FEUILLETON DU JOURNAL DES DÉBATS

DU 29 MAI 1873.

REVUE MUSICALE.

Théâtre de l’opéra : Reprise du Frei­schütz. —Freischütz, DerDer Freischütz, opéra romantique en trois actes sur un livret de Johann Friedrich Kind, mis en musique par Carl Maria von Weber, créé au Nouveau Schauspielhaus de Berlin le 18 juin 1821.Lire la suite… Concerts du Grand-Hôtel : la Vie d’une roseVie d’une rose, LaLa Vie d’une rose. C’est le titre de la traduction française de Victor Wilder de Der Rose Pilgerfahrt (Le Pèlerinage de la Rose), Op. 112, conte de fées musical en deux parties pour solistes, chœur et orchestre sur un livret en allemand de Moritz Horn mis en musique par Robert Schumann et crLire la suite…, de Robert Schumann. — théâtre de l’opéra-comique : Le Roi l’a ditRoi l’a dit, LeLe Roi l’a dit, opéra-comique en trois actes sur un livret d’Edmond Gondinet, mis en musique par Léo Delibes et créé à l’Opéra-Comique de Paris le 24 mai 1873.Lire la suite…, opéra-comique en trois actes, poëme de M. GondinetGondinet, EdmondEdmond Gondinet (Laurière/Haute-Vienne, 7 mars 1828 – Neuilly-sur-Seine, 19 novembre 1888), auteur dramatique et librettiste. Il fit d’abord carrière dans l’administration, où il fut nommé sous-chef de bureau au ministère des Finances. Il débuta au théâtre avec un acte en vers, Trop cuLire la suite…, musique de M. DelibesDelibes, Clément-Philibert-LéoClément-Philibert-Léo Delibes (St-Germain-du-Val, 21 février 1836 – Paris, 16 janvier 1891), compositeur. Il étudia au Conservatoire de Paris, où il obtint un 1er prix de solfège en 1850. En 1853, il fut nommé organiste de l’église Saint-Pierre-de-Chaillot et accompagnateur et répétiteurLire la suite….

 

Je ne veux pas chicaner plus qu’il ne faut les artistes chargés de la nouvelle interprétation du FreischützFreischütz, DerDer Freischütz, opéra romantique en trois actes sur un livret de Johann Friedrich Kind, mis en musique par Carl Maria von Weber, créé au Nouveau Schauspielhaus de Berlin le 18 juin 1821.Lire la suite… sur quelques irrévérences qu’ils se sont permises à l’égard du chef-d’œuvre de WeberWeber, Carl Maria vonCarl Maria von Weber (Eutin, 18 novembre 1786 – Londres, 5 juin 1826), compositeur. Il étudia avec son père, puis avec Johann Peter Heuschkel, organiste à Hildburghausen où sa famille s’était établie en 1796. L’année suivante, sa famille s’installa à Salzbourg où Weber étudia avec Lire la suite…. Mlle Devriès a orné d’un trait de sa façon l’avant-dernière mesure de la prière d’Agathe ; M. GaillardGailhard, Pierre-Samson dit Pedro GaillardPierre-Samson Gailhard dit Pedro Gaillard (Toulouse, 1er août 1848 – Paris 12 octobre 1918), basse et directeur. Il étudia au Conservatoire de Paris où il obtint les 1er Prix de chant, d’opéra-comique et d’opéra en 1867. Il était élève de Louis-Bernard-Alphonse Révial, Charles-FrançoLire la suite… a chanté à la tierce supérieure, à l’unisson des premiers violons, les quatre mesures finales de la chanson de Gaspard ; M. Silva, dont la voix de ténor barytonant est lourde et peu étendue, s’est vu forcé, sans doute bien malgré lui, de transposer certaines phrases à l’octave, et enfin Mlle ArnaudArnaud, Marie-AntoinetteMarie-Antoinette Arnaud (Lyon, 7 novembre 1845 – Vincennes, 26 novembre 1905), soprano. Elle étudia le chant avec Caroline Duprez épouse Vandenheuvel et Gilbert Duprez et débuta à l’Opéra-Comique en 1865 dans la création du Saphir (Félicien David) et les reprises de Maitre Pathelin (BazinLire la suite…, pour pouvoir résister plus fa­cilement à de si douces tentations et à de si fâcheux exemples, a passé la romance et l’air d’Annette au troisième acte, cet air plein de charme et d’élégance, dans l’accompagnement duquel l’alto-solo est si heureusement employé. Mettons encore au passif de la représentation de l’Opéra la suppression de l’air de l’Ermite. Ce per­sonnage, dont l’intervention est fort néces­saire au dénoûment du drame de Frédéric Kind, et dont M. Emilien PaciniPacini, EmilienEmilien Pacini (Paris, 17 novembre 1811 – Neuilly-sur-Seine, 23 novembre 1898), traducteur et librettiste. Il fut censeur dramatique au ministère de l’Intérieur et écrira quelques livrets tels ceux de Pierre de Médicis (Poniatowski, 1860) avec Henri de Saint-Georges et d’Erostrate (Reyer, 18Lire la suite…, dans sa fidèle traduction, a respecté le saint mini­stère, est descendu au rôle d’un simple coryphée et ne chante que dans l’ensem­ble final.

Mais tout cela est peu de chose, et ceux qui ont suivi le FreischützFreischütz, DerDer Freischütz, opéra romantique en trois actes sur un livret de Johann Friedrich Kind, mis en musique par Carl Maria von Weber, créé au Nouveau Schauspielhaus de Berlin le 18 juin 1821.Lire la suite… dans ses nom­breuses interprétations et dans ses diffé­rentes transformations en ont vu bien d’au­tres. Je n’ai pas besoin de rappeler ici qu’un professeur qui eut beaucoup d’imitateurs et qui fit beaucoup d’élèves, naturellement dociles à ses conseils, a publié dans un ouvrage intitulé : Etudes pratiques de style vocalChant. Etudes pratiques de style vocalStéphen de La Madeleine : Chant. Etudes pratiques de style vocal. Paris : Joseph Albanel, 1868.Lire la suite…, une leçon sur un air du Freischütz Freischütz, DerDer Freischütz, opéra romantique en trois actes sur un livret de Johann Friedrich Kind, mis en musique par Carl Maria von Weber, créé au Nouveau Schauspielhaus de Berlin le 18 juin 1821.Lire la suite…(l’air d’Agathe) qui est un chef-d’œuvre de sottise et d’outrecuidance. Je recommande surtout aux chanteurs que cela peut inté­resser, le point d’orgue imitant le ramage du rossignol, et pour le reste je les renver­rai au feuilleton du Journal des Débats du 2 avril 1868.

Ne troublons pas le dernier sommeil d’un professeur, qui fut d’ailleurs un homme fort estimable, et qui n’est plus de ce monde ; pardonnons aussi aux artistes de l’Opéra des licences qui ne sont que pecca­dilles si on les compare aux gros péchés de leurs devanciers.

Mais par quel coup de baguette, par quel coup d’archet l’opéra romantique de We­berWeber, Carl Maria vonCarl Maria von Weber (Eutin, 18 novembre 1786 – Londres, 5 juin 1826), compositeur. Il étudia avec son père, puis avec Johann Peter Heuschkel, organiste à Hildburghausen où sa famille s’était établie en 1796. L’année suivante, sa famille s’installa à Salzbourg où Weber étudia avec Lire la suite…, opéra de demi-caractère, où la grâce de la poésie intime se mêle au fantastique de la légende, est-il devenu un sombre mé­lodrame à travers la monotonie duquel il est à peine possible de distinguer quelques points lumineux ? Tout y est lent, tout y [est] triste. Et je ne vous dirai ni comment ni pourquoi, par la raison qu’il est toujours fort délicat de faire intervenir dans la cri­tique des questions de personnes. On me permettra seulement de regretter, avec la très grande majorité des musiciens, qu’un chef-d’œuvre tel que le Freischütz Freischütz, DerDer Freischütz, opéra romantique en trois actes sur un livret de Johann Friedrich Kind, mis en musique par Carl Maria von Weber, créé au Nouveau Schauspielhaus de Berlin le 18 juin 1821.Lire la suite…soit livré à la merci d’artistes qui ne le comprennent guère, et qui n’ont pas auprès d’eux, je devrais dire au-dessus d’eux, investi d’une autorité absolue un maître capable de le leur faire comprendre. On ne chante pas le FreischützFreischütz, DerDer Freischütz, opéra romantique en trois actes sur un livret de Johann Friedrich Kind, mis en musique par Carl Maria von Weber, créé au Nouveau Schauspielhaus de Berlin le 18 juin 1821.Lire la suite… comme on chante le TrouvèreTrouvère, LeLe Trouvère, opéra en quatre actes sur un livret en français d’Emilien Pacini traduit du livret en italien de Salvatore Cammarano, Il trovatore, mis en musique par Giuseppe Verdi. La version en français fut créée d’abord au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles le 20 mai 1856 puis a l’Op�Lire la suite… ou la Favorite.Favorite, LaLa Favorite, opéra en quatre actes sur un livret de Alphonse Royer et Gustave Vaëz mis en musique par Gaetano Donizetti et créé à l’Opéra de Paris le 2 décembre 1840.Lire la suite… Et si on le voulait bien, rien ne serait plus facile que de faire revivre les pures traditions, de se pénétrer de l’esprit du sujet et de suivre fidèlement les intentions du compositeur. Mais il faudrait le vouloir, et ne pas se dire simplement : avec quelques coupures, nous allons faire de ce chef-d’œuvre un lever de rideau au ballet nouveau, et la recette sera bonne. Oui, la recette sera bonne ; mais au temps de sa splendeur, l’Opéra se préoccupait-il uniquement d’encaisser de bonnes recettes ? Laissez donc dormir les chefs-d’œuvre plutôt que de les rendre à la vie défigurés, mutilés et presque méconnaissables.

Après tout, l’ouverture s’est jouée le pre­mier soir devant une cinquantaine de spectateurs, et c’est pendant la fonte des balles, au milieu des chuchotemens provoqués par la fantasmagorie, que les amateurs du genre chorégraphique ont commencé à faire leur entrée. Aucun, du reste, ne s’est plaint d’arriver trop tôt. Donc, si vous n’êtes pas d’humeur à être dérangé, bousculé et trou­blé au milieu des jouissances que vous donne l’audition d’une des plus admirables pages symphoniques qui existent, attendez, pour aller voir le FreischützFreischütz, DerDer Freischütz, opéra romantique en trois actes sur un livret de Johann Friedrich Kind, mis en musique par Carl Maria von Weber, créé au Nouveau Schauspielhaus de Berlin le 18 juin 1821.Lire la suite… à l’Opéra, que le nouveau ballet lui serve de lever de ri­deau.

Un concert particulièrement intéressant a eu lieu jeudi dernier dans le salon du Grand-Hôtel, au bénéfice de M. DanbéDanbé, JulesJules Danbé (Caen, 15 novembre 1840 – Paris, 30 octobre 1905), violoniste, compositeur et chef d’orchestre. Après un 1er accessit de violon en 1859 au Conservatoire de Paris, où il fut l’élève de Narcisse Girard et Augustin Savard, il fit carrière comme violoniste dans les orchestres du Lire la suite…. On y a exécuté (première et seule au­dition, disait l’affiche) la Vie d’une roseVie d’une rose, LaLa Vie d’une rose. C’est le titre de la traduction française de Victor Wilder de Der Rose Pilgerfahrt (Le Pèlerinage de la Rose), Op. 112, conte de fées musical en deux parties pour solistes, chœur et orchestre sur un livret en allemand de Moritz Horn mis en musique par Robert Schumann et crLire la suite…, de Robert Schumann, ou, si l’on veut tra­duire plus littéralement : le Pèlerinage de la rose. C’était donc une fête qui ne devait pas avoir de lendemain. Cela a sé­duit le public et l’a mis dans des disposi­tions favorables : Nous sommes les seuls qui entendrons ceci !

La légende de M. HornHorn, Heinrich-MoritzHeinrich-Moritz Horn (Chemnitz/Saxe, 14 novembre 1814 -Zittau/Saxe, 24 août 1874), ecrivain et poète. Il étudia le droit à Leipzig et suivi également des cours d’Histoire et d’Esthétique. Il fit son apprentissage dans une étude d’avocat à Dresde puis fut employé au palais de justice dLire la suite…, traduite en fran­çais par M. Victor Wilder, appartient à ce genre de métaphysique sentimentale et de douce allégorie que les Allemands affectionnent et qui les transporte dans le pays bleu. Nous nous y laissons bien prendre quelquefois, mais pas toujours.

Voici en peu de mots l’analyse de cette légende :

La Rose vient d’éclore aux premières caresses du printemps. A la clarté des étoiles, les Elfes dansent leur ronde joyeuse au bord du ruisseau limpide qui coule à travers les roseaux. Soudain une voix lé­gère comme un souffle, douce comme un parfum, s’élève du sentier fleuri. C’est la Rose qui supplie la reine des Elfes de lui donner avec la vie les traits et le cœur d’une femme.

La métamorphose accomplie, Rose salue les merveilles de la nature et sent son cœur tressaillir aux secrètes prémices de l’amour. Puis, vive et gracieuse, elle s’élance vers la chaumière ombragée au seuil de laquelle une femme est assise. Marthe re­pousse la prière de la jeune fille qui de­mande un asile et du pain. Plus loin, un fossoyeur creuse dans le cimetière du vil­lage la fosse où va reposer la fille du meu­nier. Le funèbre cortège s’avance ; le pau­vre père emplit l’air de ses gémissemens et Rose reste longtemps en prière auprès de la tombe qui vient de se fermer. Le fossoyeur l’entraîne vers son humble de­meure :

Viens, chère enfant, porter bonheur

Au pauvre fossoyeur.

A peine le sommeil a-t-il clos sa pau­pière, Rose entend la voix des Elfes qui essaient de l’arracher aux périls de sa nouvelle existence :

Près de nous, ma sœur,

Est le vrai bonheur !

Mais le rêve a fui et Rose s’éveille aux premières clartés du jour. Le fossoyeur est près d’elle qui lui sourit :

O noble et chère fille !

Ecoute, et suis mes pas tremblans :

Je veux te rendre une famille

Et te donner de bons parens.

A la vue de Rose, le meunier et la meu­nière croient retrouver l’enfant qu’ils ont perdu. Ils ouvrent leurs bras à la jeune in­connue et lui disent de prendre place à leur foyer.

La deuxième partie est remplie par les amours de Rose et de Max, le fils du fo­restier. Un an après son mariage, Rose de­vient mère. Un bel enfant repose sur son sein. D’un œil attendri elle le contemple. Soudain, détachant le talisman qu’elle porte à son corsage, et duquel dépend le bonheur de sa vie, elle le donne au blond chérubin et meurt.

A toi ma vie, à toi cher ange !

Dieu me promet en échange

Le bonheur pour toi.

Ce talisman, présent de la reine des El­fes, est une rose que rien ne peut flé­trir.

La partition de Schumann, dont la cou­leur générale se ressent un peu de la mo­notonie du sujet, renferme de belles pages et quelques unes de ces inspirations déli­cates qui caractérisent plus particulière­ment la manière du compositeur allemand. Mais je n’y ai point trouvé au même degré que dans le Paradis et la Péri l’élégance de la forme, l’originalité de l’idée et le sen­timent poétique. Pourtant, lorsque cet ou­vrage fut exécuté, il y a bientôt quatre ans, au Théâtre-Italien, il fut accueilli avec bien moins de faveur que ne l’a été l’autre soir la Vie d’une rose.Vie d’une rose, LaLa Vie d’une rose. C’est le titre de la traduction française de Victor Wilder de Der Rose Pilgerfahrt (Le Pèlerinage de la Rose), Op. 112, conte de fées musical en deux parties pour solistes, chœur et orchestre sur un livret en allemand de Moritz Horn mis en musique par Robert Schumann et crLire la suite… On peut tirer de là, si l’on veut, une conclusion en faveur du goût du public qui s’épure et se perfec­tionne chaque jour. Mais les admira­teurs et les zélés propagateurs de la mu­sique de Schumann n’en sont pas moins très médiocrement satisfaits. A qui la faute ? Ne sait-on pas par d’innombrables expériences qu’une œuvre d’une certaine portée, qu’elle se produise au théâtre ou au concert, réus­sit bien rarement du premier coup, même quand elle semble devoir s’imposer par des qualités saillantes et des beautés de l’ordre le plus élevé à l’admiration du public ? On ne pouvait donc espérer pour la Vie d’une roseVie d’une rose, LaLa Vie d’une rose. C’est le titre de la traduction française de Victor Wilder de Der Rose Pilgerfahrt (Le Pèlerinage de la Rose), Op. 112, conte de fées musical en deux parties pour solistes, chœur et orchestre sur un livret en allemand de Moritz Horn mis en musique par Robert Schumann et crLire la suite… un succès plus accentué que celui qu’elle a obtenu. L’enthousiasme des di­lettantes est resté dans la demi-teinte comme l’inspiration du compositeur. Quelques ra­res musiciens suivaient sur la partition avec un recueillement d’abbé lisant son bréviaire ; la majorité du public se conten­tait des explications fournies par le pro­gramme : « Naissance du printemps. — Les fiançailles de la terre. — La rose s’éveille. — Elle se lamente sur sa destinée et voudrait être femme. — Rose s’approche d’un vieil­lard qui travaille la terre : il creuse une tombe. — Le meunier et la meunière. — Description du moulin. — La forêt. — Le premier amour. — Les fiançailles. — Le mariage. — La mort. — L’apothéose…..le désert. »

Et Rose, elle a vécu ce que vivent les roses,

L’espace d’un concert.

Vous ne ferez jamais que des spectateurs qui ont laissé leur paletot au vestiaire aient la politesse d’attendre le dernier coup d’ar­chet pour partir. Au moment de l’apo­théose, il n’y avait plus personne dans la salle.

C’est par un duo finissant en trio que l’œuvre de Schumann débute. Ce morceau, traité en canon (procédé scolastique très familier au compositeur) et écrit pour soprani et contralto, est tout à fait gracieux et charmant. Après une courte mélodie du ténor récitant, vient un chœur de femmes à trois voix (le chœur des Elfes), dans le­quel on retrouve comme un vague souve­nir d’Obéron.OberonOberon, opéra romantique en trois actes sur un livret en anglais de James Robinson Planche, d’après le poème de Christoph Martin Wieland, mis en musique par Carl Maria von Weber et créé au Théâtre de Covent Garden à Londres le 12 avril 1826. La version en français due à Charles Nuitter eLire la suite… Il y a de jolies phrases dans le récit du ténor, et entre autres celle-ci :

Rose ! Nature en fête

S’étale à tes regards ravis ;

La brise sur ta blonde tête

Effeuille les pommiers fleuris.

Mais par quelle singulière coïncidence le commencement du duettino entre Marthe et la Rose reproduit-il note pour note une chanson bien connue de M. Gustave Nadaud ?

C’est bonhomme qu’on me nomme.

Une fort belle scène, c’est le chant funé­raire en accords plaqués, sur lequel la voix de Rose s’élève comme une plainte tou­chante. Les regrets du fossoyeur à l’épouse qu’il a perdue, son dialogue avec Rose ont peu d’intérêt. La première partie se ter­mine par une courte prière et un chœur d’Elfes, dont le principal mérite est dans la rapidité du rhythme.

La seconde partie, je le crois, est supé­rieure à la première. Mais je crois aussi que le public s’est un peu trop extasié sur la grâce adorable de la chanson du moulin, une bluette que l’on attribuerait volontiers à Schubert si Schumann ne l’avait pas si­gnée. Le quatuor que chantent Rose et le fossoyeur, le meunier et la meunière, n’a que quelques mesures, mais il est d’un sen­timent exquis. On a beaucoup applaudi le chœur des forestiers, morceau brillant, un peu dans la manière de WeberWeber, Carl Maria vonCarl Maria von Weber (Eutin, 18 novembre 1786 – Londres, 5 juin 1826), compositeur. Il étudia avec son père, puis avec Johann Peter Heuschkel, organiste à Hildburghausen où sa famille s’était établie en 1796. L’année suivante, sa famille s’installa à Salzbourg où Weber étudia avec Lire la suite…, et accom­pagné par des appels de cors d’un mouve­ment assez original. Je citerai aussi le joli duettino pour soprano et contralto et le duo entre Rose et Max :

Mon âme s’est donnée,

Mon cœur n’est plus à moi ;

la mélodie :

Au fond du bois repose

Le fils du forestier ;

la scène des fiançailles et celle du ma­riage, en mouvement de valse, toutes les deux admirablement réussies ;

Après le mariage, les adieux de Rose à son enfant, une mélopée de quelques me­sures seulement : l’année a passé vite ; enfin l’apothéose, qui valait la peine d’être entendue et qui n’a guère été que le chant du départ d’une foule impressionnée, mais trop pressée de partir.

Il y a dans l’instrumentation de la Vie d’une RoseVie d’une rose, LaLa Vie d’une rose. C’est le titre de la traduction française de Victor Wilder de Der Rose Pilgerfahrt (Le Pèlerinage de la Rose), Op. 112, conte de fées musical en deux parties pour solistes, chœur et orchestre sur un livret en allemand de Moritz Horn mis en musique par Robert Schumann et crLire la suite… des détails ravissans, parfois un excès de recherche, mais le plus souvent beaucoup d’élégance et de sobriété. L’exé­cution a été dirigée par M. DanbéDanbé, JulesJules Danbé (Caen, 15 novembre 1840 – Paris, 30 octobre 1905), violoniste, compositeur et chef d’orchestre. Après un 1er accessit de violon en 1859 au Conservatoire de Paris, où il fut l’élève de Narcisse Girard et Augustin Savard, il fit carrière comme violoniste dans les orchestres du Lire la suite… et par M. ChevéChevé, Émile-Joseph-MauriceÉmile-Joseph-Maurice Chevé (Douarnenez/ Finistère, 31 mai 1804 – Paris, 26 août 1864), médecin et théoricien. Il entra dans la marine à seize ans et obtint ses diplômes de chirurgien et docteur en médecine. Installa à Paris en 1835, il prit des cours de musique avec Aimé Paris, dont il Lire la suite… dans les morceaux d’ensemble. Je n’aime pas ces évolutions simultanées de deux archets, ou plutôt d’un bâton et d’un archet qui, avec la meilleure volonté d’aller ensemble, ne peuvent éviter de se contrarier. Les chœurs, qui lisaient sur des pages chiffrées, ont chanté avec une préci­sion mathématique ; Mmes Edma BretonBreton, Jeanne-Marie-Edmée dite Edma BretonJeanne-Marie-Edmée Breton (Auxerre, 13 janvier 1855 – 1941?), soprano. Elle étudia au Conservatoire de Paris où elle obtint un 2d prix de chant et d’opéra-comique en 1873. Elle débuta à l’Athénée, puis à l’Opéra-Comique en 1874 qu’elle quitta l’année suivante. Elle se produisiLire la suite…, Alice Bernardi et Marie LhéritierL’Héritier, MarieMarie L’Héritier (Paris, 26 septembre 1837 – ?), soprano. Elle étudia au Conservatoire de Paris où elle obtint un 1er prix de solfège en 1851, un second prix de piano en 1853 et un 1er prix de chant et d’opéra-comique et un 2eme prix d’opéra en 1856. Elle débuta à l’Opéra-Comique enLire la suite…, MM. NicotNicot, Charles-AugusteCharles-Auguste Nicot (Mulhouse, 23 octobre 1843 – Paris, 28 mars 1899), ténor. Il étudia au Conservatoire de Paris où il obtint un 1er prix d’opéra-comique et un 2d prix de chant et d’opéra en 1868. Il débuta à l’Opéra-Comique, le 29 février 1869, dans Mergy du Pré-aux-clercs (HéLire la suite…, SolonSolon, Jules-AchilleJules-Achille Solon (Paris, 3 juillet 1843 – Château de Cardoville/Eure, 24 septembre 1874), baryton. Il étudia au Conservatoire de Paris avec Charles Battaille et obtint un 2nd prix d’opéra en 1867 puis un 1er prix de chant en 1868. Il fut engagé au Théâtre de l’Athénée dans Martha dLire la suite… et MassonMasson, Jean-ErnestJean-Ernest Masson (Bayonne, 16 décembre 1844 – Paris, 19 mars 1906), basse. Il étudia à l’Ecole Niedermeyer de 1863 à 1864 puis au Conservatoire de Paris où il obtint un 2d accessit de chant et d’opéra-comique en 1866. Il débuta au Théâtre des Fantaisies-Parisiennes en 1867 dans L�Lire la suite…, chargés des parties soli dans l’œuvre de Schumann, se sont parfaitement acquittés de cette lâche, difficile et même périlleuse pour des artistes habitués comme eux à un tout autre genre de musique. M. NicotNicot, Charles-AugusteCharles-Auguste Nicot (Mulhouse, 23 octobre 1843 – Paris, 28 mars 1899), ténor. Il étudia au Conservatoire de Paris où il obtint un 1er prix d’opéra-comique et un 2d prix de chant et d’opéra en 1868. Il débuta à l’Opéra-Comique, le 29 février 1869, dans Mergy du Pré-aux-clercs (HéLire la suite… doit être excellent musicien : Mlle Alice Bernardi a une voix de contralto superbe.

Essayons maintenant de jeter quelques notes gaies sur les dernières lignes de ce feuilleton.

Le roi l’a dit ; — Qu’a dit le roi ? Il a dit au marquis de Montcontour : « J’aime les nombreuses familles : vous avez quatre filles, mais vous avez aussi un fils ? » Et son ton voulait si bien dire : je le désire, que le marquis de Montcontour a répondu : Oui, Sire. J’ajouterai sans qu’on m’en prie que la pièce est en vers et qu’elle est fort jolie.

Un incident des plus futiles a valu au marquis de Montcontour l’honneur d’être présenté au grand roi. Comme il était en chasse, un oiseau, planant dans l’espace, vint tout à coup se poser sur le canon de son fusil. C’était la perruche de Mme de MaintenonMaintenon, Francoise, marquise deFrançoise d’Aubigné, marquise de Maintenon (Niort, 27 novembre 1635 – Saint-Cyr, 15 avril 1719), épouse morganatique du roi de France Louis XIV. Petite-fille de l’écrivain Théodore-Agrippa d’Aubigné (Saint-Maury/Charente-Maritime, 8 février 1552 – Genève, 9 mai 1630), elle fut éleLire la suite…. Depuis deux jours, inconsolable de la perte incommensurable de son oiseau favori, la marquise n’avait ni mangé ni dormi. Cessant ses plaintes importunes, elle dit au chasseur : « Monsieur de Montcontour, vous serez admis à la cour. » A quoi tiennent, grand Dieu ! les plus hautes fortunes !

Mais où donc trouver ce fils que le roi Soleil veut connaître et qu’il se charge de protéger ? Fort heureusement, un certain Miton, maître à danser, professeur de belles manières, et qui n’a pas son pareil pour glisser dans la main d’une belle un billet doux parfumé, se charge de dénouer une situation également embarrassante pour les deux époux. Il est en train de faire de Javotte une princesse, il fera un gentilhomme de Benoît. Et vraiment il n’y réussit que trop. Le jeune drôle devient en quelques leçons un raffiné de la pire espèce qui rosse ses créanciers, se bat en duel pour une vé­tille, et met le feu au couvent où sont en­fermées ses sœurs. Il se bat tant et si bien qu’il est tué deux fois. Le roi fait compli­menter le marquis sur la mort de son fils. Donc, le comte Benoît est mort, puisque le roi l’a dit, et il n’y a plus de comte Be­noît. Au dénoûment, Javotte, que sa vertu a arrêtée sur le chemin de la fortune, a re­pris ses habits de soubrette, et elle épouse Benoît, redevenu Benoît comme devant.

N’eussent été les préoccupations du de­hors, on eût mieux écouté, le soir de la pre­mière représentation, cette pimpante comé­die, et on eût ri bien davantage, car il y a dans la pièce de M. Edmond GondinetGondinet, EdmondEdmond Gondinet (Laurière/Haute-Vienne, 7 mars 1828 – Neuilly-sur-Seine, 19 novembre 1888), auteur dramatique et librettiste. Il fit d’abord carrière dans l’administration, où il fut nommé sous-chef de bureau au ministère des Finances. Il débuta au théâtre avec un acte en vers, Trop cuLire la suite… des situations tout à fait divertissantes et beau­coup d’esprit.

Le musicien a partagé le succès du poëte. La nouvelle partition de l’auteur de la SourceSource, LaLa Source, ballet en trois actes sur un livret d’Arthur Saint-Léon et Charles Nuitter (pseudonyme de Charles-Louis-Étienne Truinet), musique de Léon Minkus et Léo Delibes et chorégraphie d’Arthur Saint-Léon. Le ballet fut créé à l’Opéra de Paris le 12 novembre 1866. Les rôles princiLire la suite… et de CoppeliaCoppéliaCoppélia, ballet en deux actes sur un scénario de Charles Nuitter et Arthur Saint-Léon mis en musique par Léo Delibes et chorégraphié par Arthur Saint-Léon. L’oeuvre fut créée à l’Opéra de Paris le 25 mai 1870.Lire la suite… est, sauf quelques er­reurs de grand style, vive, gracieuse, fran­chement mélodique, avec une pointe d’ar­chaïsme par-ci par-là, et très finement travaillée. J’entends, par erreurs de grand style, que le compositeur, ayant voulu at­teindre parfois aux nobles élans du style dramatique, a manqué le but.

Exemple (je n’en veux citer qu’un) : l’air de Javotte au deuxième acte.

Mais hâtons-nous de dire que le finale de ce deuxième acte est une page extrê­mement remarquable, que le trio syllabi­que qui précède aura le succès du fameux trio du Pré aux ClercsPré aux clercs, LeLe Pré aux clercs, opéra-comique en trois actes sur un livret d’Eugène de Planard, mis en musique par Louis Hérold, créé à l’Opéra-Comique le 15 décembre 1832.Lire la suite…, et citons encore, en remontant plus haut, la marche très originale de la Chaise à porteurs, les cou­plets de Miton : Courez à votre sonnette, mais, ne sonnez jamais, la leçon de musi­que des quatre jeunes filles, la sérénade des deux amoureux et un délicieux me­nuet. On a applaudi au troisième acte les couplets du comte Benoît, d’autres cou­plets chantés par Mlle ChapuyChapuy, Marguerite Chopis diteMarguerite Chopis dite Chapuy (Bordeaux, 21 juillet 1852 – Dijon, 23 septembre 1936), soprano. Elle étudia au Conservatoire de Paris avec François Regnier et obtint un 2e prix de comédie en 1869. Elle débuta au Théâtre du Vaudeville dans La Soupe au choux (Marc-Monnier, 1869). Pendant la gueLire la suite… et le finale, très guilleret. Peut-être ce troisième acte est-il inférieur aux deux autres, mais je n’oserais l’affirmer.

Le principal mérite de la partition du Roi l’a ditRoi l’a dit, LeLe Roi l’a dit, opéra-comique en trois actes sur un livret d’Edmond Gondinet, mis en musique par Léo Delibes et créé à l’Opéra-Comique de Paris le 24 mai 1873.Lire la suite…, c’est qu’elle satisfait égale­ment les amateurs d’opéra-comique et les plus délicats parmi les musiciens. La mise en scène est d’un goût parfait, d’une dis­tinction rare : habits pailletés, dominos bleus et roses, costumes de novices et manteaux de cour, robes à falbalas et chausses de laine, tout cela a été choisi et dessiné par des mains intelligentes et fort habiles. Rien ne détonne dans cette orgie d’étoffes, de perruques et de rubans. Mais pourquoi ne pas nous avoir montré la grande coupable en toute cette affaire : la perruche de Mme de Maintenon Maintenon, Francoise, marquise deFrançoise d’Aubigné, marquise de Maintenon (Niort, 27 novembre 1635 – Saint-Cyr, 15 avril 1719), épouse morganatique du roi de France Louis XIV. Petite-fille de l’écrivain Théodore-Agrippa d’Aubigné (Saint-Maury/Charente-Maritime, 8 février 1552 – Genève, 9 mai 1630), elle fut éleLire la suite…?

M. Emile Pessard vient de m’envoyer la partition pour piano seul d’un petit ou­vrage de sa composition qui fut joué et qui même se joue encore avec un cer­tain succès à l’Opéra-Comique. On re­grettera sans doute l’absence des paroles. Mais, en revanche, le frontispice est orné du portrait du compositeur. Ce portrait représente un homme jeune et très barbu, le regard tourné vers l’Olympe, le front chargé de rayons. Cela m’a un peu fait l’effet d’un PessardPessard, Emile-Louis-FortunéEmile-Louis-Fortuné Pessard (Paris, 29 mai 1843 – Paris, 10 février 1917), compositeur. Il étudia au Conservatoire de Paris où il obtint un 1er prix d’harmonie en 1862 et le 1er grand prix de Rome en 1866. Il composa plusieurs œuvres pour la scène lyrique avec des succès divers dont La CrLire la suite… de fantaisie, et je doute que ceux qui jetteront les yeux sur cette image disent : « Oui, c’est bien ainsi que nous nous figurions l’auteur de la Cruche cassée. » —Cruche cassée, LaLa Cruche cassée, opéra-comique en un acte sur un livret de Hippolyte Lucas et Emile Abraham mis en musique par Emile Pessard et créé au Théâtre de l’Opéra-Comique le 21 février 1870.Lire la suite…Et du Chariot Char, LeLe Char, opéra-comique en un acte sur un livret de Paul Arsène et Alphonse Daudet mis en musique par Emile Pessard et créé au Théâtre de l’Opéra-Comique de Paris le 18 janvier 1878.Lire la suite…[Le CharChar, LeLe Char, opéra-comique en un acte sur un livret de Paul Arsène et Alphonse Daudet mis en musique par Emile Pessard et créé au Théâtre de l’Opéra-Comique de Paris le 18 janvier 1878.Lire la suite…], s’il vous plaît.

E. Reyer