les frais jusqu’à une somme exorbitante, je ne demandai aux artistes que deux répétitions, dont l’une aurait été partielle et l’autre générale. » Ici, quelques détails sur le mode employé par BerliozBerlioz, Louis-HectorLouis-Hector Berlioz (La Côte Saint-André, 11 décembre 1803 – Paris, 8 mars 1869), compositeur. Il étudia au Conservatoire de Paris avec Lesueur et obtint le 1er Prix de Rome en 1830. La même année, il composa sa Symphonie fantastique. De retour de Rome, il composa Lelio ou le Retour à la vLire la suite… pour faire répéter chaque groupe d’instrumentistes et de choristes séparément, en les divisant par catégorie d’instrumens et de voix. Puis il ajoute : « J’avais, on le pense bien, composé mon programme de manière qu’il ne contînt que des morceaux d’un style très large ou déjà connu des exécutans…. » Arrivons au fait, c’est-à-dire au concert : « Je vais donner le signal pour attaquer l’ouverture (celle de la VestaleVestale, LaLa Vestale, tragédie lyrique en trois actes sur un livret d’Etienne de Jouy mis en musique par Gaspare Spontini et créé à l’Opéra de Paris le 11 décembre 1807.Lire la suite…), quand un violent craquement de bois se fait entendre, accompagné d’un long hurlement.

« C’était la foule qui, brisant une barrière et armée des billets qu’elle venait d’acheter au bureau (il en avait été pris à l’avance pour la somme de 12,000 fr.), faisait invasion dans la salle en poussant des cris de joie.

« — Voyez cette inondation !  dit un musicien en me montrant la salle qui se remplissait tout d’un coup.

« — Ah !!! nous sommes sauvés ! criai-je en frappant un pupitre du plus joyeux coup de bâton que j’aie jamais donné. Nous allons faire maintenant quelque chose de beau ! »

En effet, ce fut un concert splendide ; la recette s’éleva à trente-deux mille francs.

« En sortant, dit BerliozBerlioz, Louis-HectorLouis-Hector Berlioz (La Côte Saint-André, 11 décembre 1803 – Paris, 8 mars 1869), compositeur. Il étudia au Conservatoire de Paris avec Lesueur et obtint le 1er Prix de Rome en 1830. La même année, il composa sa Symphonie fantastique. De retour de Rome, il composa Lelio ou le Retour à la vLire la suite…, j’eus la douce satisfaction de voir MM. les percepteurs du droit des hospices occupés à compter sur une vaste table le produit de ma recette ;….. ils prirent le huitième de la somme, c’est-à-dire quatre mille francs…. Après tant de peines essuyées, tant de dangers courus, un si grand labeur accompli, j’eus pour ma part un reçu de quatre mille francs de M. le percepteur du droit des hospices et un bénéfice net de huit cents francs.

« Charmant pays de liberté, où les artistes sont serfs, reçois leurs bénédictions sincères, etc. » — On verra la suite de l’apostrophe dans les Mémoires de Berlioz, aussitôt que ces Mémoires seront publiés.

Quelques années plus tard, BerliozBerlioz, Louis-HectorLouis-Hector Berlioz (La Côte Saint-André, 11 décembre 1803 – Paris, 8 mars 1869), compositeur. Il étudia au Conservatoire de Paris avec Lesueur et obtint le 1er Prix de Rome en 1830. La même année, il composa sa Symphonie fantastique. De retour de Rome, il composa Lelio ou le Retour à la vLire la suite… écrivait à son ami M. Humbert-Ferrand (les anciens lecteurs du Journal des Débats doivent s’en souvenir) : « Je retrouve notre capitale préoccupée avant tout des intérêts matériels, inattentive et indifférente à ce qui passionne les poëtes et les artistes, amoureuse du scandale et de la raillerie, riant d’un rire strident et sec aux occasions qu’elle a de satisfaire cet amour étrange ; je retrouve la puanteur de ses infernales chaudières d’asphalte, tempérée par les âcres parfums de ses mauvais cigares de la régie, ses figures ennuyées, ses visages ennuyeux, ses artistes découragés, ses hommes d’esprit fatigués, ses imbéciles fourmillant, ses théâtres exténués, affamés, mourans ou morts ; le même orgue de Barbarie vient comme autrefois, à la même heure, me jouer le même air de Barbarie ; j’entends émettre et soutenir les mêmes opinions de Barbarie, prôner les mêmes Å“uvres et les mêmes hommes de Barbarie.

« En somme, tout cela me parait former un ensemble assez triste, et d’ailleurs je ne suis pas dans une disposition d’esprit qui puisse me le montrer sous les couleurs de l’arc-en-ciel….. Je suis comme au lendemain d’une fête que m’auraient donnée les étrangers. Les grands orchestres, les grands chÅ“urs dévoués, ardens, chaleureux, que je dirigeais chaque jour avec tant de joie, me manquent ; la fatigue même de ces longues répétitions me manque ; ce beau public, si courtois, si brillant, si attentif, si enthousiaste, me manque ; ces rudes émotions des grands concerts où, en dirigeant, on parle soi-même à la foule par les mille voix de l’orchestre et des chÅ“urs, me manquent ; cette étude des impressions diverses que produisent sur un auditoire sans préventions les tentatives récentes de l’art moderne, me manque… » Tout lui manquait à ce pauvre grand artiste quand il revenait à Paris après avoir été fêté et applaudi à Saint-Pétersbourg, à Berlin, à Prague ou à Vienne. J’espère, mon cher LitolffLitolff, HenriHenry Charles Litolff (Londres, 6 février 1818 – Bois-Colombes, 6 août 1891), pianiste et compositeur. Après des études de piano avec Ignaz Moscheles entre 1830 et 1835, il voyagea en Europe (Paris, Bruxelles, Varsovie, Dresde, Leipzig et Berlin). En 1849, il devint citoyen de Brunswick et épLire la suite…, vous qui avez parcouru, comme l’illustre maître que nous avons connu et aimé l’un et l’autre, les principales capitales du monde musical, qu’à Paris tout ce que vous avez trouvé ailleurs ne vous manquera pas. Plus heureux que lui, vous allez y trouver du moins la fatigue des longues répétitions, les rudes émotions, sans parler des grands orchestres et des grands chÅ“urs dévoué qui doivent venir à vous infailliblement, car ils n’ignorent point que vous êtes un artiste de race, plein d’enthousiasme pour ce qui est beau, un musicien dans l’âme, un chef auquel ils peuvent accorder d’autant plus de confiance, que, sous le rapport de l’expérience et du savoir, aucun parmi eux n’est de taille à lui en remontrer. Et maintenant, comme le but que je me suis proposé en écrivant cet article a été de vous encourager dans une entreprise hardie, mais grande et belle, et dont le côté artistique me séduit infiniment, je veux vous dire en finissant que si le succès couronne vos efforts, je serai l’un des premiers à m’en réjouir. Au fait, pourquoi le public ne comprendrait-il pas qu’il y a plus d’intérêt et plus de profit pour lui à aller entendre un concert bien composé et bien dirigé, que d’assister à ces évolutions de rôles, très à la mode aujourd’hui, expériences quelquefois malheureuses et qui, si elles ne sont pas tout à fait inutiles, ont du moins le tort de se renouveler trop souvent ? La moindre nouveauté ferait bien mieux notre affaire.

E.REYER.