Albani, Emma

Marie-Louise-Cécile Lajeunesse dite Emma Albani (Chambly/Québec, Canada, 1er novembre 1847 – Kensington, 3 avril 1930), soprano. Née dans une famille de musiciens, son père prit en charge son éducation musicale et lui apprit à lire les œuvres musicales des grands compositeurs. De 1858 à 1865, elle poursuivit son éducation au couvent du Sacré-Cœur à Sault-au-Récollet tout en donnant des concerts à Montréal et ses alentours. En 1865, la famille déménagea à Albany, capitale de l’Etat de New York, où elle fut engagée comme soprano à l’église catholique Saint-Joseph. Grâce à l’aide de l’évêque d’Albany, John Joseph Conroy, qui lui organise des concerts-bénéfices, elle réunît les fonds nécessaires pour aller en Europe en 1868 se perfectionner d’abord auprès de Gilbert Duprez à Paris puis six mois plus tard à Milan auprès de Francesco Lamperti qui la guidera de ses conseils tout au long de sa carrière et lui enseigna une technique solide qui, jointe à une discipline infaillible, lui assura une bonne santé vocale et lui permit d’alterner entre les rôles légers et dramatiques pendant de longues années. Son professeur d’élocution lui suggéra son nom de scène : Emma Albani. Elle débuta dans La Sonnambula (Bellini) à Messine en 1870, puis fut engagée à Malte pour la saison 1870/7. Elle y rencontra Frederick Gye, directeur du Royal Italian Opera à Covent Garden, et signa avec lui un contrat de cinq ans (1872-1877) qui fut prolongé jusqu’en 1896. Comme les saisons londoniennes ne se déroulaient qu’entre avril et juillet, Emma Albani fut dès lors sollicitée par les théâtres les plus réputés d’Europe et d’Amérique. Londres, Paris, Berlin, Vienne, Bruxelles, Venise, New York, Moscou, Saint-Pétersbourg et d’autres villes l’accueillirent et l’acclamèrent. Sa voix légère, son aisance scénique, sa maîtrise du mezza-voce, sa technique parfaite et son art du trille la rendent l’interprète idéale du bel canto, qui domine alors dans les théâtres lyriques. En 1874 elle fut invitée au château de Windsor afin de donner un récital privé pour Victoria, reine de Grande-Bretagne et d’Irlande. Ce fut le début d’une amitié entre les deux femmes qui se visiteront régulièrement jusqu’au décès de Victoria, en 1901. En novembre 1874, elle fit une tournée aux États-Unis, où elle incarna son premier rôle wagnérien, celui d’Elsa (Lohengrin), à l’Academy of Music de New York, rôle qu’elle reprit au Royal Italian Opera l’année suivante et grâce auquel elle remporta l’un de ses plus grands triomphes. De saison en saison, son répertoire s’agrandit : elle incarna lady Harriet (Martha de Flotow), Juliette (Roméo et Juliette de Gounod), Inès (l’Africaine de Meyerbeer), Ophélie (Hamlet) et Mignon (Mignon) d’Ambroise Thomas, et des rôles wagnériens comme Éva (les Maîtres chanteurs), Senta (le Vaisseau fantôme), Elizabeth (Tannhäuser) et Isolde (Tristan et Isolde). Le 6 août 1878, Emma épouse Ernest Gye, fils du directeur du Royal Italian Opera, qui, à la suite du décès de son père, lui succéda comme directeur de 1878 à 1885 et devint son impresario. Ils eurent un fils, Ernest Frederick (1879-1955), qui eut une importante carrière diplomatique. En 1883, sous les auspices de l’impresario James Henry Mapleson, elle entreprit avec Adelina Patti une longue tournée aux États-Unis pendant laquelle les deux cantatrices se partagent les représentations ; Chicago, Washington, Baltimore et New York les accueillent. La même année, la chanteuse revint au Canada donner des concerts après quelque 20 ans d’absence. Entre 1883 et 1906, elle revint au Canada neuf fois pour des tournées qui l’amènent d’un bout à l’autre du pays. En 1890, elle se produisit au Metropolitan Opera à New York dans le rôle de Desdemona, dans l’opéra Otello de Verdi. En juillet 1896, au Royal Opera House de Londres, après avoir triomphé dans le rôle d’Isolde (Tristan et Isolde), elle fit ses adieux à la scène, dans le rôle de Valentine (les Huguenots, Meyerbeer). Elle continua à se produire en tournées de récitals, souvent accompagnée de quelques musiciens : le Canada en 1901, l’Afrique du Sud (1898, 1899, 1904), l’Australie (1898 et 1907), Ceylan (Sri Lanka) (1907), Inde (1907) et la Nouvelle-Zélande (1907). En 1906, elle fit sa tournée d’adieux au Canada, accompagnée de la jeune chanteuse canadienne Éva Gauthier. Le 14 octobre 1911, elle quitta définitivement la carrière devant une foule de 10 000 personnes, au Royal Albert Hall de Londres, ville où elle publia ses mémoires la même année sous le titre Forty years of song (Quarante ans de chant).