FEUILLETON DU JOURNAL DES DÉBATS

DU 23 AVRIL 1873.

 REVUE MUSICALE.

Concerts de l’Odéon : Marie-MagdeleineMarie-MagdeleineMarie-Magdeleine, drame sacré en 3 actes et 4 parties pour soli, chœur et orchestre sur un livret de Louis Gallet mis en musique par Jules Massenet. L’œuvre fut créée le 11 avril 1873 au Théâtre de l’Odéon de Paris sous la direction d’Edouard Colonne.Lire la suite…, drame sacré en trois actes et quatre ta­bleaux, de M. Louis GalletGallet, LouisLouis Gallet (Valence, 4 février 1835 – Paris, 16 octobre 1898), écrivain, auteur dramatique et librettiste. Il publia un recueil de vers, Gioventù (1857), sous le pseudonyme L. Marcelly. Il gagna ensuite Paris où, de 1857 à 1867, il travailla d’abord dans une imprimerie puis dans l’adminLire la suite…, musique de M. Jules Massenet ; Rédemption, poëme symphonique de M. Edouard Blau, mu­sique de M. César Franck.

Les concerts de l’Odéon n’eussent-ils servi qu’à nous révéler le drame sacré de Marie-MagdeleineMarie-MagdeleineMarie-Magdeleine, drame sacré en 3 actes et 4 parties pour soli, chœur et orchestre sur un livret de Louis Gallet mis en musique par Jules Massenet. L’œuvre fut créée le 11 avril 1873 au Théâtre de l’Odéon de Paris sous la direction d’Edouard Colonne.Lire la suite…, il faudrait louer l’insti­tution de ces concerts. Voilà certes une œuvre remarquable, d’un coloris charmant, d’une forme exquise. Si l’on n’y voit point partout et au même degré le cachet d’une individualité bien nettement accusée, si en quelques passages on peut trouver à re­prendre à la sévérité du style, du moins ne saurait-on demander au compositeur plus de savoir, plus d’expérience dans l’art d’é­crire, plus de finesse et d’habileté dans le maniement de l’orchestre. Nous sommes bien loin de Don César de Bazan.Don César de BazanDon César de Bazan, opéra-comique en trois actes sur un livret d’Adolphe d’Ennery, Philippe Dumanoir (pseudonyme de Philippe Pinel) et Jules Chantepie, mis en musique par Jules Massenet et créé à l’Opéra-Comique de Paris le 30 novembre 1872.Lire la suite… Le suc­cès de popularité que M. MassenetMassenet, Jules-Emile-FrédéricJules-Émile-Fréderic Massenet (Maontaud/Loire, 12 mai 1842 – Paris, 13 août 1912), compositeur. Il étudia au Conservatoire de Paris, où il obtint un 1er prix de piano en 1859 puis un 1er prix de contrepoint et fugue ainsi que le 1er Prix de Rome en 1863. à Rome, Liszt lui confia une élève,Lire la suite… avait rêvé avec cet ouvrage espagnol, dont la couleur locale et l’invention mélodique lais­saient également à désirer, c’est avec Marie-Magdeleine Marie-MagdeleineMarie-Magdeleine, drame sacré en 3 actes et 4 parties pour soli, chœur et orchestre sur un livret de Louis Gallet mis en musique par Jules Massenet. L’œuvre fut créée le 11 avril 1873 au Théâtre de l’Odéon de Paris sous la direction d’Edouard Colonne.Lire la suite…qu’il vient de l’obtenir. Et pour­tant, dans la pensée du jeune musicien, Marie-MagdeleineMarie-MagdeleineMarie-Magdeleine, drame sacré en 3 actes et 4 parties pour soli, chœur et orchestre sur un livret de Louis Gallet mis en musique par Jules Massenet. L’œuvre fut créée le 11 avril 1873 au Théâtre de l’Odéon de Paris sous la direction d’Edouard Colonne.Lire la suite… ne s’adressait qu’à un petit groupe de délicats. L’admirable lé­gende chrétienne, très habilement déve­loppée par le poëte, a-t-elle trouvé les esprits bien préparés en un jour de semaine sainte ? C’est fort possible. En tout cas, j’aime mieux constater un succès de ce genre que de l’expliquer par des disposi­tions particulières de l’âme ou par une de ces lueurs célestes qui éclairent tout à coup l’intelligence d’une foule recueillie.

Si j’avais l’insigne honneur de diriger une de nos grandes scènes lyriques, j’au­rais déjà proposé aux auteurs de Marie- MagdeleineMarie-MagdeleineMarie-Magdeleine, drame sacré en 3 actes et 4 parties pour soli, chœur et orchestre sur un livret de Louis Gallet mis en musique par Jules Massenet. L’œuvre fut créée le 11 avril 1873 au Théâtre de l’Odéon de Paris sous la direction d’Edouard Colonne.Lire la suite… de représenter leur drame sa­cré avec décors et costumes. Rien ne manquerait à la pompe du spectacle, si ce n’est qu’au tableau du Golgotha, à la seule fin de ménager la sensibilité des spectateurs, on verrait seulement se projeter sur la scène, comme dans le beau tableau de Gérôme, les grandes ombres allongées des trois crucifiés.

Mais les directeurs de nos grandes scè­nes lyriques ne sont guère friands de dra­mes sacrés et d’oratorios, même quand la faveur du public les accompagne.

Il nous faut donc regretter, une fois de plus, qu’en dehors du Conservatoire, où jamais une œuvre telle que Marie-Magde­leineMarie-MagdeleineMarie-Magdeleine, drame sacré en 3 actes et 4 parties pour soli, chœur et orchestre sur un livret de Louis Gallet mis en musique par Jules Massenet. L’œuvre fut créée le 11 avril 1873 au Théâtre de l’Odéon de Paris sous la direction d’Edouard Colonne.Lire la suite… n’aurait pu se produire, nous n’ayons pas à Paris, capitale des arts et du monde civilisé, une salle de concert spécialement affectée à l’exécution, sinon à la représen­tation, des drames religieux, oratorios, odes-symphonies ou symphonies dramati­ques. La partition de M. MassenetMassenet, Jules-Emile-FrédéricJules-Émile-Fréderic Massenet (Maontaud/Loire, 12 mai 1842 – Paris, 13 août 1912), compositeur. Il étudia au Conservatoire de Paris, où il obtint un 1er prix de piano en 1859 puis un 1er prix de contrepoint et fugue ainsi que le 1er Prix de Rome en 1863. à Rome, Liszt lui confia une élève,Lire la suite… a été exécutée au dernier concert de l’Odéon ; on l’entendra peut-être une fois encore dans un concert supplémentaire, et ce sera tout. Franchement, ce n’est point là un résultat qui soit en proportion avec le mé­rite de l’œuvre et avec le succès qu’elle a obtenu. M. MassenetMassenet, Jules-Emile-FrédéricJules-Émile-Fréderic Massenet (Maontaud/Loire, 12 mai 1842 – Paris, 13 août 1912), compositeur. Il étudia au Conservatoire de Paris, où il obtint un 1er prix de piano en 1859 puis un 1er prix de contrepoint et fugue ainsi que le 1er Prix de Rome en 1863. à Rome, Liszt lui confia une élève,Lire la suite… s’y attendait, et, disons-le à sa louange, cela n’a point arrêté l’élan de son zèle ni diminué la force de ses convictions. Car Marie-MagdeleineMarie-MagdeleineMarie-Magdeleine, drame sacré en 3 actes et 4 parties pour soli, chœur et orchestre sur un livret de Louis Gallet mis en musique par Jules Massenet. L’œuvre fut créée le 11 avril 1873 au Théâtre de l’Odéon de Paris sous la direction d’Edouard Colonne.Lire la suite… est non seulement l’œuvre d’un artiste de ta­lent, mais aussi l’œuvre d’un artiste con­vaincu. La poésie de cette admirable lé­gende n’eût point touché une âme vulgaire, un esprit fermé à toute croyance. Chez Bach et MozartMozart, Wolfgang AmadeusWolfgang Amadeus Mozart (Salzbourg, 27 janvier 1756 – Vienne, 5 décembre 1791), compositeur. Enfant prodige. Son père développa ses dons pour le piano et la composition et l’exhiba dès l’âge de six ans dans des voyages à travers toute l’Europe. Ses premières compositions, des pièces Lire la suite…, chez HændelHandel, Georges FredericGeorge Frideric Haendel (Halle, 23 février 1685 – Londres, 14 avril 1759), compositeur. Il étudia la composition avec Friedrich Wilhelm Zachow, organiste à Halle. En 1703, il accepta le poste de violoniste dans l’orchestre de Hambourg. C’est là qu’il composa son premier opéra, Almira (1Lire la suite… et HaydnHaydn, Franz JosefFranz Josef Haydn (Rohrau/Basse Autriche, 31 mars 1732 – Vienne, 31 mai 1809), compositeur. Il étudia avec Johann Mathias Franck, chef de chœur de l’église de Hainburg et fut remarqué par Reutter, maître de chapelle du Stephansdom à Vienne, qu’il le recruta en 1739 ou 1740 comme choristeLire la suite…, la foi dans l’art s’exaltait au contact de la foi religieuse, et s’ils n’avaient vu dans les sujets chrétiens ou bibliques qui les ont inspirés que de puériles superstitions, ils n’auraient point écrit leurs immortels chefs-d’œuvre.

Cela dit, sans la moindre arrière-pensée de convertir personne, j’arrive à l’analyse du poëme de M. GalletGallet, LouisLouis Gallet (Valence, 4 février 1835 – Paris, 16 octobre 1898), écrivain, auteur dramatique et librettiste. Il publia un recueil de vers, Gioventù (1857), sous le pseudonyme L. Marcelly. Il gagna ensuite Paris où, de 1857 à 1867, il travailla d’abord dans une imprimerie puis dans l’adminLire la suite….

Et d’abord, esquissons le paysage éclairé par les dernières lueurs du soleil couchant. C’est aux portes de Magdala ; auprès d’une fontaine que le feuillage épais d’un syco­more protège de son ombre, à travers les palmiers qui bordent la route, dans un lu­mineux nuage de sable, on voit s’avancer lentement la longue caravane avec son cor­tège de chameliers, de marchands vêtus de couleurs vives et de soldats aux armes étin­celantes ; des femmes et des publicains, des pharisiens et des scribes se croisent sur le chemin qui mène de Magdala à Génésareth ; d’autres sont assis sur l’herbe verte et cau­sent par groupes ; les jeunes filles emplissent leurs amphores à la source limpide où les cavaliers vont venir se désaltérer :

Le soleil effleure la plaine,

L’ombre des palmiers frémissans

Glisse sur la claire fontaine

Avec des souffles caressans.

C’est l’heure du repos, l’heure délicieuse,

Où, parlant au bord du chemin

A la foule silencieuse,

Nous apparaît Jésus, le beau Nazaréen.

Il y a dans ce petit chœur, chanté à l’unisson et accompagné par les cors, les bas­sons et les clarinettes, un charme pénétrant. C’est une mélodie douce et vaporeuse toute imprégnée des parfums de l’Orient et dans laquelle on sent passer comme le souve­nir d’un saint cantique. Et plus d’une page de la partition a ce caractère de naïveté attendrie propre aux anciens noëls, à ces noëls que tout enfans nous chantions dans l’église parfumée d’encens et embaumée de fleurs.

Les jeunes Magdaléens répondent aux jeunes Magdaléennes :

C’est l’heure où, conduisant de longues caravanes,

Passent ici les chameliers,

L’heure où les folles courtisanes

Viennent chercher l’amour des riches cavaliers.

Mais c’est à l’entrée des basses, accom­pagnée par le quatuor et traitée dans le style fugué, que l’opposition se fait sentir et prépare, par une diversion énergique et heureusement trouvée, le retour du pre­mier motif :

Nous allons voir encor peut-être

Cet étranger, cet imposteur,

Que les siens appellent : Le maître,

Et nous : Jésus, le faux docteur !

Quelle fraîcheur d’inspiration, quelle élégance de facture dans cette scène d’in­troduction que nous avons écoutée avec ravissement !

Meryem la Magdaléenne, déjà touchée par le repentir, vient revoir la place où dai­gna lui apparaître celui dont elle implore le retour. Qu’on nous permette de citer aussi la première strophe de la cantilène chantée par la belle pécheresse :

Avez-vous entendu sa parole bénie ?

La clémence divine est inscrite en sa loi.

Quand vous en comprendrez la douceur infinie

Ah ! vous maudirez votre vie

Et vous pleurerez comme moi !

De méchantes femmes répondent par un éclat de rire à la douleur de Meryem et Judas vient à son tour lui rappeler les enchantemens de sa vie passée et ses folles amours :

Ecoute, Meryem ; écoute

Le conseil de Judas, le conseil d’un ami :

Chasse la tristesse et le doute,

Et réveille l’amour en ton sein endormi.

Puis les scribes et les pharisiens, dans un chœur où le jeune musicien manie d’une main sûre et hardie les artifices de la fugue et du contrepoint, jettent l’insulte à la courtisane éplorée. Il y a dans ce morceau d’ensemble, que dominent par instans les sanglots de Marie-Magdeleine, une vigueur d’accent, une fougue sauvage dont l’effet est des plus saisissans.

Quand les voix se sont tues, Jésus appa­raît à la foule interdite et lui reproche son orgueilleuse ignorance et ses coupables erreurs. Judas et Meryem se prosternent ; les scribes et les pharisiens ne peuvent s’expliquer leur trouble devant cet homme qui les accuse et qui les maudit. « Femme, relève-toi ! » dit Jésus à Meryem :

Va, sois illuminée

Par la grâce d’en haut,

Et qu’à l’amour divin ton âme destinée

Soit comme un vase d’or sans tache et sans défaut.

Il lui promet d’aller bientôt la visiter en sa maison et s’éloigne lentement, tandis que le peuple s’écarte et s’incline devant lui.

Je louerai dans ce finale l’onction mélo­dique de la phrase principale, mais je crois que si le compositeur avait voulu se confor­mer au sentiment dramatique qui lui était indiqué par la situation, il aurait cherché à établir un contraste plus accusé entre les différentes parties de l’ensemble. M. MassenetMassenet, Jules-Emile-FrédéricJules-Émile-Fréderic Massenet (Maontaud/Loire, 12 mai 1842 – Paris, 13 août 1912), compositeur. Il étudia au Conservatoire de Paris, où il obtint un 1er prix de piano en 1859 puis un 1er prix de contrepoint et fugue ainsi que le 1er Prix de Rome en 1863. à Rome, Liszt lui confia une élève,Lire la suite… appartient par ses tendances et par son tempérament à une école qui se préoccupe beaucoup de la vérité dramatique et qui pose en principe l’obligation de conserver à chaque personnage un caractère distinctif. Dans le finale du premier acte comme dans d’autres parties de l’ouvrage, il ne me paraît pas que M. MassenetMassenet, Jules-Emile-FrédéricJules-Émile-Fréderic Massenet (Maontaud/Loire, 12 mai 1842 – Paris, 13 août 1912), compositeur. Il étudia au Conservatoire de Paris, où il obtint un 1er prix de piano en 1859 puis un 1er prix de contrepoint et fugue ainsi que le 1er Prix de Rome en 1863. à Rome, Liszt lui confia une élève,Lire la suite… ait rigoureusement tenu compte de ce précepte.

M. GalletGallet, LouisLouis Gallet (Valence, 4 février 1835 – Paris, 16 octobre 1898), écrivain, auteur dramatique et librettiste. Il publia un recueil de vers, Gioventù (1857), sous le pseudonyme L. Marcelly. Il gagna ensuite Paris où, de 1857 à 1867, il travailla d’abord dans une imprimerie puis dans l’adminLire la suite…, se rangeant à l’opinion de saint Grégoire contre saint Augustin, a fait de Marthe la sœur de Marie. C’est pour­quoi nous voyons au second acte Marthe et Marie entourées de leurs servantes, at­tendant l’arrivée de Jésus.

La maison est remplie de parfums et de fleurs. Entre les colonnes de la grande salle où est préparé le festin, on aperçoit le jardin par où doit venir Judas, puis Jésus et ses disciples.

Les servantes chantent un petit chœur charmant, d’une grâce exquise :

Le seuil est paré de fleurs rares,

La myrrhe parfume les airs,

Sur les nébels, sur les cithares

Réveillons nos plus doux concerts.

Et quel délicieux morceau d’orchestre que celui qui sert d’introduction à ce petit chœur, quelle instrumentation pittoresque et ingénieusement colorée alla moda antica ! La petite flûte et la clarinette dessinent de fines arabesques sur des arpèges de harpe : cela est d’une simplicité, d’une élégance, d’une fraîcheur dont la partition au piano ne vous donnera qu’une idée très affaiblie.

Je citerai aussi avec éloge, mais non sans faire quelques réserves, le duo entre Mar­the et Judas. M. MassenetMassenet, Jules-Emile-FrédéricJules-Émile-Fréderic Massenet (Maontaud/Loire, 12 mai 1842 – Paris, 13 août 1912), compositeur. Il étudia au Conservatoire de Paris, où il obtint un 1er prix de piano en 1859 puis un 1er prix de contrepoint et fugue ainsi que le 1er Prix de Rome en 1863. à Rome, Liszt lui confia une élève,Lire la suite…, en traitant le rôle du faux disciple un peu dans la ma­nière de HændelHandel, Georges FredericGeorge Frideric Haendel (Halle, 23 février 1685 – Londres, 14 avril 1759), compositeur. Il étudia la composition avec Friedrich Wilhelm Zachow, organiste à Halle. En 1703, il accepta le poste de violoniste dans l’orchestre de Hambourg. C’est là qu’il composa son premier opéra, Almira (1Lire la suite…, a rompu l’unité de style de son œuvre sans donner au caractère du personnage un relief suffisant. Judas n’est ni assez humble avec Jésus, ni assez per­fide avec Marthe, ni assez tendre avec Meryem.

Mais voici une ravissante phrase de la Magdaléenne :

Je ne vis que par sa pensée,

Et de trop de honte lassée

Mon âme implore son retour,

Comme, languissante et brisée,

La fleur appelle la rosée

Et les premiers baisers du jour.

Marthe et Marie se prosternent devant le Maître.

Toi qu’un esprit sublime éclaire

Tu daignes venir jusqu’à nous !

Alléluia !

A la seconde strophe, le violoncelle solo s’unit aux voix des deux femmes, dont la prière touchante et naïve appelle les béné­dictions de Jésus.

Après un duo très bien fait, et dans le­quel on pourrait tout au plus reprendre une légère réminiscence de style italien, Jésus et les disciples adressent au Dieu d’Israël une magnifique prière sans accom­pagnement, morceau vraiment remarquable et d’une grande élévation !

Le tableau du Golgotha, au début du troi­sième acte, nous a vivement impressionné. Après le chœur de l’insulte, un allegro fe­roce avec dessin persistant des premiers violons, la Madeleine s’approche de la croix pour recueillir le dernier soupir de Jésus. La terre tremble, le ciel se couvre de té­nèbres, l’orchestre s’agite et gronde, le son lugubre du tamtam se mêle à l’éclat des instrumeus de cuivre, et, au milieu de ce grand cataclysme d’où va sortir la régéné­ration du monde, s’exhale la plainte su­prême du Divin Rédempteur : Consummatum est !

Mais pourquoi M. MassenetMassenet, Jules-Emile-FrédéricJules-Émile-Fréderic Massenet (Maontaud/Loire, 12 mai 1842 – Paris, 13 août 1912), compositeur. Il étudia au Conservatoire de Paris, où il obtint un 1er prix de piano en 1859 puis un 1er prix de contrepoint et fugue ainsi que le 1er Prix de Rome en 1863. à Rome, Liszt lui confia une élève,Lire la suite…, au lieu de se conformer au texte du poëme, qui fait apparaître « les ombres des saints à la foule éperdue » et chanter dans la coulisse des voix invisibles, a-t-il terminé cette grande page par un chœur sautillant et joyeux : Il est mort, il est mort, l’orgueilleux pro­phète ?

Arrêtons ici toute critique. Le début de la quatrième partie, Marie-Magdeleine et les saintes femmes au tombeau de Jésus, est une inspiration sublime.

Pleure, Magdaléenne, pleure

Au souvenir du temps lointain

Où le Maître adoré vint bénir ta demeure !

Pleure, Magdaléenne, pleure !

Nous ne le verrons plus, le Prophète divin.

Ecoutez ce que chantent ces saintes femmes et vous pleurerez comme elles, car, je vous le dis en vérité, il n’existe pas en musique quelque chose de plus tendre, de plus touchant, de plus suave et de plus pur.

Jésus, le front illuminé par un rayon di­vin, apparaît à la Magdaléenne :

Femme, va dire aux miens d’enseigner à la terre

La loi du Christ victorieux.

Christ est vivant ! Christ est ressuscité ! Gloria in excelsis ! un beau chœur d’al­légresse termine cette œuvre gracieuse et forte, pleine d’élévation et de poésie chrétienne, qui, toute proportion gardée, fera pour la jeune renommée de M. Jules Massenet ce que l’Enfance du ChristEnfance du Christ, L’L’Enfance du Christ, trilogie sacrée pour récitant (ténor), soli, chœur et orchestre sur un livret et une musique de Hector Berlioz, créée à la salle Herz à Paris le 10 décembre 1854. Les trois parties de cette œuvre ont pour titre: Le Songe d’Hérode; La Fuite en Egypte; L’ArrivéLire la suite… a fait pour la gloire d’Hector BerliozBerlioz, Louis-HectorLouis-Hector Berlioz (La Côte Saint-André, 11 décembre 1803 – Paris, 8 mars 1869), compositeur. Il étudia au Conservatoire de Paris avec Lesueur et obtint le 1er Prix de Rome en 1830. La même année, il composa sa Symphonie fantastique. De retour de Rome, il composa Lelio ou le Retour à la vLire la suite…. Que le ciel vous récompense, mon jeune et vaillant confrère, et que Don César de BazanDon César de BazanDon César de Bazan, opéra-comique en trois actes sur un livret d’Adolphe d’Ennery, Philippe Dumanoir (pseudonyme de Philippe Pinel) et Jules Chantepie, mis en musique par Jules Massenet et créé à l’Opéra-Comique de Paris le 30 novembre 1872.Lire la suite… soit oublié !

Il me reste peu de place pour parler du poëme-symphonie de M. Edouard Blau, l’un des auteurs de la Coupe du roi de ThuléCoupe du roi de Thulé, LaLa Coupe du roi de Thulé, opéra en trois actes sur un livret de Louis Gallet et Edouard Blau mis en musique par Eugene Diaz et créé à l’Opéra le 10 janvier 1873.Lire la suite…, mis en musique par M. César Franck, l’au­teur de Ruth.RuthRuth, églogue biblique en trois parties pour solistes, chœur et orchestre sur un texte d’Alexandre Guillemin mis en musique par César Franck, fut créée à la salle Erard à Paris le 30 octobre 1845 dans sa réduction pour chant et piano par l’auteur puis le 4 janvier 1846 dans la salle du CLire la suite… Et d’ailleurs j’ai peu de chose à en dire.

Rédemption est une œuvre écrite en fort beaux vers, mais qui est loin d’avoir l’im­portance et l’intérêt de Marie-Magdeleine. Marie-MagdeleineMarie-Magdeleine, drame sacré en 3 actes et 4 parties pour soli, chœur et orchestre sur un livret de Louis Gallet mis en musique par Jules Massenet. L’œuvre fut créée le 11 avril 1873 au Théâtre de l’Odéon de Paris sous la direction d’Edouard Colonne.Lire la suite…La partition ne comprend guère que sept morceaux, et encore a-t-on supprimé tout entier le tableau symphonique placé entre la première et la seconde partie. C’est ce qu’on peut appeler une coupure radicale.

M. César Franck, dont personne n’appré­cie plus que moi les qualités de grand musicien, ne paraît pas s’être souvenu, en écrivant Rédemption, de la grâce adorable, du charme et de la couleur répandus à pleines mains dans sa partition de Ruth et Booz. S’il a voulu choisir un sujet qui atti­rât son inspiration dans une sphère plus élevée, M. FranckFranck, César-Auguste-Jean-Guillaume-HubertCésar-Auguste-Jean-Guillaume-Hubert Franck (Liège, 10 décembre 1822 – Paris, 8 novembre 1890), pianiste, organiste et compositeur. Il étudia au Conservatoire de Liège, où il obtint un 1er prix de solfège en 1832 et un 1er prix de piano en 1834. Il étudia l’harmonie avec Louis-Joseph DausLire la suite… s’est trompé, et toutes les ressources scientifiques dont il sait dis­poser en maître n’ont pu dissimuler son erreur.

On a fort admiré pourtant et fort ap­plaudi un chœur d’une suavité angélique. Je ne saurais le mieux qualifier, puisque ce sont des anges qui le chantent.

Nous venons du ciel ! nous sommes les anges !

Quand nous paraissons,

Les regards sont pleins de clartés étranges,

Les cœurs de frissons.

Mais l’homme qui veut aux routes nouvelles

Marcher aujourd’hui,

Nous verra courbés sous nos blanches ailes

Plus tremblans que lui.

L’air de l’archange, dans la première par­tie, est aussi fort beau. Je n’ai pas besoin de vous dire que les musiciens trouveront plus d’intérêt et de profit à lire la nouvelle par­tition de M. FranckFranck, César-Auguste-Jean-Guillaume-HubertCésar-Auguste-Jean-Guillaume-Hubert Franck (Liège, 10 décembre 1822 – Paris, 8 novembre 1890), pianiste, organiste et compositeur. Il étudia au Conservatoire de Liège, où il obtint un 1er prix de solfège en 1832 et un 1er prix de piano en 1834. Il étudia l’harmonie avec Louis-Joseph DausLire la suite… que le public n’a pris de plaisir à l’entendre, bien que l’exécution, savamment conduite par M. ColonneColonne, Judas dit Jules puis EdouardJudas dit Jules puis Edouard Colonne (Bordeaux, 23 juillet 1838 – Paris, 28 mars 1910), violoniste et chef d’orchestre. Il étudia au Conservatoire de musique de Paris et obtint un 1er prix d’harmonie en 1858, un 1er prix de violon en 1863. Violoniste dans l’orchestre du Théâtre-Lyrique deLire la suite…, le jeune et habile chef des concerts de l’Odéon, ait été à peu près irréprochable.

E. Reyer.

 

P. S. Je consacrerai un feuilleton spé­cial aux concerts de la saison, aux con­certs spirituels et aux concerts profanes.