L’Athenæum français, 28 octobre 1854, p. 1012-1014 (article signé E. Reyer).

Théâtres. – chronique musicale.

Opéra : La Nonne sanglanteNonne sanglante, LaLa Nonne sanglante, opéra en cinq actes sur un livret d’Eugène Scribe et de Germain Delavigne mis en musique par Charles Gounod, créé à l’Opéra de Paris le 18 octobre 1854.Lire la suite…, opéra en cinq actes, paroles de MM. ScribeScribe, Augustin-EugèneAugustin-Eugène Scribe (Paris, 24 décembre 1791 – Paris, 20 février 1861), auteur dramatique, librettiste. Auteur dramatique le plus joué à la Comédie Française en son temps (Bertrand et Raton en 1833, La Camaraderie en 1837, Une Chaîne en 1841), il fut un écrivain prolixe qui écrivit 425 Lire la suite… et Germain DelavigneDelavigne, GermainGermain Delavigne (Giverny, 1er février 1790 – Montmorency, 30 novembre 1868), auteur dramatique. Il se lia d’amitié avec Eugène Scribe quand tous deux étaient étudiants au collège Sainte-Barbe à Paris. Ils écrivirent ensemble de nombreuses comédies et vaudevilles et des livrets dont Le Lire la suite…, musique de M. Charles GounodGounod, CharlesCharles Gounod (Paris, 17 juin 1818 – Saint-Cloud, 18 octobre 1893) compositeur. Gounod étudia le piano avec sa mère et la composition et l’harmonie en privé avec Reicha tout en faisant d’excellentes études classiques au Lycée Saint-Louis à Paris. Après avoir obtenu son baccalauréat, il Lire la suite….


Quelques pages du fameux roman de LewisMatthew Gregory LewisMatthew Gregory Lewis (Londres, 9 juillet 1775 – en mer, 14 mai 1818), écrivain. Il étudia d’abord à l’école de Westminster puis à Christ Church à Oxford, où il obtint une maîtrise en 1797. Destiné à une carrière diplomatique, il passait ses vacances a l’étranger pour apprendre lLire la suite… (le MoineMoine, LeLe Moine (The Monk), roman  de Matthew Gregory Lewis emblématique du roman gothique anglais et dont les thèmes (viol, inceste, parricide, pacte avec le diable) et la critique de l’hypocrisie des gens d’Eglise sont très subversifs. Il fut publié en 1796 et eut un succès retentissant.Lire la suite…) ont fourni à MM. ScribeScribe, Augustin-EugèneAugustin-Eugène Scribe (Paris, 24 décembre 1791 – Paris, 20 février 1861), auteur dramatique, librettiste. Auteur dramatique le plus joué à la Comédie Française en son temps (Bertrand et Raton en 1833, La Camaraderie en 1837, Une Chaîne en 1841), il fut un écrivain prolixe qui écrivit 425 Lire la suite… et Germain DelavigneDelavigne, GermainGermain Delavigne (Giverny, 1er février 1790 – Montmorency, 30 novembre 1868), auteur dramatique. Il se lia d’amitié avec Eugène Scribe quand tous deux étaient étudiants au collège Sainte-Barbe à Paris. Ils écrivirent ensemble de nombreuses comédies et vaudevilles et des livrets dont Le Lire la suite… l’idée du poëme de la Nonne sanglanteNonne sanglante, LaLa Nonne sanglante, opéra en cinq actes sur un livret d’Eugène Scribe et de Germain Delavigne mis en musique par Charles Gounod, créé à l’Opéra de Paris le 18 octobre 1854.Lire la suite…. Il est à regretter pour le compositeur que cette idée n’ait pas été développée avec plus de soin et plus de talent. Il y a dans les deux derniers actes des lacunes et un manque d’intérêt qu’un musicien moins habile et moins heureusement inspiré que M. GounodGounod, CharlesCharles Gounod (Paris, 17 juin 1818 – Saint-Cloud, 18 octobre 1893) compositeur. Gounod étudia le piano avec sa mère et la composition et l’harmonie en privé avec Reicha tout en faisant d’excellentes études classiques au Lycée Saint-Louis à Paris. Après avoir obtenu son baccalauréat, il Lire la suite… aurait eu bien de la peine à dissimuler. Nous comprenons maintenant comment il se fait que ce poëme ait passé par les mains de tant de compositeurs avant d’arriver à celles de l’auteur de SaphoSaphoSapho, opéra en trois actes sur un livret d’Émile Augier, mis en musique par Charles Gounod, créé à l’Opéra de Paris le 16 avril 1851.Lire la suite… et des Chœurs d’Ulysse. BerliozBerlioz, Louis-HectorLouis-Hector Berlioz (La Côte Saint-André, 11 décembre 1803 – Paris, 8 mars 1869), compositeur. Il étudia au Conservatoire de Paris avec Lesueur et obtint le 1er Prix de Rome en 1830. La même année, il composa sa Symphonie fantastique. De retour de Rome, il composa Lelio ou le Retour à la vLire la suite… en a fait deux actes. Lui qui est à la fois poëte et musicien serait sans doute venu au secours de ses collaborateurs ; mais de sérieuses difficultés ayant surgi tout à coup entre le musicien et l’administration de l’Opéra, l’œuvre est restée inachevée, et le libretto a continué ses pérégrinations jusqu’au jour où M. GounodGounod, CharlesCharles Gounod (Paris, 17 juin 1818 – Saint-Cloud, 18 octobre 1893) compositeur. Gounod étudia le piano avec sa mère et la composition et l’harmonie en privé avec Reicha tout en faisant d’excellentes études classiques au Lycée Saint-Louis à Paris. Après avoir obtenu son baccalauréat, il Lire la suite… s’est senti assez brave pour le venger du dédain de quelques-uns de ses collègues. Nous félicitons le jeune maître de cette confiance qu’il a eue en lui-même ; il vient de doter notre première scène lyrique d’une œuvre grande et belle, qui restera comme une des productions les plus remarquables et les plus complètes de ce temps-ci.

J’ai toujours eu la plus vive sympathie pour le talent de M. GounodGounod, CharlesCharles Gounod (Paris, 17 juin 1818 – Saint-Cloud, 18 octobre 1893) compositeur. Gounod étudia le piano avec sa mère et la composition et l’harmonie en privé avec Reicha tout en faisant d’excellentes études classiques au Lycée Saint-Louis à Paris. Après avoir obtenu son baccalauréat, il Lire la suite…, et je me souviens avec plaisir le premier article que j’ai écrit dans l’Athenæum a été consacré à l’analyse des Chœurs d’Ulysse. Ce que j’aime surtout en M. GounodGounod, CharlesCharles Gounod (Paris, 17 juin 1818 – Saint-Cloud, 18 octobre 1893) compositeur. Gounod étudia le piano avec sa mère et la composition et l’harmonie en privé avec Reicha tout en faisant d’excellentes études classiques au Lycée Saint-Louis à Paris. Après avoir obtenu son baccalauréat, il Lire la suite…, c’est qu’il prend son art au sérieux et que, comme tant d’autres, dans le but de flatter les oreilles pointues du plus grand nombre, il n’abaisse pas ses facultés productrices et ses vastes connaissances musicales. Il est élève de LesueurLesueur, Jean-FrancoisJean-François Lesueur (Drucat-Plessiel/Somme, 15 février 1760 – Paris, 6 octobre 1837), compositeur. Il reçut sa formation musicale dans les maîtrises d’Abbeville et d’Amiens. Il quitte Amiens en 1876 et pendant dix ans dirigea successivement les maîtrises de différents chapitres de provLire la suite…, et il s’en souvient. A chaque page de sa partition ce sont de savantes harmonies, des modulations neuves, d’ingénieuses combinaisons de timbres, des formules et des cadences qui sortent tout à fait du moule habituel, et des mélodies qui ont une physionomie toute particulière. M. GounodGounod, CharlesCharles Gounod (Paris, 17 juin 1818 – Saint-Cloud, 18 octobre 1893) compositeur. Gounod étudia le piano avec sa mère et la composition et l’harmonie en privé avec Reicha tout en faisant d’excellentes études classiques au Lycée Saint-Louis à Paris. Après avoir obtenu son baccalauréat, il Lire la suite… s’appuie sur le sentiment des artistes et non sur celui des profanes ; il arrivera plus lentement peut-être à la postérité, mais il y arrivera sans l’aide des flonflons et des lieux communs ; il assoira sa réputation sur des bases solides, et son nom rayonnera, pur de toute tache, parmi les plus célèbres.

Je ne puis dire les délicieuses émotions que j’ai éprouvées 1’autre soir en écoutant religieusement cette musique si savante, si colorée et si poétique. A côté de la puissance dramatique des grands effets d’orchestre, il y a la grâce, la délicatesse et la finesse des détails ; à côté du fantastique il y a l’idéal et les doux frémissements de l’amour ; aux accents surnaturels, aux plaintes nocturnes, aux gémissements funèbres succèdent de mélodieuses pensées, de charmantes fantaisies, des élans partis du cœur. Une fidèle analyse rendrait bien incomplètement les sensations par lesquelles j’ai passé. Je dirai quelques mots du poëme, et je citerai à peu près tous les morceaux de la partition.

La scène se passe en Bohême vers le XIe siècle. Le comte de Luddorf assiège le château de son ennemi le baron de Moldaw ; les flèches sifflent, et à la lueur de l’incendie on aperçoit debout, sa hache d’armes levée, le comte de Luddorf, s’apprêtant à fendre la tête d’un chef ennemi : un moine revêtu de la robe blanche et tenant à la main l’image du Christ s’avance au milieu des combattants : il étend sur eux ce signe de rédemption. Les glaives s’abaissent, et tous tombent à genoux, écoutant avec recueillement la voix prophétique de Pierre le saint ermite. Comme gage de réconciliation, le baron de Moldaw donnera la main d’Agnès, sa fille, à Théobald, le fils aîné du comte de Luddorf ; mais Rudolphe, le second fils du comte, frémit en entendant prononcer le nom de son frère : il aime Agnès et il en est aimé. Pierre a beau lui répéter :

On est fort contre la souffrance

Quand on souffre pour son pays,

Rudolphe repousse les pieuses exhortations du prêtre, et il attend Agnès, qui, une fois le moine parti, arrive au rendez-vous. Les deux amants n’ont qu’un moyen de se soustraire aux exigences d’une politique inflexible : c’est de fuir. Au dire de la légende, c’est cette nuit même que la Nonne sanglante, couverte d’un long suaire, portant la lampe et le poignard, et ayant au flanc une large tâche de sang, doit quitter sa couche de marbre pour se promener sur les dalles désertes du château ; les portes s’ouvriront d’elles-mêmes et laisseront passer le spectre. Rudolphe engage la timide Agnès à profiter de cette croyance superstitieuse et à prendre les habits de la nonne ; mais la jeune fille repousse un pareil sacrilège. Le baron de Luddorf arrive sur ces entrefaites, suivi de ses chevaliers, et lance l’anathème sur son fils qu’il trouve aux pieds d’Agnès. Le désespoir de Rudolphe triomphe de l’hésitation d’Agnès, et elle lui glisse à l’oreille ces deux mots : « A minuit. » Rudolphe a peine à contenir sa joie, et il laisse gronder sur sa tête la malédiction paternelle.

Au second acte, la scène représente une rue sur laquelle donne la principale cour du château ; un large escalier fermé par une grille de fer conduit à une galerie supérieure reliant l’une à l’autre deux tourelles aux clochetons effilés. Des bourgeois attardés auprès de bouteilles vides chantent :

Assez rire et boire

De ce vin du Rhin

Dont le jus divin

Ote la mémoire ;

puis ils se dispersent, effrayés par l’approche du fantôme, dont ils croient entrevoir déjà la silhouette livide. Urbain, le page de Rudolphe, trouve qu’il est doux, quand vient la nuit,

D’attendre une noble dame

En galant rendez-vous.

Il envie le sort de son maître. Rudolphe lui ordonne de tenir les chevaux prêts et d’attendre le signal du départ. A peine la douzième heure vient-elle de sonner au beffroi du château, qu’à travers les vitraux gothiques on aperçoit la pâle clarté de la lampe sépulcrale ; la nonne descend lentement les marches de l’escalier et s’avance vers Rudolphe, immobile et glacé de terreur. Le tonnerre gronde, les éclairs brillent et de sourds mugissements semblent sortir des entrailles de la terre : on dirait des âmes errantes exhalant en chœur leurs plaintes désolées. Rudolphe se souvient qu’il est chevalier, et cette pensée lui rend tout son courage ; n’est-il pas convenu, du reste, que sous le déguisement de la nonne il va retrouver Agnès, sa fiancée ? Il saisit une main et la trouve glacée par le froid de la mort ; il parle d’amour et passe au doigt de la nonne son anneau d’or. Aux protestations de Rudolphe, à ses serments, une voix sans timbre lui répond : « A moi, toujours à moi ! » Rudolphe est entraîné par une impulsion surnaturelle ; les chevaux piaffent d’impatience, et les naseaux au vent, la crinière hérissée, ils emportent les deux amants dans une course fantastique, comme les coursiers du hussard et de Lénore dans la ballade de Bürger. Au même instant Agnès, vêtue de blanc, portant lampe et poignard, paraît au haut de l’escalier du donjon.

Le théâtre change, et les ruines d’un vieux château se dressent en colonnes tronquées, en piliers gigantesques soutenant des fragments de voûtes effondrées, enlacées de plantes sauvages, au milieu d’un désert aride éclairé par une lune blafarde. Le vent siffle avec des accents lugubres ; les oiseaux de nuit volent lourdement avec des battements d’ailes sinistres ; le crapaud jette sa note plaintive et monotone au milieu du silence de cette solitude. On entend le galop des chevaux, et Rudolphe, suivi de son page, arrive haletant et terrifié devant cette scène de désolation. Il reconnaît les débris du château de ses pères ; mais bientôt la lune disparaît, les portiques se redressent, les colonnes reprennent leurs formes élégantes, les vitraux s’enchâssent dans les fenêtres, les murailles sont debout, ornées de fresques et de dorures ; les flambeaux s’allument d’eux-mêmes et éclairent une magnifique salle, la salle du festin, au milieu de laquelle est une table oblongue chargée de mets et de flacons. Rudolphe ne sait comment s’expliquer ce changement magique ; tout à coup il voit s’avancer vers lui une longue file de chevaliers revêtus de leur armure et de leur manteau de brocart : ce sont ses ancêtres qui le saluent et qui s’assoient silencieusement autour de la table ; d’autres convives entrent dans la salle et viennent prendre place au banquet. Des pages, des écuyers, des hommes d’armes, échansons muets, remplissent leurs coupes d’une liqueur rouge comme du sang. Rudolphe ne veut pas prendre part à cette orgie de la mort ; mais la nonne, posant sur lui sa main glacée et lui montrant l’anneau nuptial, le somme de tenir sa promesse et de consommer les épousailles. Rudolphe tombe évanoui, et Pierre l’Ermite, amené là fort à propos par le page Urbain, étend sa croix vers les fantômes, qui s’abîment sous terre ou disparaissent derrière les ruines. La nonne elle-même ne peut rien contre le talisman du prêtre. Elle s’éloigne lentement ; mais elle reviendra. Elle revient en effet, au troisième acte, puis au quatrième, au moment où Rudolphe, après la mort de son frère, va épouser la fille du baron de Moldaw.

Le ciel veut qu’on accomplisse

Les serments faits au tombeau,

et à moins que Rudolphe ne consente à venger la nonne de son meurtrier, elle ne brisera pas le pacte qui les lie l’un à l’autre. Ce meurtrier, c’est le comte de Luddorf.

A la guerre, dit-on… il a perdu la vie…

Dans le cloître où sa mort me conduisait, j’apprends

Qu’il existe ! qu’il se marie.

J’accours lui rappeler notre amour, ses serments,

Et lui, pour s’épargner une importune plainte,

Il m’a frappée au cœur….

Rudolphe renonce à Agnès plutôt que de se souiller d’un parricide. La trêve est rompue, et les chevaliers veulent laver dans le sang l’affront fait à leur seigneur. Ils savent que Rudolphe doit se rendre la nuit même dans la chapelle de Pierre l’Ermite, et là, embusqués derrière les anfractuosités des rochers, ils iront l’attendre pour l’assassiner. Le comte de Luddorf a pénétré le secret de son fils, et puisqu’il faut une victime pour apaiser l’ombre de la nonne sanglante, il s’offrira, lui, aux coups des assassins. Rudolphe gravit la montagne qui mène à la chapelle de l’anachorète ; mais il a été devancé par son père. Un cri plaintif se fait entendre au milieu du calme de la nuit ; le poignard des chevaliers a porté au comte de Luddorf le coup destiné à son fils. La mort du comte apaise le courroux de la nonne, qui maintenant ne quittera plus sa couche de pierre, et Rudolphe, délivré des obsessions du spectre, pourra tranquillement conduire Agnès à l’autel.

Il eût été possible de tirer un meilleur parti des apparitions fréquentes de la nonne ; le public est trop prévenu de ces retours périodiques auxquels une trappe qui se lève ou un pan de mur qui tourne sur lui-même ne donnent qu’un médiocre intérêt. Nous aurions voulu, au second acte, voir les aïeux de Rudolphe descendre solennellement de leurs cadres, au lieu d’arriver sur la scène par la coulisse en marchant comme de simples mortels, et se livrer à une orgie funèbre moins silencieuse et moins méthodique. Mais il y avait là un écueil à éviter : la scène des nonnes dans Robert le DiableRobert-le-diableRobert le Diable, opéra en cinq actes sur un livret d’Eugene Scribe et  Germain Delavigne, mis en musique par Giacomo Meyerbeer, créé à l’Opéra de Paris le 21 novembre 1831.Lire la suite…. Aussi, pourquoi MM. les librettistes regardent-ils si souvent derrière eux quand ils veulent faire du neuf et que leur imagination est en défaut ?

Laissons là le poëme et parlons de la partition, nous serons bien plus à notre aise.

Nous avons déjà dit l’effet général que nous avait fait éprouver l’ensemble de l’œuvre ; nous allons essayer maintenant d’en faire ressortir une à une toutes les beautés ; mais, nous le répétons, quand il s’agit de musique dramatique ou de symphonie descriptive, la plume ne peut guère que détailler froidement les impressions que l’on a reçues ; il n’en est pas malheureusement de la page d’une partition comme de la page d’un livre ou d’un drame : le feuilleton est inhabile à le reproduire, et nous doutons que le lecteur puisse se faire une idée d’un chant ou même d’un accompagnement quand on lui dit que la phrase est délicieuse ou vulgaire, que les bassons ou les clarinettes dessinent un contre-sujet sans la mélodie, dût-on ajouter que le morceau est mi bémol, ou la mineur, ou en sol naturel.

Il n’y a que deux moyens d’apprécier une muse musicale, c’est de la déchiffrer ou d’aller l’entendre : ce dernier moyen est le meilleur, et il est bien plus à la portée de tout le monde.

Pourquoi M. GounodGounod, CharlesCharles Gounod (Paris, 17 juin 1818 – Saint-Cloud, 18 octobre 1893) compositeur. Gounod étudia le piano avec sa mère et la composition et l’harmonie en privé avec Reicha tout en faisant d’excellentes études classiques au Lycée Saint-Louis à Paris. Après avoir obtenu son baccalauréat, il Lire la suite…, qui est un habile symphoniste, s’est-il contenté d’écrire une simple introduction au lieu d’une ouverture développée à la manière de WeberWeber, Carl Maria vonCarl Maria von Weber (Eutin, 18 novembre 1786 – Londres, 5 juin 1826), compositeur. Il étudia avec son père, puis avec Johann Peter Heuschkel, organiste à Hildburghausen où sa famille s’était établie en 1796. L’année suivante, sa famille s’installa à Salzbourg où Weber étudia avec Lire la suite… ou de Beethoven Beethoven, Ludwig vanLudwig van Beethoven (Bonn, 16 décembre 1770 – Vienne, 26 mars 1827), compositeur. Enfant prodige qui donna son premier concert public à Bonn à huit ans. Il alla à Vienne et prit des leçons avec Haydn de 1792 à 1794 puis avec Albrechtsberger de 1794 à 1795 et avec Salieri vers 1799. Il compLire la suite…? Sa préface instrumentale est magistralement écrite, mais elle est un peu courte, et nous aurions voulu qu’elle fît pressentir davantage le combat qui a dû commencer bien avant le lever du rideau, si l’on en croit le livret : les voix auraient dû se mêler à l’orchestre, et il y aurait eu dans cette combinaison, même au théâtre, un effet plus vrai et plus saisissant.

L’air de Pierre l’Ermite est large et d’un beau caractère ; il y a de l’onction dans la mélodie ; la cabalette de cet air rappelle la manière de Haendel Handel, Georges FredericGeorge Frideric Haendel (Halle, 23 février 1685 – Londres, 14 avril 1759), compositeur. Il étudia la composition avec Friedrich Wilhelm Zachow, organiste à Halle. En 1703, il accepta le poste de violoniste dans l’orchestre de Hambourg. C’est là qu’il composa son premier opéra, Almira (1Lire la suite…; elle est reprise par le chœur à l’unisson ; le travail de l’orchestre est remarquable ; il est impossible d’arriver à un effet plus grandiose, à une plus ample sonorité. Dans le duo entre Pierre et Rudolphe, nous signalerons une phrase pleine de tendresse et d’une expression suave :

Car je l’aime, mon père ;

Je l’aime et suis aimé.

Ce duo nous a rappelé celui de la Favorite : c’est la même situation, mais non pas la même coupe ni la même mélodie. Le duo suivant renferme des passages délicieux : la légende de la nonne chantée par Agnès, et cette phrase amoureuse, cette touchante invocation de Rudolphe :

Quand ils la verront s’avancer,

Fais, grand Dieu ! que l’effroi les glace.

Grand Dieu ! c’est mon Agnès qui passe ;

Sous tes ailes fais la passer.

La strette de ce duo est loin d’être à la hauteur de ce qui précède. La scène de la malédiction est très-belle, très-dramatique ; le final est développé avec un grand talent; les voix, dispersées avec art, s’unissent aux instruments en un tutti formidable. — J’entendais dire autour de moi que ce final était écrit dans le style de M. VerdiVerdi, GiuseppeGiuseppe Verdi (Roncole près Busseto/Italie, 9 octobre 1813 – Milan, 27 janvier 1901), compositeur. Il étudia avec Ferdinando Provesi à Busseto dès 1825 puis, de 1831 à 1835 avec Vincenzo Lavigna à Milan. De 1836 à 1839, il fut maestro di musica à Busseto puis retourna à Milan où son premiLire la suite…. — Je ne partage pas tout à fait cette opinion.

Le chœur chanté au commencement du deuxième acte a une certaine couleur allemande, beaucoup de verve et d’originalité ; malheureusement on ne peut s’empêcher d’entendre les paroles :

Assez rire et boire, etc.

Nous les avons déjà citées.

Les couplets du page Urbain sont charmants et émaillés de traits et de vocalises que le compositeur aura sans doute écrits à la demande de Mlle DussyDussy, MarieMarie Cotteret, dite Dussy (Lyon, 19 août 1828 – Nice, ? mars 1907), soprano. Elle étudia au Conservatoire de Paris où elle obtint un deuxième prix d’opéra-comique en 1850, puis débuta l’année suivante à l’Opéra, où elle se produisit jusqu’en 1859. Elle y créa entre autres Le MLire la suite….

L’air de Rudolphe, la cavatine dont chaque phrase dite d’une manière rapide et saccadée peint si admirablement la terreur du chevalier impie ; l’arrivée de la nonne, le tintement de la cloche imité par une note de harpe, les cors en son bouché, toute cette scène est merveilleusement rendue par le chant et par l’orchestre. Un frisson d’épouvante courait par toute la salle. La symphonie placée au commencement du second tableau (les ruines) est un chef-d’œuvre ; la flûte imite le chant du crapaud, des voix de femmes dans la coulisse font entendre des gémissements nocturnes ; les éclats de la foudre, le vent qui mugit, le galop des chevaux, tout cela est d’un fantastique réel, d’une vérité saisissante, d’une poésie sublime. La marche des morts, le chant lugubre des fantômes, accompagnés en sourdine avec deux pédales successives et obstinées, vous remplissent d’effroi.

Le troisième acte s’ouvre par une valse champêtre et des chants rustiques d’une adorable fraîcheur ; l’air de Rudolphe :

Un air plus pur,

Un ciel d’azur,

Brille à ma vue,

exhale un parfum suave de poésie et d’amour : le cor anglais marie ses accents doux et mélancoliques à la voix du chanteur ; l’orchestre fait entendre les murmures les plus délicats, les plus fines harmonies. Le duo entre Rudolphe et la nonne est d’un beau sentiment dramatique ; nous critiquons seulement quelques répétitions de mots qui ne sont pas heureux.

Les couplets bachiques du comte de Luddorf au commencement du quatrième acte ont beaucoup de cachet et sont rhythmés avec ampleur et originalité :

A la rescousse ! hymen, hyménée.

La plupart des airs de ballet sont charmants ; nous citerons surtout un délicieux petit air bohémien dont le thème est joué par la petite flûte et le basson, avec une tenue de violon sur la dominante.

Le cinquième acte est très-court et nous n’avons pas grand’chose à en dire : Agnès et Rudolphe chantent un duo très-passionné et rempli d’élans énergiques ; le monologue de Luddorf ne manque pas d’intérêt ; le chœur des assassins a de la couleur, et dans la scène finale le compositeur a montré une fois de plus à quel point il possède le sentiment dramatique.

Il nous paraît inutile d’ajouter que le succès de la Nonne sanglanteNonne sanglante, LaLa Nonne sanglante, opéra en cinq actes sur un livret d’Eugène Scribe et de Germain Delavigne mis en musique par Charles Gounod, créé à l’Opéra de Paris le 18 octobre 1854.Lire la suite… a été très-grand à la première représentation, et nous sommes bien convaincu que la belle et émouvante partition de M. GounodGounod, CharlesCharles Gounod (Paris, 17 juin 1818 – Saint-Cloud, 18 octobre 1893) compositeur. Gounod étudia le piano avec sa mère et la composition et l’harmonie en privé avec Reicha tout en faisant d’excellentes études classiques au Lycée Saint-Louis à Paris. Après avoir obtenu son baccalauréat, il Lire la suite… sera accueillie avec encore plus d’enthousiasme aux représentations suivantes.

GueymardGueymard, LouisLouis Geymard (Chaponnay/ Isère, 17 août 1822 – Saint-Fargeau, 8 juillet 1880), ténor. Il étudia le chant au Conservatoire de Paris et obtint les 2eme Prix de chant et d’Opéra en 1847. Il débuta à l’Opéra dans le rôle titre de Robert-le-Diable (Meyerbeer) en 1849 et y chanta tous le rLire la suite… a eu de très-beaux moments, mais il n’est pas de taille à supporter le poids d’un rôle aussi important et aussi développé que celui de Rudolphe. Mlle PoinsotPoinsot, AnneAnne Poinsot (Paris, 11 février 1825 – Enghien, mars 1906), soprano. Après ses études au Conservatoire de Paris, elle chanta des 1847 dans les théâtres de province. De 1851 à  1858 elle fut engagée  à l’Opéra de Paris. Elle chanta le rôle de Glycère à  la création de Sapho (GounoLire la suite… a de la chaleur et une grande intelligence scénique ; quand elle sait se modérer elle chante d’une manière très-agréable et avec plus de justesse. Mlle DussyDussy, MarieMarie Cotteret, dite Dussy (Lyon, 19 août 1828 – Nice, ? mars 1907), soprano. Elle étudia au Conservatoire de Paris où elle obtint un deuxième prix d’opéra-comique en 1850, puis débuta l’année suivante à l’Opéra, où elle se produisit jusqu’en 1859. Elle y créa entre autres Le MLire la suite… a une jolie jambe et une jolie voix, elle est fort bien en page. MerlyMerly, Jean-BaptisteJean-Baptiste Merly (Toulouse, 19 mars 1828 – ? juillet 1885), baryton. Après ses études au Conservatoire de Paris, il débuta à l’Opéra de Paris en 1851 et participa à la création de La Corbeille d’oranges (Auber), du Juif errant (Halévy, 1852), de La Nonne sanglante (Gounod, 1854). IlLire la suite… et DepassioDepassio, JeanJean Depassio (Lyon, 4 mai 1824 – Montmorency, 24 mars 1887), basse. A la fin de ses études au Conservatoire de Paris il fut engagé à la Monnaie à Bruxelles où il resta jusqu’en 1851. Entre 1851 et 1854, il chanta à l’Opéra de Paris et participa aux créations du Juif errant (Halévy, 1Lire la suite… sont des artistes d’un certain mérite. Quant à Mlle WertheimberWertheimber, PalmyrePalmyre Wertheimber (Paris, 9 septembre 1832 – Paris, 9 mai 1917), contralto. Elle étudia au Conservatoire de Parie où elle obtint les 1er Prix de chant et d’opéra et d’opéra-comique en 1851. Elle débuta à l’Opéra-Comique en 1852 participant cette année aux créations du Carillonneur dLire la suite… elle a droit à tous nos éloges ; d’un rôle secondaire elle a fait un rôle d’un intérêt puissant ; sa voix a des inflexions glaciales, son geste est sobre, lent et dérange à peine l’harmonie sépulcrale des plis de son linceul. Mlle WertheimberWertheimber, PalmyrePalmyre Wertheimber (Paris, 9 septembre 1832 – Paris, 9 mai 1917), contralto. Elle étudia au Conservatoire de Parie où elle obtint les 1er Prix de chant et d’opéra et d’opéra-comique en 1851. Elle débuta à l’Opéra-Comique en 1852 participant cette année aux créations du Carillonneur dLire la suite… est une des artistes les plus complètes, les plus vraiment dignes de ce nom qu’il y ait au théâtre. Nous n’entendons pas grand’chose aux évolutions, aux entrechats et aux pointes de ces messieurs et de ces dames du corps de ballet ; nous n’en dirons rien, si ce n’est qu’on a fort applaudi M. MéranteMérante, Louis-AlexandreLouis-Alexandre Mérante (Paris, 23 juillet 1828 – Courbevoie, 17 juillet 1887), danseur. Il débuta à Marseille en 1846, puis passa une saison à Milan (1846-1847), avant d’être engagé à l’Opéra de Paris en 1848. Excellent acteur et danseur, il s’illustra dans les ballets de Fanny CerrLire la suite… et Mlle LegrainLegrain, VictorineVictorine Legrain ( ? – ?), danseuse. Elle fut une soliste de la troupe de ballet de l’Opéra de Paris de 1849 à 1857. En 1851, elle se produisit à Londres avec succès dans un ballet d’après Le Fils prodigue de Scribe et Auber. Elle dansa l’Hiver dans le ballet des saisons des Vêpres siciLire la suite….

La reprise de l’Étoile du NordEtoile du Nord, L’L’Etoile du Nord, opéra-comique en trois actes sur un livret d’Eugène Scribe mis en musique par Giacomo Meyerbeer et créé à l’Opéra-Comique le 16 février 1854.Lire la suite… a été des plus brillantes. L’exécution de cet ouvrage est de plus en plus remarquable.